L’Aïd est le commencement de l’illusion

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Par S. Ait Hamouda

L’Aïd «essaghir», autrement dit le petit Aïd, c’était avant-hier. On a achète de nouveaux habits aux enfants, on a changé le menu, on a préparé les gâteaux, on a rendu visite pour «lmeghafra», on a pardonné à ceux qui nous ont offensés, comme ils nous ont pardonné nos offenses. L’Aïd, c’est un peu cérémonieux, c’est beaucoup solennel et c’est un tant soit peu protocolaire, ce qui veut dire que c’est l’occasion où l’on exhibe sa richesse comme sa pauvreté, son opulence comme son indigence et on fête, comme l’on peut, cet événement. On se réjouit comme on s’y est habitué et puis, on rencontre des tronches d’enterrement, tristes, la figure défaite, la mine en berne.

Ce n’est pas la fête pour eux et toutes les occasions sont bonnes pour faire l’impasse à ces réjouissances. La raison, c’est que l’on soit nécessiteux ou que l’on ait perdu quelqu’un de cher, ou encore qu’on ait reçu une tuile sur la tête, nonobstant la joie des autres, il reste de marbre, froid, tendu, en cette occasion pourtant bénie. Il n’y a pas de motif pour qu’il reste ainsi, en se morfondant comme si le monde s’est écroulé sur lui, emportant avec lui veaux, poules et cochons. Rien ne peut résister aux malheurs, ni les allégresses feintes, ni les jubilations fausses, ni les manifestations surannées pour faire semblant qu’on est heureux. Quel que soit le jour de l’Aïd, il fut là au bon moment, le jour attendu, pour être fêté comme il se doit.

Du reste, quel que soit ce jour de prière, de ferveur, de recueillement, il ne semble pas recueillir, pour la vie et la mort, l’impossible converti en toute religion et en toute foi. Ne rendre ni illusion, ni chimère, ni leurre continue jusqu’à l’instant de rendre son souffle à l’orée des nuages lourds, qui promettent monts et merveilles. On se croit bien portant et pourtant rien de cela, n’en déplaise aux illusionnistes qui font semblant d’atteindre sans toucher le cœur des réjouissances décontenancées. Suprême, la seule grande occasion d’ersatz de joyeuseté et de semblant de tout règne.

S. A. H.

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