Manifester ça s’apprend

Partager

Par Sadek Aït Hamouda

Une conférence de Mouloud Mammeri sur «La poésie kabyle ancienne», interdite par le wali de Tizi-Ouzou, a fait de la Kabylie le centre nodal de la revendication démocratique. Et depuis, les montagnes de cette région n’ont pas cessé de se mobiliser pour chaque revendication. Il y a eu des prisonniers à El Harrach, Berrouaghia, Lambèse… Nulle prison qui n’ait connu les gars qui ont fait le 20 avril 1980. On les a accusés de trahison, d’intelligence avec l’étranger, d’atteintes à la sûreté de l’Etat… Mais l’ultime moment de faire le compte de ces bravades, de ces dénis d’identité, de ces «qbaïli qbaïli» ou «arbi arbi», a fait jaillir qui est qui…

Et puis vinrent les autres années où l’on manifesta contre le terrorisme, contre l’assassinat de Matoub, le printemps noir… On a connu la répression dans son horreur. Et puis les choses se sont calmées pour redémarrer de plus belle le 22 février dernier. A cette date, la marche a été bon enfant, pas un dépassement, ni d’un côté ni de l’autre, comme si le mot a été donné pour observer la retenue. Tout le monde reconnaissait les capacités des Algériens à la discipline, à la correction, aux marches pacifiques. L’idée est de former un mouvement hors partis, hors système, un mouvement nickel qui n’a pas mangé le «cachir», ni trempé dans les magouilles.

Ce comportement est significatif d’un savoir manifester dignement, au point d’en donner des leçons aux autres peuples. Quoique les Algériens n’aient pas la prétention d’exporter leur révolution ni ne cherchent que l’on suive leur exemple. Ils l’assument, c’est la leur, leur propriété. Le mouvement aurait pu déraper n’était-ce la vigilance du peuple et de son armée.

L’Algérien a étonné bien des pays, à commencer par ceux des printemps arabes. L’Egypte en tête, qui a voulu nous donner des leçons, nous apprendre à manifester. Mais c’est méconnaitre le peuple algérien et ses ressorts. Il a su prendre ses distances avec la violence. Les Algériens ont pris des leçons des mouvements antérieurs, des mouvements passés, et ils ont lancé leurs manifestations contre vents et marées dans la calme le plus absolu.

S. A. H.

Partager