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Éducation nationale : L’urgence de mieux réformer

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Le constat est établi et connu de tous : le système éducatif algérien est remis en cause non seulement par ses promoteurs et responsables mais aussi par la population.

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Les réformes initiées précédemment par la quasi-totalité des ministres qui se sont succédé à la tête de ce secteur n’ont pas donné les résultats escomptés. Le bilan de Benbouzid à Benghabrit, en passant par tous les autres, est maigre. Les élèves, les apprenants, les étudiants… le vocabulaire est encore assez riche pour désigner les enfants.

Mais, en fait, c’est surtout l’appellation qui change à chaque nouveau ministre. Les réformes de fond pour une école moderne n’ont jamais suivi. Pour s’en convaincre, il suffit de voir le nombre des recalés en première année universitaire, juste après l’obtention du fameux Bac. En effet, c’est une grande partie de nouveaux bacheliers qui calent au moins une fois pour accéder en deuxième année. Bien sûr, d’autres calent deux, trois fois, voire plus, pour atteindre la deuxième année.

Là est la preuve formelle et irréfutable que notre système éducatif est loin d’être performant. Du coup, l’université se retrouve encombrée par le nombre important de redoublants, de «triplants», de «quadruplants» et plus encore puisqu’on y trouve parfois des étudiants de 30 ans ! Que se passe-t-il donc dans les cycles inferieurs de l’éducation ?

A l’école primaire, les élèves sont carrément dépassés et éreintés, non seulement, par les programmes mais aussi par la multitude de livres, de cahiers et de trousseaux qu’il faut chaque jour transporter sur le dos. Les conditions de scolarité ne semblent jamais réunies. Les pratiques sportives, culturelles et touristiques ne sont programmées que rarement. La double vacation rajoute son lot de soucis. C’est à croire que les élèves sont considérés comme des ouvriers. Ils se fatiguent, se lassent et finissent par craquer, d’où le phénomène de la déperdition scolaire et de l’échec.

Pour les avertis, il faut revoir tout le système de fond en comble. Un enseignant du primaire raconte : «Nos élèves ne sont pas pris correctement en charge. La première faille, c’est l’insuffisance de moyens pédagogiques et didactiques. Même si parfois les programmes sont riches, nous ne disposons pas des outils nécessaires pour bien aider l’enfant à assimiler. Nous utilisons le système de l’approche par compétence mais, sans moyens, la compréhension est difficile.

A titre d’exemple, on traite d’une expérience chimique dans… l’abstrait. Les laboratoires sont généralement inexistants et les produits nécessaires aussi. Du coup, les élèves se perdent dans l’abstrait et le théorique». Et d’ajouter: «Si on donne un cours d’Histoire sans images, sans vidéos, sans projections et sans sortie sur le terrain, les élèves ne font qu’imaginer sans vraiment comprendre. Donc, pour faciliter l’assimilation, il faut des moyens et des exemples pratiques».

Lourdeur du cartable, surcharge des programmes, manque de moyens…

Un autre enseignant abondera dans le même sens : «Notre système actuel n’est et ne sera jamais performant avec les données qui se présentent, dont le problème de la surcharge des horaires. Un enfant qui quitte la maison à sept heures du matin pour ne rentrer qu’à 19 heures, ses chances de réussite sont limitées.

Un enfant a besoin de se reposer, de se nourrir et de réviser pour le lendemain. Mais s’il arrive à 19 heures chez lui, le lendemain, il sera out. Il faut savoir que certains dorment parfois avant de dîner, car gagnés par l’épuisement». Un directeur d’école appuiera : «Un enfant qui transporte sur le dos une dizaine de kilos (cartable, ndlr) au quotidien est vite atteint de douleurs dorsales qui, non seulement, peuvent faire de lui une personne handicapée mais le redent inapte à poursuivre et à se concentrer sur ses cours».

Il faut aussi ajouter à cette situation difficile le manque d’activités culturelles et sportives. «Un enfant qui passe toute la journée assis sur son pupitre d’écolier perd de sa vivacité et de son énergie. Il se lasse rapidement et finit par décrocher. Il faut donc prévoir des horaires pour ces activités qui permettront à l’enfant d’aimer son école et d’être plus motivé. Cela ne saura se faire sans l’allègement des programmes. Il faut également renouer avec les excursions, les randonnées et les sorties. Les enfants aiment la nature dans laquelle ils se forment plus facilement. Une école doit ressembler à tout sauf à une entreprise», préconise le même directeur d’école.

A rappeler que tous les ministres et responsables du secteur s’étaient engagés à réaliser des casiers pour chaque enfant et réduire, par conséquent, le nombre de livres et de cahiers à transporter quotidiennement, mais aucun d’entre eux n’a tenu sa promesse. Du coup, les élèves portent sur le dos des cartables lourds de plusieurs kilos pour arriver à l’école las, fatigués et usés avant même de commencer la journée.

A signaler également les mauvaises conditions de scolarité, dues essentiellement à la défaillance de chauffage, à la vétusté des établissements et au manque d’attrait ludique au sein des écoles. Quand on entend un responsable des équipements publics se défendre pour rejeter la responsabilité sur l’absence de dotations financières pour réhabiliter les écoles, on comprend vite que la volonté de réformer est trahie par les restrictions budgétaires. «Nous n’avons reçu aucun centime depuis 2015 pour la réhabilitation des écoles, des collèges et des lycées», a-t-on fait savoir.

Dans la wilaya de Tizi Ouzou, des centaines d’établissements nécessitent des travaux de réhabilitation. Certaines écoles accueillent les apprenants dans des conditions désastreuses.

Des établissements sinistrés

Il est arrivé que des professeurs et des élèves ouvrent leurs parapluies dans… les salles de classes ! Il faut comprendre que l’étanchéité est à refaire mais les moyens ne viennent pas.

Dans d’autres établissements, les élèves grelottent de froid, le chauffage étant en panne, insuffisant ou inexistant. Les tables, les chaises, les armoires… le mobilier en général manque ! Aussi, comment maintenir un enfant en forme jusqu’à 16 ou 17 heures lorsqu’on lui offre un repas de… 40 DA à midi ? Que peut-on s’offrir à 40 DA aujourd’hui, sinon cette petite bouteille d’eau ? Il est évident que ce sont les couches les plus défavorisées qui pâtissent le plus de cette situation.

Mal Nourri et mal vêtu, l’enfant issu d’une famille démunie devra, en sus, parcourir des kilomètres à pied, faute de ramassage scolaire, pour rejoindre les bancs de l’école, où il sera davantage mis à l’épreuve par l’inadéquation du milieu scolaire qui souffre de différentes failles. Paradoxalement, il est attendu de cet enfant de donner, en contrepartie, et de réussir dans ces conditions qui ne favorisent pas la réussite ! Des choses qu’il n’a pas et qu’il ne peut en aucune manière donner.

Pour la communauté éducative et les parents, il est vite recommandé de revoir l’ensemble du secteur, en faisant participer les professionnels de l’éducation, les parents, les élèves aussi et, bien entendu, les pouvoirs publics concernés, pour réformer substantiellement l’école algérienne et redorer par là son blason, terni par des décennies d’abandon et de négligence.

Comme les précédentes, les nouvelles autorités du pays évoquent, avec insistance, la refonte du système éducatif et s’engagent à la révision et à l’allégement des programmes scolaires, particulièrement pour le cycle primaire, notamment le règlement de la problématique de la surcharge du cartable scolaire. «L’éducation est devenue une préoccupation pesante pour la famille et l’État à la fois», a-t-on annoncé, promettant «le renforcement des services de la restauration et du transport scolaires à travers tout le territoire national, notamment dans les régions enclavées, les zones rurales et les régions du Sud. Une priorité qui se joint à celle de donner plus d’intérêt et de soutien à l’enseignant, matériellement et socialement».

La révision des programmes scolaires et des moyens mis à la disposition du secteur est également souhaitée pour faire de l’école algérienne un lieu moderne, de progrès et de savoir, pour un véritable État de droit et progressiste.

Hocine T.

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