«Il est temps de valoriser le label Tikjda !»

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À travers cet entretien, M. Smaïl Meziani, directeur général du CNSLT, dresse un état des lieux du complexe et révèle ses ambitions et projets pour donner, dans un avenir proche, un nouveau visage à Tikjda.

La Dépêche de Kabylie : Comment se déroule la saison hivernale avec le manque de neige ?

Smail Meziani: Cette saison, nous avons constaté du retard dans l’arrivée de l’hiver et c’est vrai qu’il n’y a pas assez de neige. Toutefois, nous avons une équipe de moniteurs de ski sur place et nous espérons l’arrivée prochaine de conditions climatiques plus favorables pour ce sport hivernal et permettre aux adeptes de slalomer sur la poudreuse. Les clients sont certes satisfaits et contents des prestations, de l’hébergement et de la restauration et ils découvrent chaque année des nouveautés avec les extensions réalisées.

Mais pour moi, Tikjda est un label reconnu et il est temps de la valoriser par des moyens de transport dignes des stations climatiques qui existent à savoir le téléphérique ainsi que les remontées mécaniques. Nous voulons également créer d’autres activités conjointement avec le PND ou avec la direction de l’environnement. Par exemple, les sentiers pédestres et les pistes devraient être soigneusement balisés avec des panneaux de signalisation. Dernièrement, il y a un randonneur qui s’est perdu en voulant se rendre au lac Agoulmim et il a été retrouvé dans la wilaya de Tizi Ouzou en l’absence de panneaux.

Il faut impérativement aller vers la professionnalisation. Tikjda ce n’est pas seulement l’hôtel et la restauration, c’est un tout. Pour exemple, je cite les randonneurs qui se rendent au lac Agoulmim et qui souhaiteraient voir l’aménagement de petits chalets propres en bois sur place. Les jeunes qui activent dans l’informel sur la route en contrebas de l’auberge pourraient ainsi se recycler en travaillant dans un restaurant qui peut aisément être installé aux alentours du lac en plus d’autres petits commerces respectueux de l’environnement.

Quelles sont les nouveautés cette année au niveau du Centre ?

La nouveauté cette année est le rattachement de l’unité Seraidi auprès du CNSLT notamment pour les sportifs, au lieu d’aller en Tunisie, au Maroc ou à l’étranger, la nouvelle unité du CNSLT Seraidi-Annaba dispose de toutes les commodités pour les athlètes à savoir, deux terrains de football, deux salles omnisports, des salles d’entraînements, des saunas, un grand restaurant en plus de l’hébergement. Ainsi, lorsque nous avons une commande au niveau de la direction générale, nous les orientons vers Seraidi-Annaba, une unité du CNSLT.

Ceci est dû à un manque d’infrastructures sportives au niveau de Tikjda car nous ne disposons pas actuellement d’une salle OMS, ni d’un terrain de football répondant aux normes internationales. Pour le moment, nous avons un terrain de football en cours de réalisation et qui j’espère sera réceptionné au mois de juin prochain. Un terrain répondant aux normes FIFA avec une salle de 900 m² qui pourra permettre aux sportifs de s’entraîner ici à Tikjda.

Une autre nouveauté cette saison est le service animation qui est en train d’enrichir ses activités avec de nouvelles prestations telles le ski sur neige, randonnées sur neige, animation éducative chaque soir en direction des enfants…ceci en plus des activités habituelles notamment la randonnée vers le lac Agoulmim. Nous sommes en train de finaliser un nouvel hôtel de 200 lits au niveau de ce que l’on appelle ici ‘’le collectif bas’’, nous avons achevé les travaux du chalet du CAF car auparavant l’infrastructure ne disposait pas de commodités à savoir des sanitaires à l’extérieur.

Maintenant, nous les avons intégrées à l’intérieur, nous avons de même augmentés sa capacité d’accueil et le chalet dispose désormais de 60 lits incluant un restaurant, une cafétéria, un salon d’accueil ainsi qu’une piscine. Toutefois, pour cette piscine, nous prévoyons son extension et elle sera ouverte au public au cours de l’été prochain.

À Tikjda, notre vision est de multiplier les plans d’eau, à savoir les piscines car pour ce genre de loisirs aquatiques, il s’agit là d’une nouvelle tendance, les algériens préfèrent les piscines au littoral, plus calme dans une ambiance plus conviviale et plus propre également comparée aux plages bondées dont les accès sont sujets à de longues heures de route avec les inconvénients et les aléas de la circulation routière. De plus, en saison estivale, il y a plus d’activité en montagne que sur les plages, avec ces piscines, les sorties nocturnes, des randonnées, visites des villages abandonnées…c’est donc ce genre de programme que nous allons multiplier à l’avenir.

Pour alimenter les piscines, il faut de l’eau. Avez-vous résolu ce problème auquel est confrontée la région de Tikjda depuis de nombreuses années ?

Nous connaissons certes le problème d’eau, mais nous allons le régler prochainement car nous avons reçu l’autorisation de l’ADE pour réaliser un puits au niveau de Tikjda avec une certaine profondeur. Le puits que nous avons actuellement ne fait que 15 mètres de profondeur ce qui est insuffisant et l’on nous a conseillé de creuser à 30 mètres pour avoir un débit plus important.

Pour régler définitivement le problème de l’eau à Tikjda et la classer parmi les stations climatiques répondant aux normes internationales, il faudrait acheminer l’eau du barrage de Tilesdit qui se trouve en contrebas, un investissement très lourd mais une solution définitive. La deuxième alternative est de réaliser d’autres retenues d’eau en haute montagne car celles dont nous disposons ne suffisent pas étant donné que nous avons quasiment triplé la capacité d’accueil du centre.

De même pour le gaz naturel qui gagnerait à être acheminé jusqu’à Tikjda vu que cette énergie se trouve à proximité et éviter que l’on utilise du gasoil, carburant polluant. Une solution propre et saine. Le projet le plus important à Tikjda et j’insiste toujours sur ce point, c’est la réalisation de deux types de transport par câble. Relier Tikjda vers l’axe autoroutier avec un téléphérique, chose assez simple à réaliser et qui se fait un peu partout à Chréa, Tizi-Ouzou, Alger, Tlemcen…

Cela éviterait les encombrements sur cette route en hiver notamment et nous pourrons alors nous targuer d’être une station climatique respectueuse de l’environnement. Les moyens de transport que nous souhaitons voir se réaliser prochainement sont les remontées mécaniques aussi bien pour les sportifs que pour un large public. Beaucoup de familles veulent pique-niquer au sommet en prenant leurs déjeuners, de même que les équipes de la Protection Civile ou les services du Parc National du Djurdjura pour assurer leurs missions qui est la sauvegarde du site.

Ce sont là deux projets qui nous tiennent à cœur qui sont très intéressants pour donner un véritable cachet à cette station dont la renommée n’est plus à faire. Pour les remontées mécaniques et d’après les études réalisées par des experts, une partie doit être réhabilitée, tandis que pour la seconde partie, il faudra songer à son extension. Il y a encore certains pylônes qui n’ont pas été endommagés mais cette structure nécessite de refaire le câblage et la motorisation.

Soucieuse de préserver l’environnement, la station compte se mettre au diapason avec l’installation de panneaux solaires ou d’éoliennes…

Tikjda gagnerait à se diriger vers le système photovoltaïque pour éclairer de nuit la principale voie publique. De plus, les toitures inclinées se prêtent à ce genre d’installation pour y apposer des panneaux solaires. Vous savez, nos clients adorent les marches nocturnes après le diner au lieu de rester dans les chambres. Chaque soir, lorsque la météo est clémente, des familles entières se baladent jusqu’au chalet du CAF.

Nous sommes d’ailleurs en négociation avec une personne qui s’est proposée pour installer quelques panneaux pour un essai. Si l’essai s’avère concluant, nous généraliserons au fur et à mesure toutes les parties pouvant être alimentées à partir de l’énergie solaire.

Malgré les carences enregistrées, l’engouement pour Tikjda ne faiblit pas. N’est-ce pas ?

Une nouvelle tendance est apparue au cours des dernières années et les gens du nord du pays vont de moins en moins vers le Sud pour passer les vacances de fin d’année. À Tikjda, ils ont les vacances et le jour de l’an qu’ils peuvent fêter ici. En plus, nos tarifs sont très abordables comparés au Sud avec plusieurs formules. Lorsqu’un jeune vient à l’auberge, il a des pizzas, son hébergement et ses sorties à 2.200 da. Nous avons l’unité centre qui est moins chère que l’hôtel Djurdjura et avec le prochain hôtel, il y aura d’autres formules plus attractives et ce sera à la portée de toutes les bourses.

Il y a beaucoup de tracasseries pour se rendre au Sud, entre la billetterie, le trajet et les tarifs propres au Sud, c’est pour ça que les gens préfèrent venir au niveau de Tikjda. Pour Yennayer, comme d’habitude, nous le fêterons de manière traditionnelle avec des expositions, des spectacles de variété traditionnels et modernes. Le jour de l’an également nous répondons à la demande des clients qui souhaitent toujours une animation avec notre DJ au lieu des chanteurs. C’est devenu une tradition au niveau de Tikjda avec le spectacle de clowns pour enfants et soirées animées tout le long des vacances scolaires.

Il faut dire que la clientèle qui fréquente le CNSLT est variée et hétérogène avec des personnes âgées, des jeunes qui découvrent le site et qui deviennent depuis des habitués, des sportifs et des citoyens amoureux de la nature mais surtout des amateurs de randonnées. Nous avons beaucoup d’étrangers ainsi que des émigrés. Des clients qui, par le biais d’agences de voyages, viennent d’Oran, Sidi Bel Abbes, Tipaza, Alger, Blida, Tizi-Ouzou, Boumerdès, Bouira bien sûr. Les gens du sud, eux, ne viennent pas en hiver, ils préfèrent venir l’été comme les gens de Ghardaïa.

Toutefois, nous avons remarqué une régression de scientifiques et de géologues ces derniers temps. Auparavant, des groupes d’étudiants venaient dans un cadre organisé, passaient une dizaine, voire une quinzaine de jours à Tikjda et faisaient de la recherche scientifique, mais maintenant ce n’est plus le cas et c’est fort dommage. Avant, les initiés venaient explorer les excavations de la région, et il existe encore plusieurs grottes qui ont été explorées mais de manière partielle et il est vraiment dommage que ces recherches demeurent inachevées.

Entretien réalisé par Hafidh Bessaoudi

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