Les vieux, on en a besoin

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Par S Aït Hamouda

Les vieux, ceux dont on parlera dans pas longtemps au passé. Ceux qui marchent, chaque vendredi, en titubant. Ceux qui prennent les escaliers sans être sûrs d’arriver là où ils ont l’intention d’arriver. Les vieux, eux qui ont l’avenir derrière eux et qui se préoccupent peu du présent, mais qui continuent d’entretenir leur jardin.

Les vieux se soucient beaucoup de leur trépas, en allant à la mosquée comptant sur le destin, pour peu ou prou, afin de les préserver du sort, inconvenant, qui risque de les entraîner en enfer. Le paradis qu’ils escomptent par delà les espérances qu’ils n’ont pas eu le loisir de connaître. Les architectes ne pensent pas qu’il y a des impotents vieux ou handicapés.

Ils construisent, au hasard de leur génie, des passages, des escaliers, difficilement engageant pour ceux qui ne peuvent s’engager sans risque, par petits pas. Ils écoutent parfois Brel leur chanter : «Est-ce d’avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d’hier et d’avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent aux paupières (…). Malheureusement, nos vieux se lamentent dans les cafés maures, en pensant à la vie qui se retire doucement de leurs corps. Ils s’en iront à l’autre monde non pas en pleurant, mais gavés par une existence fourbue, remplie de peines et de regrets. Ce que le vieux a manqué, raté et loupé ici-bas ne sera pas cause de lamentations ni de chagrin ni de morosité.

Il s’en ira avec la tristesse accumulée, les joies tues par trop de labeurs et de sueurs, qui suintent sur son corps flétri. Il va s’en aller avec la satisfaction d’avoir souri aux malheurs qui lui tombaient comme une tuile sur la tête et qu’ils recevaient malgré tout comme une bénédiction à l’extrême onction. Qu’il parte, heureux ou malheureux, il part quand même, avec la conviction d’avoir accompli son sacerdoce. Pleinement. Que ceux qui ont la charge des seniors s’acquittent de celle-ci convenablement, qu’ils s’arrangent pour leur faciliter le crépuscule de leur vie. Qui n’a pas besoin des vieux dans ce bas-monde, ne serait-ce que pour la mémoire.

S. A. H.

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