Un «éden» de décharges sauvages

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Il est établi depuis de nombreuses années que la wilaya de Tizi Ouzou, à travers la quasi-totalité de son territoire, est loin d’être une région des plus propres. Et pour cause : les détritus, les sachets noirs et toutes sortes de déchets foisonnent sur les accotements de ses routes, dans les forêts, les plaines et même les rivières et barrages… Des cris d’alarme et de détresse ont été lancés, en vain. Et ni les assises sur l’environnement, ni les opérations de nettoyage et de volontariat, ni l’illustre concours «Rabah Aïssat» n’ont pu venir à bout de l’insalubrité, de l’incivisme et des comportements anti-environnementaux qui y sévissent.

Pour illustrer cet état de fait, une tournée au départ d’Aït Abdelmoumène, un village de la commune de Tizi N’Tléta, direction Souk El-Tenine, Tagmount El-Djedid, chef-lieu des Ouadhias, Mechtras et Ighil Oumenchar montre à quel point le laisser-aller est généralisé et flagrant. En quittant le grand village d’Aït Abdelmoumène, où pourtant des dizaines de jeunes et moins jeunes s’attellent, depuis plus d’une année, à le décorer, à son extrémité Est, en allant vers Ath Douala, le sinistre est là : un décor hideux en pleine forêt vierge de Tizgui agresse la vue. Une grande plaie en plein milieu paradisiaque.

La décharge est énorme à cause de ses tonnes d’immondices et déborde des deux côtés de la chaussée pour la rétrécir et la réduire à une voie unique, rendant les croisements et les dépassements impossibles. Certes, les comités de village et parfois l’APC de Tizi N’Tléta procèdent à son nettoyage mais le lendemain, les lieux sont salis de nouveau. A l’intérieur du village, du côté du collège et de l’école primaire, une niche à ordures menace la santé des apprenants et des habitants.

Son éradication est tout indiquée avant qu’il soit trop tard, surtout qu’on y trouve toutes sortes d’immondices et de détritus, sans parler des mauvaises odeurs, de la présence de rats, de reptiles et de chiens errants. Pire encore, la ronce grimpante est en voie d’atteindre les salles de classe, ce qui peut constituer un gîte pour toutes sortes de bêtes nuisibles.

La décharge de Tagmount déborde

Plus loin, en prenant le CW100 (Adila Mohamed) pour rejoindre Tagmount El-Djedid, une autre décharge sauvage accueille les visiteurs. Et pourtant, des plaques interdisant le dépôt d’ordures, sous peine de poursuite judicaires, sont bel et bien là. Mais personne n’y prête attention. Pis, la décharge prend du volume de jour en jour, surtout en saison oléicole lors de laquelle des quantités importantes de grignons sont déversées. Un produit qui, mélangé au plastique, au carton et aux autres déchets, constitue un combustible idéal pour les départs de feu, notamment en période de sècheresse.

Plus loin, à près d’un kilomètre avant l’entrée de la ville des Ouadhias, une autre décharge sauvage vous accueille. Des milliers de canettes et de bouteilles vides sont entassées de part et d’autre de l’axe routier. En traversant le chef-lieu des Ouadhias, certes la RN30 n’est pas souillée par les bouteilles et les emballages mais si on se hasarde vers le sud de la ville, on doit se boucher le nez à cause des odeurs nauséabondes envahissant les lieux. Des miasmes qui proviennent de la fameuse rivière des eaux usées.

Ainsi, le talweg, qui sert de réceptacle aux eaux usées de la municipalité, empoisonne le quotidien des riverains, des usagers de la route et des visiteurs. Quant au projet d’ovoïde inscrit au bénéfice de la commune, il n’a toujours pas vu le jour. «Nous souffrons depuis des décennies. Les odeurs nauséabondes, les animaux sauvages, les serpents et les rats peuvent un jour provoquer des maladies qu’on pense révolues, faute d’une hygiène publique adéquate. De ce fait, nous demandons aux autorités compétentes de procéder à la concrétisation de ce projet, qui mettra fin au risque et à la pestilence quotidienne», avaient appelé plusieurs fois les riverains.

Et une autre à proximité d’un lycée

En allant vers la commune voisine de Tizi N’Tléta, sise à 3 km à l’Ouest des Ouadhias, à gauche à proximité du siège de l’APC, une autre décharge sauvage s’impose au regard. Elle est située à proximité de la mairie et du lycée. Un paysage désolant ! Sur place, les chiens errants règnent en maîtres des lieux, où ils trouvent leur pitance. De même, des monticules de terre, de gravats et autres déchets hétéroclites enlaidissent l’endroit. Pourtant, situées dans la belle plaine de Tizi N’tléta et des Ouadhias, les terres de la région à vocation agricole doivent être protégées.

Pire encore, quand on y brûle les déchets, les lycéens peinent à respirer dans cet environnement pestilentiel. Bien que les lieux pollués aient bénéficié d’opérations occasionnelles de nettoyage organisées par les APC de Tizi N’tléta et d’Aït Bouaddou, c’est aussitôt le retour à la case départ. En quittant Tizi N’Tléta, à travers la RN30, on remarque que les abords de la chaussée sont jonchés de cannettes et de bouteilles vides. Par ailleurs, au niveau de la commune de Mechtras, la route est certes propre mais son état laisse à désirer. Elle est si dégradée qu’à bord d’un véhicule la parcourant, on a l’impression qu’une secousse tellurique est en train de se produire.

En tournant à droite, au niveau de Tabarakt, et en longeant le CW147, l’état de la route est également dégradée jusqu’à la pompe à essence. Mais les déchets sont absents, alors qu’à Ighil Oumenchar, à partir du grand virage, des tas de bouteilles et de cannettes sont abandonnées sur les abords du chemin. Le constat est encore plus alarmant du fait de l’éclatement du réseau des eaux usées, où a jailli la margine qui a coulé sur des kilomètres. Pourtant, il est interdit de déverser cette substance dans le réseau d’assainissement. Réagissant à cette situation déplorable, le maire de la commune a indiqué sur sa page Facebook : «Un citoyen de la commune a jeté la margine de son huilerie dans le réseau d’assainissement, ce qui a provoqué son éclatement.

La margine déversée le long du CW147 a causé des dérapages et des accidents. Le propriétaire de cette huilerie doit répondre de ses faits irresponsables. La bêtise humaine n’a pas de limites». Enfin, à Souk El-Tenine, les décharges sauvages existent même au chef-lieu. Une situation engendrée par l’incivisme, les oppositions et l’absence d’un centre d’enfouissement technique (CET)… Pour rappel, les communes des Ouadhias, Tizi N’Tléta, Mechtras et Souk El-Tenine acheminent leurs ordures vers le CET de Boghni, distant de plus de 7 km. D’autre part, il faut savoir que la wilaya de Tizi Ouzou ne dispose pour le moment que de 4 CET opérationnels (Oued Fali, Ouacifs, Boghni et Draâ El-Mizan).

Pour ce qui est des projets relatifs aux CET de Boubhir, dans la région d’Azazga, et de Mizrana, à Tigzirt, ils buttent sur des oppositions. Concernant les décharges contrôlées, la wilaya n’en dispose que de deux à Béni Zmenzer et Béni Douala. La décharge d’Agouni Gueghrane est achevée et réceptionnée, mais n’est pas mise en service pour des problèmes de rentabilité, a-t-on appris. Quant au projet de l’incinérateur inscrit au profit de la wilaya (Oued Aïssi), il est gelé à cause de l’austérité actuelle. Bien que la réalisation de plus de CET, de décharges contrôlées, d’incinérateurs et la dotation des communes de plus de moyens soient recommandées, la Kabylie, que tous qualifient de belle, gagerait davantage à investir dans l’éducation environnementale et la sensibilisation pour une prise de conscience générale et généralisée qui préserverait sa nature de toutes les agressions.

Hocine T.

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