Matoub Lounès jusqu’au siècle des siècles

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Par Sadek Aït Hamouda

Il y a quelque temps chantait Matoub, l’Algérie blessée, l’Algérie menacée par la horde terroriste. Et il chantait aussi la mort, la sienne et celle d’autres journalistes, scientifiques, artistes et intellectuels algériens.

Matoub était à l’affût de toute nouvelle qui ébranlait le pays, il était algérien, entier. Il a aussi composé Kenza, la fille de Djaout, il lui disait, en somme, «le ciel se lézarde, le ciel verse ses trombes et d’outre-tombe monte un cri, ô Kenza ma fille ne pleures pas !» C’est un peu, quelque part, son oraison qu’il reprenait, avec un talent hors du commun.

Il a chanté le trépas, le sien, comme personne. Il a fait fructifier le verbe, en belle poésie, en psaumes, en versets autrement plus talentueusement que ses pairs et il ne s’en vantait pas, il était l’humilité faite homme, il était la simplicité toute aspergée d’incroyables acrobaties linguistiques et de trouvailles. Il a utilisé la langue des femmes qui, en Kabylie, se lamentaient, en ce temps-là, sur leurs morts et leurs malheurs. Il a su délier les choses, les analyser, les interpréter comme un ménestrel inspiré.

Au-delà de la chanson, il était aussi un militant convaincu de la démocratie, de la liberté et l’amazighité. Il a été le chantre de tout cela sans forfanterie. Et aujourd’hui, 21 ans après sa disparition, il nous manque terriblement, sa voix nous fait défaut et sa présence aussi. Sauf que le registre dans lequel ses cordes vocales puisaient leur essence était inimitable. Chevrotantes à souhait, il passait de l’alto au ténor sans transition. Il a été un mentor, un maître du chaâbi, avec un verbe de dynamite et de poudre.

Ce que nous retenons de lui, c’est le requiem de tous nos artistes morts ou encore vivants qu’il a su nous transmettre envers et contre tous. Matoub reste vivant pour tous ceux qui l’ont aimé. Il leur a chanté sans demander à être rétribué partout où on le sollicitait, aux universités, aux villes et villages de l’Algérie. Aujourd’hui, on l’évoque avec toute la charge d’émotion qu’il mérite et on s’en rappellera jusqu’au siècle des siècles.

S. A. H.

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