Accueil Histoire Déclaration à l’occasion du 45ème anniversaire des manifestations d’Octobre 1961

Déclaration à l’occasion du 45ème anniversaire des manifestations d’Octobre 1961

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Pour mieux comprendre le sens de ces manifestations, il convient de les restituer dans le contexte de l’époque. En octobre 1961, la guerre de Libération nationale durait déjà 7 ans et malgré tous les moyens mis en œuvre par les gouvernements français successifs appuyés par les forces de l’OTAN, ces derniers n’étaient pas venus à bout de la détermination de notre peuple et de son armée de Libération nationale à poursuivre son combat libérateur. Auparavant et particulièrement après le 13 Mai 1958, ce que les autorités et la presse coloniale appelaient «les événements d’Algérie» eurent, notamment pour conséquence la chute de la Quatrième République française et le retour au pouvoir du général de Gaulle. Celui-ci, au lieu de prendre en compte les aspirations légitimes de notre peuple à la liberté en engageant de véritables négociations avec les dirigeants de notre révolution, avait poursuivi la politique de destruction et de répression sauvage de ses prédécesseurs baptisée sous divers slogans mensongers (pacification, intégration, assimilation,etc…). Il avait renforcé considérablement les moyens militaires de la France par la mobilisation et l’envoi en Algérie de plus en plus de troupes, engagé toutes les potentialités économiques de la France. De plus, il avait tenté d’isoler totalement les moudjahidine de l’intérieur de leurs bases de soutien au Maroc et en Tunisie par le renforcement des barrages électrifiés le long des frontières est et ouest (lignes Challe et Morice) et déclenché de vastes opérations à travers tout le territoire national. C’est ainsi qu’il croyait arriver à étouffer définitivement la lutte héroïque de notre peuple pour sa libération. Parmi les mesures stratégiques arrêtées à l’époque par la direction de la Révolution, il y a lieu de signaler les directives données à la Fédération du FLN en France de porter la guerre sur le sol même de l’ennemi. Ce qui est unique dans les annales de l’histoire des luttes de libération des peuples colonisés.

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Les actions menées dans ce cadre par les militants armés de la Fédération du FLN en France à partir de l’été 1958 en plusieurs points du territoire français, (cartoucherie de Vincennes…) avaient pris de court les autorités françaises qui étaient loin d’imaginer ce haut degré de mobilisation de notre émigration dans les rangs du FLN et une adhésion sans faille de cette émigration à la cause de l’Indépendance nationale.

L’ouverture de ce second front à la veille de la session annuelle de l’ONU qui avait inscrit la question algérienne à son ordre du jour, outre le fait qu’elle a obligé l’ennemi à disperser ses forces, était venue à point pour contrecarrer les efforts considérables de mobilisation de la diplomatie et de tous les appareils de propagande français tendant à faire croire à l’opinion internationale que le FLN ne représentait que «quelques groupes de bandits pourchassés par l’armée dans les djebels avec l’aide de la population acquise à l’intégration dans une France allant de Dunkerque à Tamanrasset ». Cultivant l’illusion d’avoir réussi à affaiblir sérieusement la résistance dans les maquis en Algérie, le nouveau pouvoir français se lança dans l’entreprise de liquidation de la Fédération du FLN en France et le musellement de notre émigration seule force, selon sa thèse, sur laquelle pourrait encore s’appuyer la direction de notre Révolution.

Comme en Algérie, les autorités françaises organisèrent des opérations de quadrillage par le renforcement des services de répression et l’implantation de groupes de harkis dans les quartiers où résidait une forte communauté d’émigrés algériens.

Comme en Algérie, les rafles et la chasse au faciès se multiplièrent de jour comme de nuit.

Comme en Algérie, la police française et ses supplétifs se livrèrent à des rafles et à des enlèvements de milliers d’Algériens pour les soumettre dans des commissariats et d’autres lieux ouverts à cet effet, aux techniques de torture les plus barbares et les plus humiliantes dans l’espoir d’arracher des aveux susceptibles de leur permettre d’arriver à un démantèlement total de la Fédération du FLN en France.

Ces militants aguerris firent preuve, dans les souffrances atroces endurées, d’un patriotisme et d’un courage exemplaires. Beaucoup d’entre eux furent purement et simplement assassinés secrètement soit par armes à feu ou par pendaison comme en connu le Bois de Boulogne, et moururent en Chahids.

D’autres, pour différents motifs d’inculpation tels qu’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, furent traînés devant les tribunaux d’exception.

Pris en charge par le collectif des avocats du FLN, ils transformèrent les tribunaux en tribune de propagande en clamant haut et fort la justesse de leur combat et en exigeant le droit d’être traités en prisonniers de guerre selon les Conventions internationales de Genève. Ils étaient condamnés soit à la peine capitale, certains ont été exécutés, soit à de lourdes peines auquel cas on les entassait dans toutes les prisons de France déjà surchargées et dans lesquelles ils continuaient leur combat dans des comités de détention en contact avec l’organisation à l’extérieur pour assurer les secours aux détenus et à leurs familles et d’autres formes de luttes comme les nombreuses grèves de la faim pour revendiquer le statut de détenus politiques. Ceux à l’encontre desquels aucun chef d’inculpation n’avait pu être retenu malgré les moyens inhumains d’interrogation utilisés, étaient emmenés par milliers vers les camps de concentration implantés spécialement dans plusieurs régions de France (Larzac, Vadenay saint-Maurice, I’Ardoise, etc…).

Toutes les exactions des services de police et des harkis ramenés d’Algérie n’avaient entamé en rien la résistance, I’organisation et la solidarité de notre communauté d’émigrés.

A l’automne 196l, devant leur échec flagrant et le peu de résultats obtenus jusque-là, les stratèges français sachant que les activités des militants de la fédération du FLN en France s’exerçaient essentiellement le soir-notre communauté d’émigrés étant constituée dans son immense majorité de gens qui travaillaient dans la journée-croyaient avoir enfin trouvé le moyen de liquider de façon définitive la fédération en décidant d’un couvre-feu applicable aux seuls Algériens et ce à partir de 20h00. Face à cette mesure discriminatoire et lasse de subir passivement les effets de la répression, la base militante s’était mise à réclamer à ses responsables une riposte à même de mettre en échec ce plan machiavélique. Devant cette exigence qui lui parvenait à travers les rapports qui venaient de toutes les régions de France, la direction de la fédération du FLN en France, après avoir analysé toutes les données du problème, prit la décision de passer à l’action en organisant des manifestations publiques à Paris pour dénoncer et attirer l’attention de l’opinion publique française et internationale sur la sauvagerie de la répression du gouvernement colonialiste français à l’encontre de notre émigration et sur le caractère raciste et discriminatoire des dernières mesures de couvre-feu édictées par celui-ci.

Les directives données à tous les échelons de l’organisation étaient les suivantes :

Les manifestations devaient débuter le même jour (le soir du 17 octobre à 20 h00 précisément à l’heure de l’interdiction de sortie des Algériens en dehors de chez eux) et s’étalaient sur 3 jours consécutifs. Pour préserver les structures de l’organisation, les cadres ne devaient pas apparaître au cours des manifestations qui devaient revêtir pourtant un caractère pacifique et toute détention d’armes sous quelque forme que ce soit était rigoureusement interdite aux manifestants. Comme prévu, le 17 octobre au soir, plus de

80 000 Algériennes et Algériens envahissent les grands boulevards de la capitale française.

Si les manifestations furent un succès comme en témoignent les comptes rendus de la presse française et internationale, la répression menée sous l’autorité du préfet de police Maurice Papon, tristement célèbre pour sa collaboration avec le régime nazi dans sa politique de déportation et d’extermination des juifs durant la seconde guerre mondiale, fut féroce.

Une chasse à l’Algérien particulièrement sanglante fut déclenchée à travers tout Paris :

• des centaines de morts et de disparus dont plusieurs dizaines furent jetés et noyés dans la Seine.

• Des centaines de blessés furent internés au centre de tri de Vincennes. Le Palais des sports, le Stade Cubertin, la porte de

St-Cloud ou les hôpitaux tels que Beaujour, St-Anne etc, sont transformés pour la circonstance en autant de lieux d’interrogations et de torture.

• Des milliers d’autres, après avoir été soumis à des traitements inhumains, furent expulsés en Algérie ou dirigés vers des centres d’internement.

L’écho formidable rencontré auprès de l’opinion publique jusqu’aux couloirs de l’ONU, par ces manifestations et la sauvagerie des massacres qui s’en suivirent, fut tel que le Premier ministre français avait dû faire une déclaration publique à la presse dans laquelle il avait nié avoir voulu imposer un couvre-feu discriminatoire applicable à la seule communauté algérienne.

Mais malgré ce net recul du gouvernement français, les manifestations s’étaient poursuivies les jours suivants à Paris et en Province où les femmes et les enfants algériens avaient continué à manifester pour réclamer la libération des militants arrêtés et le retour des disparus.

En dépit de la violence inique et des pertes subies, I’organisation du FLN en France était sortie de cette dure épreuve plus forte qu’auparavant et la communauté émigrée plus motivée et plus soudée que jamais; comme les manifestations populaires mémorables du 11 décembre 1960 à Alger, les manifestations éclatantes du 17 octobre 1961 avaient dévoilé l’engagement total de notre communauté émigrée aux côtés du peuple en lutte sur le territoire national. Par ailleurs, elles avaient largement contribué à la reprise du processus de négociations alors en panne. Ne serait-ce que pour seulement cela, elles avaient contribué à franchir un pas important dans la marche de notre peuple vers son indépendance.

Gloire à nos martyrs !

Le président,

Mohand Akli Benyounes

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