Hommage aux familles de nos valeureux chouhada

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La date se prête au devoir d’hommage, et qui, mieux qu’un authentique moudjahid, ancien officier de l’ALN, pourrait rendre l’émotion patriotique méritée par la bravoure héroïque de nos chouhada ? La Dépêche de Kabylie s’associe à ce devoir en publiant ce texte du moudjahid Mohamed Chérif Ould Hocine, par lequel il érige un véritable monument écrit à ses glorieux compagnons.

Pendant toute la durée de ma participation au combat libérateur contre l’armée française dans les maquis de la Wilaya IV j’avais toujours sur moi un petit carnet de route. J’y écrivais, je notais des noms, des dates, des lieux, tous ces événements qui me marquaient à tout jamais. J’y écrivais et relatais aussi nos embuscades et accrochages contre l’ennemi durant la révolution armée engagée le 1er novembre 1954.Aujourd’hui, je peux écrire les lettres que je voulais adresser aux familles de nos Moudjahidine, aux parents de mes compagnons morts au champ d’honneur, en héros, à mes côtés, en faisant le sacrifice suprême, avec la conviction de n’accomplir que leur devoir de patriotes, de combattants de la liberté en se voulant anonymes.Maintenant, je veux écrire les lettres que je n’ai pas écrites dans les moments difficiles à nos jeunes enfants de notre valeureux peuple pour qu’ils n’oublient jamais nos vaillants chouhada morts au combat, face à l’armée française qui n a pas hésité à pratiquer la politique de la terre brûlée. Celle-ci détruisait tout sur son passage : elle brûlait maisons et forêts, se vengeait sur notre courageux peuple sans armes, lequel a consenti tous les sacrifices par son engagement ; il était plus qu’un soutien logistique. Je n’oublierai jamais, et cela doit rester gravé dans la mémoire collective, l’accueil chaleureux réconfortant et revigorant que nous réservaient les populations civiles, et ce en nous nourrissant et en nous hébergeant après nos batailles et nos longues marches harassantes de plus de dix (10) heures parfoisEn effet, combien sont-ils de nos enfants de vingt ans, universitaires, les forces vives de l’Algérie de demain à connaître le chahid Si Zoubir de Soumaâ, de son vrai nom Souleimen Tayeb mort héroïquement au champ d’honneur le 22 Février 1957 dans le Douar de Sbaghnia, dans la wilaya de Blida, pour protéger la vie d’environ quatre cents (400) étudiants qui avaient fui les villes après la grève générale des huit jours et qui étaient en attente dans cette localité avant d’être envoyés en Tunisie et au Maroc pour l’acheminement d’armes à notre Wilaya qui en avait un grand besoin ou afin de terminer leurs études, mais le nombre important d’étudiants restés trop longtemps, a attiré l’attention des soldats français. Vers trois heures de l’après-midi, ils se sont retrouvés encerclés par une quinzaine d’hélicoptères  » Sikorsky « .Si Zoubir a donné l’ordre aux étudiants sans armes de sortir des refuges, de se replier en remontant l’Oued. Lui seul a commencé l’accrochage en mitraillant les hélicoptères pour les empêcher de se poser, couvrant ainsi le repli des étudiants. Le feu était nourri, le combat inégal : Si Zoubir fut mortellement atteint d’une balle de 12/7, et les parachutistes français se sont acharnés sur les étudiants désarmés. Si Zoubir est mort le 22 février 1957 ainsi que vingt-sept (27) étudiants dont une étudiante. Que Dieu ait leurs âmes.Je n’oublierai jamais mon chef du commando Si Zoubir ( Souleimen Tayeb), Si Moussa Kalouaze El Bourachedi de Ain Defla. Un jour dans la bataille de Sidi Semian à Cherchell le 26/05/1957, où on était encerclé par l’armée française, avant l’accrochage, il yavait un silence absolu. Subitement, on entend une voix surtant d’un haut parleur :  » Moussa Kalouaze, Moussa Kalouaze, je suis le Commandant Gaudoin, tu te rappelle de moi, on était ensemble en Indochine, on a cassé les communistes. Rends-toi avec tes fellagas, avant que cela ne soi trop tard  » Le commandant Gaudoin, Chef du 29eme Bataillon de tirailleurs algériens, ne cessait de répéter cet appel pour nous rendre. Si Moussa, notre chef, calmement cherchait comment nous sortir de cet encerclement et de cette souricière. Oui c’est vrai ! Si Moussa avait fait la Guerre d’Indochine avec le grade de sergent-chef dans l’armée Française, et le commandant Gaudoin le grade de Lieutenant, ils étaient ensemble, côte à côte, et maintenant ils se trouvent face à face dans notre guerre de Libération. Si Moussa nous a demandé de répondre à l’Appel du Commandant Gaudoin en tirant des rafales de nos armes automatiques sur l’armée française.Bien plus tard, dans un grand combat dans la Zone II Blida de la Wilaya IV, Si Moussa, héroïquement, a donné l’assaut à l’ennemi et trouva la mort. La place de la ville de Chréa (Blida) porte son nom. Que Dieu ait son âme.Aujourd’hui, combien sont-ils de nos adolescents à connaître le nom du Chahid BOURAS Mohamed de El Affroun, mort à l’âge de 17 ans dans la bataille de Tamasguida, le 22 mars 1957, où notre commando Si Zoubir a anéanti les paras de Bigeard, des éléments d’élite d’Indochine, et expérimentés en guérilla ? Ce commando qui était dirigé par le lieutenant Guillaume, qui n’était autre que le fils du Général Guillaume, résidant au Maroc, était formé de soldats français volontaires, a passé la nuit au maquis. On lui avait promis des promotions de grade ; sa mission était de faire une opération servant à démontrer à une délégation de sénateurs Américains et Français que la région de Blida était pacifiée et que seuls quelques rebelles communistes subsistaient.Après la violente bataille qui a duré du matin au soir, les troupes de Guillaume étaient décimées et c’est ainsi que si Zoubir et les vingt-sept (27) étudiants, tués quelques jours auparavant, ont été vengés.La population française de Blida, la ville des roses, était en deuil : leur paras volontaires n’étaient pas revenus ; ils avaient été abattus par notre commando Si Zoubir sous les ordres du chahid Si Moussa Kellouaz. Aujourd’hui, qui de nos enfants connaît le nom du chahid Benmira Tayeb de Theniet El Had dit El Istiklal ? Nous lui avons donné le nom de l’Istiklal parce qu’un jour que je lui donnais des cours, il me dit : « Je ne connais ni l »indépendence, ni l »Istiklal, je suis venu pour combattre et je serais chahid ». Tombé au champ d’honneur le 26 avril 1957 dans la bataille de Sidi Mohand Aklouche, dans la région de Cherchell. La veille, il disait qu’il allait être Chahid dans la bataille du lendemain. Il nous a devancé au paradis Djenet El Ferdous ! Notre frère “El Istiklal” a été touché par une roquette au ventre. Grièvement blessé, il était heureux de mourir pour l’Algérie. Ses derniers mots ont été : « Prenez mon arme, transmettez mon salut à mes compagnons et si un jour vous êtes de passage au Douar Mira, passez le bonjour à ma famille et embrassez ma fille. Maintenant laissez moi mourir. Partez vite ! Partez vite ! « El Istiklal”, nous sommait de partir car il savait que les troupes françaises étaient derrière nous.Au cours de ce combat, nous avons perdu notre compagnon El Istiklal et deux (2) moudjahidine furent blessés ; l’ennemi a subi de lourdes pertes qui s’élevaient à plus de soixante quatre (64) morts et des centaines de blessés, et nous leur avons abattu deux avions de chasse T6 Morane.Les chouhada Cherfaoui Ahmed de cherchell et Ahmed Abbas de Mouzaia sont morts dans la bataille de Sidi Semiane, le 20 mai 1957. Pendant toute la durée de l’accrochage, alors que l’ennemi, sachant qu’on était dans la forêt, y a mis le feu pour nous brûler, les you you de joie et d’encouragement de notre peuple nous parvenaient de partout, nous nous en sommes sortis miraculeusement, en infligeant de lourdes pertes à l’ennemi. A la fin de cette bataille, l’armée française avait tout brûlé, la population accourut vers nous avec des bols de lait et de la nourriture en se fichant pas mal de leurs maisons qui brûlaient. C’est un vaillant peuple.Takarli Slimane et Si Mahfoud de Khemis El Khechna, sont tombés au champ d’honneur le 04 mai 1957 ; dans l’accrochage de Zaccar contre le 29 BTA (bataillon de tirailleurs algériens) ; ils sont morts alors qu’on s’apprêtait à prendre position sur la Crête. Des coups de feu nous ont surpris : l’ennemi tirait sur notre premier groupe, les voltigeurs français nous avaient devancés. Takarli Slimane et Si Mahfoud ont été tués par la même rafale de mitrailleuse. Ce jour-là, nous étions trente cinq (35) moudjahidine contre huit cent cinquante (850) soldats français ! Nous en avions tués un grand nombre et fait un prisonnier pied-noir d’Oran. Le 20 août 1957, la Katiba El Hamdania, a été désignée pour harceler les villes de Cherchell, Novi, Damous, Gouraya, Hadjret Enous, Menaceur, Sidi Amar, Larhat et ce, sur un rayon de quatre vingt (80) kilomètres. A 19h 40m, nous étions arrivés à l’endroit d’où on devait attaquer la caserne d’officiers français, nous étions l’un à coté de l’autre, tous armés de fusils Garand, et de Mas 56, nos doigts sur la gâchette ; nous savions que les autres groupes de Moudjahidine de notre Katiba El Hamdania étaient dans la même position que nous, prêts à exécuter les objectifs indiqués par l’ennemi. A 20 heures précise, nous avions commencé à tirer tous ensemble, à la même seconde, c’était la panique dans la caserne de l’école des officiers de Cherchell, on entendait les cris de douleurs des soldats français surpris par notre attaque, les sirènes hurlaient, c’était le branle-bas de combat.Le commandant Si Baghdadi, de son vrai nom Allili Ahmed,de Boufarik est le premier à avoir entrer des armes de l’extérieur (de Tunis). A son arrivée dans la wilaya IV, au mois de mai 1958, il procéda à une répartition des armes aux trois zones de la wilaya IV : la zone I, Lakhdaria (Ex : Palestro), la zone II Blida, la Zone III Ouarsenis-Zaccar (Chlef). En juillet 1958, Si Baghdadi est appelé à se rendre de nouveau au Maroc. Il eut, cette fois, moins de chance, au sahara, entre El Bayadh et Mecheria, à une étape de la frontière Algéro-Marocaine, au sud ouest d’El Aricha, il a été surpris avec quelques compagnons en plein Chott El Gherbi, un espace plat à perte de vue et désespérément désertique, il n’eut d’autres ressources que de livrer bataille aux soldats français avec l’espoir de ne pas être pris vivant et, dans un sursaut suicidaire, il donne l’assaut à l’ennemi en brandissant son arme au cri  » D »Allah Akbar « . Il alla ainsi au devant d’une rafale de mitrailleuse de l’ennemi qui mit fin à une glorieuse vie dont les pages sont a écrire en lettres d’or.Mon compagnon Brakni Braham, la perle de l’équipe de football de l’USM Blida, profita du passage du commando de la zone II, sous le commandement de Si Ali Bendifallah de Cherchell, lequel nous raconta que Brakni est mort au champ d’honneur, en donnant l’assaut pour récupérer un fusil-mitrailleur lors d’un grand accrochage dans le Douar de Brakna, prés de Cherchell. Brakni voulait ce fusil, coûte que coûte, parce que quelques jours auparavant, en quittant notre commando pour une mission de grande importance, il y avait laissait sa mitraillette MA 49. c’était la coutume et le règlement de l’ALN. Armé d’un pistolet, il était déterminé à récupérer un fusil-mitrailleur dans cette bataille, et cet assaut lui a été fatal. Que Dieu ait son âme. Du coté de l’ennemi, les pertes ont été très lourdes. Noufi Abdelhak de cherchell est mort le 28 février 1957 dans la grande embuscade de LALA OUDA Damous, daïra de cherchell, tendue par sa section et le bataillon de commando de la wilaya IV sous le commandement de Si Yahia contre un nombre impressionnant de soldats français. Cette embuscade, menée avec brio par les moudjahidines, était un véritable succès, plusieurs dizaines de véhicules ont été détruits, un important arsenal d’armes automatiques récupéré, un avion abattu et des centaines de soldats français tués. Si Noufi est mort le 22 février 1957 en essayant de démonter sur un Half Track une mitrailleuse 12/7 qui, habituellement, était juste boulonnée comme c’était le cas des mitrailleuses récupérées le 09 janvier 1957 dans l’embuscade de Tizi Franco, menée par les chouhada Si Moussa, Si Hamdane et Si Zoubir. Mais celle-ci était soudée et difficile à dégager. Si Abdelhak a été atteint par une balle tirée du seul Half Track qui avait échappé à l’embuscade, car il était resté en arrière.Le commandant Si Yahia Chef de bataillon de la Wilaya IV, est mort le 15 avril 1957 dans la bataille de Sidi Madani, à Tamasguida, entre Blida et Medea. Si yahia et sa section ont livré une lutte acharnée à des milliers de soldats., Toute la journée, les moudjahidines se sont relayés sur la seule mitrailleuse 24 /29 qu’ils avaient. Avant de mourir, chacun disait à l’autre : « Ô, mon frère, fais ton possible, ne laisse pas les soldats français nous prendre la pièce 24/29 « . La bataille faisait rage : des centaines et des centaines de soldats français sont morts malgré l’appui de l’aviation. Si yahia a tenu tête aux forces françaises. La 8eme armée de maison-carrée (El Harrach, Alger) a été dépêchée sur les lieux du combat. si yahia disait à ses moudjahidines : « Tenez bon ; courage ; tirez, tirez, allah Akbar ! « . Tard, le soir, l’assaut a été donné contre la section de Si Yahia sauf 4 combattants ont pu s’en sortir et ils ont sauvé la mitrailleuse 24/29 qui tenait beaucoup à cœur à tous les maquisards. Plus de 30 moudjahidines sont morts héroïquement avec leur commandant Si Yahia de Ain Hammam (ex : Michelet).Je rends hommage à mes compagnons de l’armée de Libération Nationale qui sont morts après l’indépendance de l’Algérie. Le Colonel Azzi Ali, Le Commandant Docteur Si Said Hermouche Arezki, Le professeur Rahmouni El Djillali dit  » Si Djelloul « , Le Commandant Si Youcef Boulekhrouf, Si Boudiaf Abdelhamid de M’sila, Si Hamdane Semiane de Cherchell et tant d’autres compagnons. Dieu ait leurs âmes !Ainsi je participe d’une façon ou d’une autre, à travers les récits de lutte de notre peuple pendant la révolution du 1er novembre 1954, à l’écriture de l’histoire et à retrouver les sentiments qui ont animé le peuple Algérien, à savoir l’amour de la patrie, l’abnégation et le sens du sacrifice. Aujourd’hui, plus que jamais, je reste convaincu que l’enseignement objectif de l’histoire de notre pays et du combat libérateur de notre peuple contribuera à maintenir vivace la mémoire de nos martyrs qui ont donné leurs vies pour que vives l’Algérie libre, indépendante, fraternelle et unie. Quant à moi témoin vivant de la révolution du 1er Novembre 1954, je n’ai fait que mon devoir et je rends hommage aux familles de nos chouhada et au peuple algérien.

GLOIRE A NOS MARTYRSOULD EL HOCINE Mohamed ChérifAncien Officier de l’ALN

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