La Kabylie en marche, 18 ans après…

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Il y a dix-huit ans, trois millions de Kabyles, partis de Béjaïa, Bouira, Tizi-Ouzou, Boumerdès… se rendaient à Alger. Ils allaient participer à une marche inédite dans l’histoire de l’Algérie indépendante pour déposer la plate-forme de revendications d’El-Kseur au niveau de la présidence de la République, à El-Mouradia.

C’était un certain 14 juin 2001, soit moins de trois mois après l’assassinat de Guermah Massinissa, premier martyr des événements du Printemps noir de Kabylie tombé sous les balle d’un gendarme à l’intérieur même de la brigade de la Gendarmerie de Béni Douala.

Un événement qui sera suivi, quelques jours plus tard, d’une série d’interpellations brutales, également par des gendarmes, de collégiens à Amizour, dans la wilaya de Béjaïa. C’était là le commencement d’une répression féroce qui allait aboutir à l’assassinat de 126 citoyens et à un nombre incalculable de blessés dans les quatre coins de la Kabylie. En signe de protestation, les manifestations de rue, les émeutes, les grèves et les marches étaient le quotidien de Béjaïa, Tizi-Ouzou et Bouira, pendant de longs mois.

Pour parer à l’absence et à l’incapacité des partis politiques, habituellement actifs localement, à gérer la situation, les comités de village s’organisaient en coordinations. Des réunions marathoniennes se tenaient alors régulièrement avec la participation de toutes les couches de la société.

Les événements se suivaient et la Kabylie devenait, depuis avril 2001, un véritable no man’s land. Du sang coulait pendant des mois sans qu’une lueur d’espoir ne se dessine à l’horizon. La journée du 14 juin restera dans l’Histoire car jamais, depuis l’indépendance du pays, autant de monde n’a participé, dans l’union, à une action de telle envergure. Des quatre coins de la Kabylie, des millions de citoyens ont fait le déplacement à Alger.

Même quand le Mouvement Culturel Berbère (MCB) était à son apogée, au début et au milieu des années quatre-vingt-dix, jamais autant de Kabyles n’ont adhéré, à l’unisson et unanimement, à une même manifestation. Ce qui a conféré à la marche du 14 juin 2001 un caractère historique indéniable. Même sur le plan médiatique, l’événement a fait le tour du monde. Sauf qu’à Alger, la machine propagandiste du pouvoir de l’époque avait été mise en branle. Un plan pour semer la zizanie entre quelques habitants d’Alger et les marcheurs kabyles avait été concocté par les officines du régime.

Ce jour-là, des manifestants ont été tués et beaucoup d’autres ont été blessés, ce qui allongea la liste, déjà assez longue, des victimes du Printemps noir. Au-delà de la tragédie, l’événement est resté comme un repère incontournable dans le long combat des Algériens et des Kabyles, plus particulièrement, pour la démocratie au sens large et pour l’identité amazighe, dont la langue deviendra nationale une année plus tard, à la suite à la pression populaire de 2001.

Certes, la marche gigantesque du 14 juin 2001 a été un véritable tournant, mais l’Histoire et le combat ne se sont pas arrêtés là. Il est vrai que la suite immédiate des événements n’a pas été à la hauteur des attentes et des aspirations des citoyens, lesquels s’étaient investi corps et âme pour la démocratie, la justice et l’identité amazighe, mais il faut, néanmoins, reconnaître que cet épisode reste l’un des plus prégnants de l’Histoire des luttes démocratiques en Algérie. Il allait donner lieu, d’une manière ou d’une autre, à d’autres révoltes populaires pacifiques, comme celle en cours depuis le 22 février.

Aomar M.

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