«Il est temps de rompre avec la poésie traditionnelle»

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Salah Louni est un jeune poète, d’expression amazighe, qui vient d’éditer un recueil de poésie intitulé Adlisfus n’tayri tamaâmmrit et il a été aussi primé lors de nombreux festivals dédiés à la poésie berbère. Dernièrement, il a décroché la première place au concours de la meilleure nouvelle en tamazight au 17° Festival national d’expression amazighe, organisé par l’association culturelle Adrar n’Fad de Béjaia. Dans cet entretien, il revient surtout sur la nouvelle vision de l’Union des Poètes Solidaires appelée communément «Amedyez» et sur son recueil de poésie.

La Dépêche de Kabylie : Tout d’abord, présentez-vous à nos lecteurs.

Salah Louni : je suis né le 23 avril 1987 à Ath Amar Moussa, douar d’Ath Atella, dans la commune d’Ait Yahia Moussa. J’ai commencé à composer mes premiers vers très tôt à l’âge de onze ans. Après l’obtention de mon Bac en 2006, je m’inscrivis à l’université d’Alger en option de bibliothéconomie) où j’obtins ma licence. Successivement, je décrochai le Bac en 2007, 2013 et 2016. Cela m’a permis de poursuivre mes études en langue et culture allemande à Alger et des études en langue anglaise à l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou.

Comment conciliez-vous études et écriture ?

Eh bien, il faut seulement savoir s’organiser d’une part, et d’autre part, il faut persévérer surtout lorsqu’on a une passion. Pour moi, c’est quelque chose d’essentiel. D’ailleurs, j’ai réussi aussi bien à composer qu’à faire des études si bien que j’ai obtenu trois licences.

À quand remonte votre première participation à un festival de poésie amazighe ?

Je ne rate aucune occasion pour déclamer mes poèmes. Mais, c’est plutôt en 2015, quand j’ai eu trois prix : le deuxième prix du concours de poésie d’Ath Zikki ( Bouzguène) organisé par l’association Smaïl Ath Zikki en hommage à Smaïl Azziki , le 2° prix du festival national d’expression amazighe de M’Chedellah ( Bouira) et le 3° prix la même année à Béjaia au festival national de poésie amazighe organisé par l’association Adrar n’Fad. D’année en année, je suis récompensé lors d’autres festivals avec la clé le 3° prix de l’établissement Art et culture (Alger) en 2017 et en 2018 deux autres distinctions : le premier prix au festival d’Adrar N’Fad en hommage à Mouloud Mammeri et le premier prix de poésie organisé par l’Université Mouloud Mammeri pour les artistes étudiants. Depuis ma première participation, j’ai décroché au total 9 prix.

Revenons, maintenant, à votre recueil de poésie…

Je l’ai intitulé «Adlisfus n’Tayri tamaâmmrit» en hommage à feu Mouloud Mammeri pour tout ce qu’il a fait pour notre langue et notamment sa grammaire (tajarumt tamaâmmrit). Dans mon fond poétique, j’ai sélectionné 21 poèmes dont les thèmes sont différents les uns des autres. Ce sont des thèmes sociétaux. D’ailleurs, aujourd’hui, ils sont nombreux les enseignants à les utiliser comme supports didactiques dans leurs classes. Et puis, la nouveauté dans cet ouvrage, dont je dirais beaucoup qu’il est un manuel, est que les poèmes sont ponctués. C’est la première fois que ce genre littéraire est présenté sous cette forme. Par ailleurs, on trouve aussi une nouveauté au niveau non seulement de la thématique mais aussi de la structure et de la forme.

Qu’avez-vous à dire de cette nouvelle vision de la poésie amazighe ?

C’est de la poésie moderne. Dans notre club «Amedyez», union des poètes solidaires, nous avons publié un manifeste ou un guide pour une nouvelle approche moderne de la poésie amazighe. C’est l’unique travail qu’on trouve dans toute l’Afrique du Nord. Nous nous détournons de la poésie traditionnelle idéologiquement. C’est un mouvement dans le style et la thématique. L’ouvrage est disponible dans les libraires des wilayas de Tizi-Ouzou, de Bouira, d’Alger. Prochainement, il sera disponible à Boumerdès, à Oran et ailleurs. Selon les échos que je reçois, il est très demandé. Sorti à la fin de l’année 2018, aujourd’hui, j’ai écoulé plus de mille exemplaires bien que ce soit un ouvrage édité à compte d’auteur. Il faut aussi savoir que le lectorat en tamazight vient tout juste de d’émerger avec l’introduction de cette langue dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur. Pour ce qui est de l’édition en tamazight, certes, il y a un engouement chez les auteurs mais au niveau des éditeurs c’est un peu timide. Ils craignent les méventes surtout que lorsqu’il s’agit de la poésie. Les éditeurs qui sont disponibles le font par militantisme. En tout cas, il faudrait que les institutions de l’Etat s’y mettent d’autant plus que tamazight est langue nationale et officielle.

D’autres projets ?

Bien sûr. Tout d’abord, j’ai en ligne de mire un recueil de nouvelles. C’est un genre un peu difficile. Cependant, ma participation au concours de la nouvelle me motive. J’aurai aussi à faire des adaptations d’œuvres littéraires universelles vers Tamazight d’autant que je maîtrise les langues française, anglaise et allemande. Je tiens, par ailleurs, à remercier tous ceux qui organisent ici et là des festivals dédiés à tamazight et surtout que chacun d’eux est associé à un nom comme Mouloud Mammeri, Youcef U Kaci, Si Mohand u Mhand, Kamel Amzal. Durant ces festivals, de nouvelles plumes sont découvertes et il suffit maintenant de conjuguer tous nos efforts pour aller de l’avant. C’est un bon signe quand même quand on sait que notre langue a été longtemps orale. Et le passage vers l’écrit n’est pas aussi aisé qu’on le pense.

Entretien réalisé par Amar Ouramdane

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