«Tamazight a connu une avancée extraordinaire»

Partager

Brahim Tazaghart est un militant de la première heure du combat identitaire et du Mouvement culturel berbère. Il est également romancier, nouvelliste et poète, auteur de nombreux livres en tamazight.

La Dépêche de Kabylie : Pouvez-vous nous brosser brièvement un bilan concernant l’évolution de la question amazighe, trente-neuf ans après le printemps berbère ?

Brahim Tazaghart : Bien sûr, il y a un bilan, et à plusieurs points de vue, il est très positif. Heureusement d’ailleurs que le combat pour tamazight n’a pas été vain. Tamazight a connu de grandes avancées non seulement à l’échelle nationale mais aussi sur le plan international.

Commençons donc par le bilan au niveau national, qu’en est-il ?

à l’échelle nationale, tamazight est passée d’un statut complètement inexistant à un statut de langue nationale et officielle. Ce n’est pas du tout rien. En disant cela, je ne suis pas en train d’éluder les insuffisances mais il ne faut pas non plus faire abstraction de ces points positifs.

Vous voulez parler de quoi, en évoquant des insuffisances?

Il s’agit notamment du fait que dans le préambule de la même Constitution qui stipule que tamazight est une langue nationale et officielle, il est écrit que l’Algérie est «une terre arabe», ce qui constitue une contre-vérité. Il y a aussi le fait que tamazight n’est pas dotée d’une officialité intégrale puisqu’il est stipulé, dans la même Constitution, que la langue arabe est la langue de l’Etat. Enfin, le troisième point, il faut déplorer le fait que tamazight ne figure pas dans l’article de la Constitution qui cite les constantes qui ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle dont la langue arabe et l’Islam. Mais ces manques n’enlèvent, bien sûr, rien à l’avancée extraordinaire que représente le statut de langue nationale et officielle dont jouit désormais tamazight.

Qu’en est-il sur le plan international ?

Il faut rappeler que la revendication berbère est partie des montagnes de Kabylie pendant le printemps berbère d’avril 1980 et aujourd’hui, le mouvement et la prise de conscience ont fait tache d’huile. On en débat dans tous les pays nord-africains et de Tamazgha à l’instar du Maroc, la Tunisie et même en Egypte et au Soudan. C’est une avancée spectaculaire. Tamazight est désormais devenue une réalité dans tous les pays que je viens de citer et bien au-delà. Des démarches sont même en cours actuellement afin de fédérer et de coordonner toutes les énergies en faveur de l’Amazighité dans ces pays. Nous irons vers la création de structures internationales qui comprendront tous ces pays de Tamazgha et de l’Afrique du Nord.

Depuis l’annonce de la composante de l’Académie algérienne de la langue amazighe, on n’entend plus parler de cette institution, avez-vous des informations à ce sujet ?

Selon les informations que je détiens, un siège vient d’être affecté à cette académie. Je dois aussi insister et souligner que cette académie de tamazight est un immense acquis pour le combat identitaire amazigh. Certes, la composante de cette académie pourrait se parfaire, mais sur le plan institutionnel, elle reste une avancée non-négligeable. Toutefois, la prudence et la vigilance sont de mise car après des siècles de négation, tamazight ne peut rattraper le temps perdu en deux ou trois années. Il faut prendre le temps qu’il faut pour se ressaisir.

Vous voulez parler de l’enseignement de tamazight qui tarde à être généralisé ?

Oui. Même au sujet de la généralisation de l’enseignement de tamazight, je plaide pour la patience, car pour l’instant, la méthode d’enseignement de tamazight est destinée uniquement aux amazighophones (c’est-à-dire aux élèves pour lesquels tamazight est la langue maternelle). Il faut d’abord mettre en place une méthode scientifique pour l’enseignement de tamazight pour pouvoir aspirer à l’enseigner aux non-amazighophones. C’est tout un chantier. Mais le processus est désormais enclenché et il est incontournable.

Entretien réalisé par Aomar Mohellebi.

Partager