Les pêcheurs font le plein

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Ce mois de mai semble porter chance aux pêcheurs du port de Tigzirt. Leurs dérisoires moyens sont en train de compenser leur disette hivernale. Des quintaux d’espadon et de thon rouge sont sortis de la mer chaque jour par ce beau temps, et ce dès l’aube, pour leur grand bonheur.Les pêcheurs sortent la nuit, munis de leurs caisses de fils résistants et d’hameçons spéciaux.

Il s’agit là du matériel nécessaire pour bien accomplir leur tâche car les prises dépassent, pour le thon rouge, les 100 kg la pièce. Toute la nuit, il se battent à deux ou trois, parfois à quatre, pour faire remonter un thon de 180 kg ou plus sur leur barque, et ce durant des dizaines de minutes et parfois même plus d’une heure. Le poisson est coriace, témoignent les pêcheurs ravis de ce coup de chance inattendu. Parfois, ils parviennent à pêcher jusqu’à quatre thons rouges d’un poids allant de 120 à 230 kg.

Cette semaine, l’un des pêcheurs a sorti une pièce d’environ 260 kg, d’après un vendeur de poisson sis au port. Amar, la cinquantaine, pêcheur et poissonnier au port de Tigzirt depuis plus de 25 ans, nous dira que l’espadon et le thon rouge ont des saisons spéciales de pêche. Leur pêche est réglementée, explique-t-il, avant de préciser que si l’on prend un espadon d’un poids modeste, il est obligatoirement remis en mer. Interrogé sur le poids des prises de la semaine écoulée, il répondra qu’en ce qui concerne le thon rouge, le poids de la pièce varie entre 90 et 230 kg et même plus mais pour l’espadon, il est en moyenne de 20 à 80 kg.

Sortis à quai, entre 6h et 9h, fatigués et fourbus par une nuit de veille et d’efforts, les yeux rougis par le manque de sommeil, il n’est pourtant pas question pour eux de dormir. Les poissonniers et les camions frigorifiques les attendent sur le quai. Commencera alors pour eux le vidage du poisson, qui n’est pas une sinécure. Un pêcheur en pleine besogne affirme que vider le thon est tout un art.

Son poids hors de l’eau quintuple. Parfois, il faut quatre poissonniers pour le retourner et il est même souvent nécessaire de faire usage de cordages pour bien accomplir cette besogne. L’opération de vidage terminée, les pêcheurs passent au pesage. Là aussi pour faire monter la pièce sur la balance, il faut fournir un effort colossal. L’acheteur note sur son carnet, le poids de la pièce avant de passer à la suivante et ainsi de suite. Les comptes seront faits, après avoir fixé un prix de gros.

On aidera alors le livreur à faire monter les pièces dans le camion frigorifique. Ce n’est qu’à ce moment que le pêcheur ira prendre sa douche et rejoindre son lit dans sa case pour un repos bien mérité, mais qu’il interrompra l’après-midi pour retourner dans son embarcation, afin de préparer les hameçons et autres appâts pour la nouvelle sortie en mer, en soirée, s’il fait beau. Direction les poissonneries pour jeter un coup d’œil sur les prix. Il fait beau sur le port de Tigzirt par cette matinée du mois de mai.

Le climat doux et printanier fait miroiter les rayons du soleil tels des mirages sur la surface bleue de la mer. Mais vite nous cessons de rêver et retombons sur terre pour être confrontés à la réalité de l’espace où nous sommes, avec les discussions parfois à voix haute des pêcheurs et des acheteurs. Un poissonnier, qui découpait en morceaux un espadon, tout en gardant les yeux sur ses thons exposés juste à côté, nous assurera que le thon rouge est cédé sur place à 1200 DA le kilo, alors que l’espadon l’est, pour sa part, à 2500 DA.

Ceci dit, les prix fluctuent au gré de l’offre et de la demande. Tout dépend du prix de gros que fixera le pêcheur, après négociations, et bien sûr de la disponibilité du poisson, précise-t-il. En cette période de Ramadhan, le poisson se vend bien, ce qui fait oublier pendant quelques jours ou quelques semaines la sardine, consommée, elle, durant toute l’année et dont les prix sont, eux aussi, hors de portée de la majorité des bourses. Nous quittons le port, après avoir noté que les pêcheurs de Tigzirt-sur-mer se plaignent toujours des mêmes problèmes et du manque de moyens.

Apparemment, leur situation précaire n’a pratiquement pas évolué depuis l’année dernière, et ce malgré les quelques améliorations apportées. Mais ils continueront de sortir en mer… Il faut bien faire vivre les enfants !

Akli N.

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