Saïd Krim, l’aspirant qui aspirait à la liberté

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18 août 1959 – 18 août 2019, cela fait soixante ans jour pour jour que l’aspirant de l’Armée de Libération Nationale, Saïd Krim, tombait au champ d’honneur, les armes à la main à Imazgharène, sur les hauteurs

de Frikat.

Ce fut après une bataille qui avait duré plusieurs heures entre son groupe et les soldats français. Ce jour-là, Saïd Krim tenait une importante réunion avec ses adjoints dans une maison du village. Malheureusement, des mouchards avaient signalé leur présence à l’ennemi. Les soldats stationnés au centre de Frikat encerclèrent l’endroit, raconte-t-on.

Devant le grand nombre de militaires, téméraire qu’il était Saïd Krim eut l’idée de jeter une grenade vers la porte. «À ce moment-là, dans la confusion totale, les neuf adjoints réussirent à tromper les militaires et à prendre la fuite», dit-on au sujet de cette bataille. Les combats commencèrent avec, certes, une supériorité numérique de la soldatesque coloniale mais les compagnons de Saïd Krim leur donnèrent du fil à retordre. Des renforts étaient appelés du côté de Draâ El-Mizan par les soldats français et de l’autre côté soit de Boghni, de Maâtkas et même de Tizi-Ouzou, des Moudjahdine vinrent prêter main forte à leurs compagnons. Au total, huit chahids tombèrent aux côtés de leur chef. Ce n’était que vers la tombée de la nuit après que les militaires eurent quitté les lieux de la bataille qu’ils furent recouverts avec des couvertures que les femmes du village avaient ramenées de chez elles.

Du côté de l’armée française, il y eut beaucoup de pertes notamment la mort du gendarme Guirrou et d’un capitaine. Avant de partir, les militaires crièrent, tout de même victoire en scandant : «Saïd Krim, le plus dangereux de la région n’est plus». Ce fut alors la fin d’un tireur d’élite, chasseur dès son jeune âge. Saïd Krim est né le 25 juillet 1931 à Tizra Aissa (Ait Yahia Moussa) dans l’ex commune mixte de Draâ El-Mizan tout comme Krim Belkacem, le futur colonel de l’ALN. Dès son jeune âge, il travaillait comme cafetier chez son père et, parfois, partait à la chasse. Entre 1947 et 1954, il assista aux réunions avec les premiers rebelles de la région dont Krim Belkacem, Amar Ouamrane, Aomar Oudni dit Si Moh Nachid, Mohamed Talah, Cherchar, Mohamed Moussaoui et bien d’autres qui se tenaient dans leur café. Il leur servait gracieusement du thé et du café. Ce fut à partir de là que l’idée de rejoindre le maquis l’effleura. Son cousin, Rabah Krim, lui proposa de partir avec lui.

En 1955, sans avoir le consentement de son père et sans aucune hésitation, il prit son fusil de chasse et monta au maquis. Il activa dans sa région natale en participant à des attaques et des embuscades au niveau du lieu-dit Le Pont noir. Victoire après victoire, le jeune Saïd Krim est repéré par les chefs de la révolution pour son courage si bien que le colonel Amar Ouamrane le désigna, à dix jours de la tenue du congrès de la Soummam (20 août 1958), pour former un groupe de dix éléments pour assurer la sécurité du lieu où devait se dérouler ce conclave.

Au retour de cette mission réussie, il fut nommé chef de secteur (adjudant) couvrant Maâtkas et comme adjoint Rabah Toutah. Au mois d’avril 1957, alors qu’il tendait une embuscade, vers vingt heures, sur le passage reliant son village natal (Tizra Aissa) à Maâtkas, il fut blessé à l’épaule avant d’être transporté sur une civière jusqu’à Ain Zaouia où Saïd Slimani dit «Saïd le pharmacien» le soigna. Durant la même année, de passage à Ait Yahia Moussa, les chefs de la révolution Omar Ousseddik, Bougara, Moh Ouali furent accueillis par Saïd Krim et Rabah Krim. Leurs hôtes les félicitèrent sur les combats qu’ils menaient dans ce secteur.

En septembre 1958, lors d’une réunion des chefs de secteurs et de régions tenue à Tirmitine (Boghni), par le commandant Iddir, le capitaine Rabah Krim, le commandant Ali Bennour, Saïd Krim les rassura qu’avec une trentaine d’hommes stationnés à Kantidja, il était prêt à intervenir et mener une offensive à Helouane sur les hauteurs de Bounouh. D’année en année, Saïd Krim prenait un rang important dans la révolution. Ce fut en février 1959 que le grade d’officier (aspirant) lui a été décerné lors de la réunion tenue à Maâtkas par le commandant Iddir, Moh Ouali, Ali Bennour avant d’être affecté pour prendre la région sud de Tizi-Ouzou allant de Draâ El-Mizan, Frikat, Ain Zaouia jusqu’à Bounouh.

En avril 1959, quelques jours peu avant la destruction du village Ath Maâmar (Boumahni), il présida une réunion avec le chef de secteur Mohamed Slimani dit Moh Ouslimane et ses adjoints traçant un plan d’embuscade au lieu-dit Tighilt Laâbid où l’armée française perdit non seulement beaucoup de soldats dont le capitaine Maurot mais aussi de nombreux camions militaires endommagés. Lors de l’opération «jumelles», dans une vaste opération à Ait Yahia Moussa, tombèrent au champ d’honneur son frère Ahmed, sa mère, sa belle sœur, son fils Slimane tué sur le dos de sa mère et sa femme blessée.

On dit qu’il était venu rendre hommage aux martyrs jurant devant la population qu’il les vengera jusqu’à son dernier souffle. Toujours en 1959, il tendit une embuscade à Kerouane (Thiqenterh Ouguergour) aux soldats français qui se déplaçaient régulièrement sur la route vers Frikat. Bilan : beaucoup de morts et de blessés. Les officiers Iddir et Moh Ouali lui avaient promis qu’il serait promu au grade de sous-lieutenant en septembre 1959. Le destin décida autrement parce qu’il tomba au champ d’honneur peu avant cette date.

Amar Ouramdane

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