Par Ali Boudjellil
Il y a 31 ans est parti l’immense Mammeri, appelé affectueusement Dda L’Mouloud parce qu’il était âgé et que son œuvre est grandiose. La poésie, ancienne ou de Si Mohand, restera à jamais neuve grâce à lui, les contes berbères de Kabylie continueront à émerveiller des générations grâce à sa plume et les sentences et apophtegmes de Ccik Mohand u l’Hocine continueront à assagir les plus impulsifs grâce à ses récoltes. Ses romans, ses nouvelles, ses pièces théâtrales et son œuvre anthropologique et autres travaux sur tamazight, œuvrent à l’épanouissement de la culture algérienne et au rayonnement de l’identité nationale.
C’était un travail d’un infatigable homme qui sillonnait l’Algérie pour la faire aimer davantage à ses enfants, car il savait qu’aucun envahisseur venu sur ses terres n’a réussi à la leur faire oublier ni le Grain magique ni Mhand Vu Tkerchets. Mammeri a fait de la littérature berbère orale une arme sans détonateur qui réconcilie l’Algérien avec son identité. Car il ne veut pas que son peuple connaisse la Mort absurde qui a fait taire les Aztèques. Il sait aussi que pour dormir du Sommeil du juste, il faut que le Bâton intervienne quand l’Opium veut endormir ou éloigner de la réalité les humbles qui sourient à la vie avec tout ce que la Providence leur a donné et qui refusent de la vivre éternellement sur une Colline oubliée. Lire ou relire Mammeri par devoir, c’est dire à ses enfants combien la nature est généreuse envers l’Algérie où le burnous répond aux neiges, où l’Avzim défie l’obscur et se rit des regards fourbes. «Comme il va être dur de devoir désormais parler de toi au passé !», lui écrivait Tahar Djaout au début de sa lettre qu’il lui envoyait le 29 février 1989, après l’avoir vu s’en aller se reposer sur sa colline, et qu’il terminait ainsi : «Tu seras toujours près de nous, éternel jeune homme des Ath Yenni et d’Algérie».
A. B.