Amar Sghir s’en est allé…

Partager

Auteur-compositeur et interprète, l’artiste Amar Sghir, de son vrai nom Outoudert Amar, est né le 27 septembre 1943 à Tala N’Tazert, dans l’ex-commune de Tassaft. Une région qui a vu naître de grandes figures de l'art tels les Kamel Hamadi, Lounis Aït Menguellet, Idir et Amar Ezzahi, pour ne citer que ceux-là.

Amar Sghir a passé son enfance dans son village natal qui a bercé les 8 premières années de sa vie avant de s’en aller, avec son père commerçant, à Souk Larbâa (Tunisie), où il a passé 3 ans durant lesquelles il était inscrit à l’école publique, pour suivre des cours d’arabe et de français, ce qui lui a permis d’acquérir la capacité de lire et d’écrire dans les deux langues, et plus tard, de donner des cours d’arabe dans son village natal. Son père lui avait appris à cuisiner et de temps en temps il faisait à manger. Et comme aller au cinéma faisait partie de la culture des gens, il allait souvent aux salles de cinéma où étaient présentés des films westerns, arabes et hindous. À cette époque-là il aimait beaucoup le chanteur égyptien qui était aussi acteur, Farid El Atrache. Il suffisait qu’Amar Sghir écoute une fois une chanson d’El Atrache pour qu’il l’apprenne par cœur et la chante sans aucune difficulté. En 1954, du fait que son père allait repartir en France, Amar est retourné dans son village, Tala N’Tazert avec un ami de son père, Ahsène Mohamed Ouali. Revoir son village et surtout sa mère l’ont comblé de joie. À l’école du village, il s’est joint à ses camarades, plus âgés que lui, pour suivre l’enseignement donné par Monsieur Huberg, à l’époque. Quelques mois après le déclenchement de la guerre de Libération, l’école du village avait fermé. Mais peu de temps après, les villageois avaient ouvert une nouvelle classe pour cours d’arabe assurés par Louadj Ahmed – qui tombera en martyr quelques années plus tard- Et lors de son absence, Amar Sghir prenait le relais pour dispenser des cours. Dans cette classe, les élèves apprenaient aussi des hymnes et des chansons patriotiques tels que : -Ttarix n tmurt nnegh -Ghuri yiwen umeddakul – Min jibalina, etc. En 1956, Lhadj Amer, un homme de la famille, l’emmène avec lui à Sidi Aïssa (M’Sila) où il a exercé dans une épicerie, jusqu’à la fin de 1957, moment où son père lui envoya une autorisation de voyager pour aller le rejoindre en France. Arrivé à Paris, son père en congé accompagné par trois de ses amis sont venus l’accueillir à l’aéroport, ils ont pris un taxi pour l’hôtel où il résidait au 24, Rue Maître-Albert Paris 5e, où un grand monde attablé autour d’un couscous attendait leur arrivée. Le lendemain, son père l’emmène en promenade pour lui faire découvrir Paris et quelques unes de ces belles places, tel que le « Jardin des plantes ». Dans les jours qui suivirent, Amar a été orienté par le bureau de main-d’œuvre de Paris vers une formation de menuiserie qu’il a rapidement intégrée. Et avant même de terminer la formation, Amar est allé travailler dans un atelier de confection. À cette époque, Amar Sghir était enflammé par la chanson et écoutait beaucoup Cheikh El Hasnaoui, Slimane Azem, Zerrouk Allaoua… et chantait leurs chansons avec beaucoup d’amour. Aussi, il a retrouvé ses anciennes habitudes de fréquenter les salles de cinéma, à Paris. À l’été 1959, son père est rentré en Algérie, et comme il avait décidé d’y rester, il l’a fait venir un mois plus tard, en septembre 1959. À Alger, il a commencé à apprendre son métier d’avenir « piqueur sur machine » qu’il va exercer plusieurs années durant.

Un passionné de la Radio

Passionné par la musique et la chanson, Amar Sghir très motivé entame sa carrière dans l’art en fréquentant régulièrement la radio. C’est ainsi qu’il se présenta en compagnie de Azzoug Youssef à l’émission des chanteurs amateurs, émission présentée par Kamel Hamadi, où il a interprété une chanson de Slimane Azem « Oh ayat tmurt-iw ». Comme Amar Sghir a donné satisfaction lors de ce premier passage, il a été invité à revenir la semaine d’après avec sa propre œuvre. Et c’est alors qu’il a écrit sa toute première chanson intitulée : Ayatma achal itt-cedhagh Lezzayer tin 3zizen. Rapidement, il passe du statut de chanteur amateur à celui de professionnel avec déjà douze chansons enregistrées à la radio sous la direction du chef-d’orchestre Ahmed Madjdoub intitulées : Ay atma achal itt-cedhagh ,Ttxil-k ay itbir xebber-itt ,Lfiraq ay atma yewar, Snat lehwayeg uhdegh-tent, Lemhibba tezwar ghurnegh ,Init amin amin, I hlawet lhawa n tmurt, Leqraya leqraya, A win i tent-yezran deg tnafa, Rruplan (l’Avion), Balak balak, Tajeggigt lwerd yefsan. Sur cela, le chanteur dira à ses amis et famille : «J’ai travaillé dur pour faire ces chansons le plus rapidement possible tel que le maestro Mohamed Medjdoub me l’avait proposé». Avec les douze chansons déclarées à la Société d’auteur-compositeur et éditeurs de musique, Amar Sghir devient adhérent affilié à la SACEM et commença à percevoir les droits d’auteur appelés «droits mécaniques» payés par cette dernière. Il dira avoir perçu au premier trimestre, après son adhésion, 90.000 francs.

D’où venait son nom d’artiste

Avec un nouvel orchestre, il enregistre quatre de ses chansons déjà enregistrées en deux disques 45 tours par la maison Philips dont le directeur était Boualem Titich. Ay atma achal itt-cedhagh, Snat lehwayeg uhdegh-tent, Ttxil-k ay itbir xebber-itt, Lfiraq ay atma yewer.

De son vrai nom Outoudert Amar, «c’est Youcef Abdjaoui qui a proposé ce nom d’artiste «Amar Sghir» du fait que j’étais en ce temps là encore très jeune «petit», Youcef m’a surnommé «Amar Sghir» qui veut dire donc Amar le petit», dira l’éminent artiste. Au cessez le feu de 1962, sa famille retourne au village, mais Amar très vite retrouve Alger avec son cousin Abbas et reprend son travail de piqueur. Dans les semaines qui ont suivi, il loua un appartement de deux pièces et fit venir sa mère. Au mois de septembre 1962, il fête son premier mariage qui malheureusement ne durera pas plus de 2 années. Interrogé sur son premier instrument de musique, Amar dira que c’était son père qui lui a fait cadeau d’une demie mandole, ce qui lui a permis de progresser vite, à jouer les notes de musique et à bercer ses chansons de ses propres mains…Il faut souligner qu’ayant aussi un penchant pour le théâtre, Amar a participé avec Mohamed Hilmi et Ali Abdoun dans quelques scènes de théâtre radiophonique.

Amar s’inscrit au conservatoire

Voulant perfectionner ses connaissances en musique, Amar s’est inscrit au Conservatoire pour étudier le Chaabi chez Hadj Mohamed El Anka pour apprendre les Touchiat et Nesrafat. Mais avant d’arriver en classe de virtuose il fallait passer par d’autres professeurs pour acquérir certaines bases. En plus des cours de musique, son penchant pour le théâtre l’a conduit chez d’autres professeurs comme : Allal Mohib, Mustapha Kezdari et Momo. Après y avoir passé trois années, le Conservatoire avait enrichi considérablement ses connaissances en musique Chaabi. Ce qui anime davantage sa vie de chanteur. Amar Sghir avec une notoriété grandissante est sollicité de partout pour animer des soirées où il touchait son cachet de prestations offertes, mais chantait aussi gratuitement pour les gens moins aisés. Et même Belhanafi Mohamed (Que Dieu ait son âme) lui faisait appel à ses soirées, à maintes reprises.

1969, l’année prolifique avec deux autres disques

En compagnie d’un ami, Smail Ath Hamane, il rend visite à Yahya El-Hadi qui, à cette époque, s’est installé à Oran, ce dernier propose à Amar Sghir d’enregistrer 4 de ses nouvelles chansons : Slam n lleh Fell-awen, Ahlellu; Je vois tes yeux qui brillent et D baba-m akked baba, dans son studio « Lahn El Jazair ». Disques qui seront mis sur le marché quelques semaines plus tard. Cette même année, 1969, Amar verra naître son premier enfant de son deuxième mariage qu’il avait fêté au mois de mars de l’année précédente. Amar Sghir a connu, jusqu’en 1969, un parcours riche dans la chanson. Son oreille musicale, la force du verbe, le jeu de la guitare , sa voix de rossignol et son charisme lui ont permis de s’imposer aux côtés des ténors déjà connus sur la scène artistique.

1970, Début de sa maladie…

En 1970, l’artiste commence à connaître des troubles et des problèmes de santé, petit à petit la maladie s’empare de lui, et le contraint à s’éloigner du milieu de la chanson. Le rossignol perd des plumes pour devoir se retirer sur sa colline au pied de sa montagne dans sa paisible demeure, à Tala N’Tazert dans la commune des At Budrar. Malgré la maladie qui a freiné quasiment toute son activité, Amar Sghir, timidement, continue d’écrire une dizaine de nouvelles chansons qui malheureusement resteront inédites, mais réussit tout de même aux environs de 1978 à produire un 45 tours qui sera son dernier disque avec deux chansons dont une reprise de la célèbre chanson : Lmut tagheddart (texte et musique d’Aït Mislaiene), Ttrugh ghef zher-iw (je pleure mon destin). En guise de reconnaissance de son grand parcours, la maison de la culture lui avait rendu hommage à deux reprises en 2006 et en 2011. En 2014, son village lui a rendu un vibrant hommage, à Tala N’Tazart, commune d’Iboudrarène. Amar Sghir a eu droit à la reconnaissance des siens. Durant trois jours, Amar Sghir a été à l’honneur dans son village natal. En association avec la direction de la Culture de Tizi-Ouzou et l’APC d’Iboudrarène, le comité d’organisation a mis en place un riche programme d’animation où le parcours de ce chanteur a été mis en avant. Mohamed Chemmoun, Makhloufi, Djaffar Aït Menguellet, et bien d’autres chanteurs se sont succédé sur scène pour rendre hommage, par la chanson et le témoignage à un chanteur qui a marqué de son empreinte la scène artistique kabyle. Il faut souligner que cet hommage que lui a rendu son village lui avait fait très chaud au coeur. Le décès de cet éminent artiste, plus connu sous le nom de «Amar Sghir», est survenu suite à une longue maladie. Il a été enterré hier chez lui en présence d’une foule nombreuse.

M.A.B

Partager