«Ici, c’est la misère…»

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Ath Argane, relevant de la commune d’Agouni Gueghrane, à l’extrême sud de la wilaya de Tizi-Ouzou, un manque flagrant de développement est constaté dans plusieurs secteurs.

Le village culmine à près de 1 200 m d’altitude, comptant 4 500 habitants répartis sur  six hameaux : Thoghza, Tazaka, Thawrirt, Ath Amara, Tinswin et Aït Oualhadj. Pour y accéder, il faut emprunter un chemin sinueux, plein d’étroits virages. « Aller à ce village revient à aller au sommet de la montagne du Djurdjura ! Un trajet de près de 10 kilomètres », nous dira un habitant du chef-lieu communal d’Agouni Gueghrane. La chaussée était glissante et la circulation très difficile au petit matin d’hier. «Il faut attendre un peu, car il grêle aujourd’hui et les véhicules roulent prudemment », nous fera savoir un lycéen scolarisé à Ouadhias qui ajoutera : « Las d’attendre les fourgons de transport, car la desserte est à l’agonie, nous avons avec mon ami pris la décision de faire ce parcours à pied, c’est la seule solution, nous avons déjà raté beaucoup de cours lors de la tempête ». Vers 10h, les voitures commencèrent à mieux avancer. Au bout d’une dizaine de minute, nous avons pu accéder au village. Un décor paradisiaque nous y attendait. Les toits des maisons et les cimes des arbres étaient couverts de neige. Les habitants dégageaient les accès, bloqués depuis plusieurs jours. C’est le soulagement après des jours de froid glacial qui a ravivé le souvenir des hivers 2005, 2007 et 2012. Les villageois étaient restés cloitrés chez eux pendant des semaines entières sans chauffage ni eau ni électricité. « C’est la misère ici, il n’y a même pas le minimum pour une vie décente. Pourtant, l’Etat prétend faire tout pour lutter contre l’exode rural », nous dira un villageois. Un septuagénaire lui emboitera le pas : « Ceux qui restent ici, ce sont les pauvres, ceux qui n’ont pas les moyens de partir. Tous ceux qui le pouvaient sont partis depuis longtemps sous des cieux plus cléments ».

Le gaz de ville, pour l’année prochaine !!!

Pour en savoir plus, nous avons rencontré le président du comité du village d’Aït Argane, M. Laifa Boutma. Ce dernier nous indique que les habitants endurent le calvaire au quotidien notamment en hiver, en l’absence des moindres commodités vitales telles le gaz de ville. Le village n’est en effet toujours pas raccordé à cette commodité ô combien essentielle. Notre interlocuteur nous indiquera que le projet de raccordement a été scindé en deux lots. Le premier, consistant en l’alimentation de plus de 600 foyers, a bel et bien été lancé alors que le second n’a pas encore vu le jour. « Actuellement, les villageois se contentent du bois et du gaz butane quand il est disponible. Pour les mieux lotis, ils s’approvisionnent en gasoil », nous expliquera-t-il. Il poursuivra : « Concernant les routes, il y a un chasse neige qui a travaillé sur la route principale débouchant sur le centre du village. Mais pour les accès vers les hameaux, ce sont les villageois qui se sont mobilisés comme un seul homme pour les libérer et permettre la circulation des véhicules ». D’ailleurs, enchainera-t-il « les écoliers des trois écoles primaires, et ceux  du CEM sont restés chez eux pendant presque deux semaines car les établissements ne sont pas bien chauffés. « Concernant les élèves du secondaire, nos enfants n’ont pas pu rejoindre le lycée des Ouadhias, car la route a été bloquée par la neige », précisant que le ramassage scolaire n’a pas été assuré durant tout l’épisode neigeux.

Routes impraticables

Les carences sont nombreuses dans le village, a tenu à ajouter le président du comité de village. Il dira aussi que toutes les voies de dialogue ont été épuisées avec les autorités locales. Et comme nous l’avons constaté le chemin principal de la localité est tout simplement impraticable à plusieurs endroits. «Nous souffrons de l’état de délabrement total de la chaussée et ce depuis des mois. Nous avons d’ailleurs sollicité les responsables locaux pour son entretien, mais hélas, c’est le silence radio. C’est l’inertie généralisée», nous dira un transporteur assurant la desserte vers le chef-lieu de daïra de Ouadhias qui ajoute : «Nous faisons notre travail avec beaucoup de difficultés. La rudesse du climat est accentuée par l’état de la chaussée, c’est vraiment dommage. Mais ne nous baissons pas les bras. Les habitants ont besoin de nous et nous continuons à travailler pour eux». Le président du comité de village tiendra à souligner également le fait que le village est dépourvu de toute infrastructure destinée aux jeunes. «Ni foyer de jeunes, ni stade dignes de ce nom. Nous n’avons même pas un cybercafé Nos jeunes parcourent près de 20 km jusqu’au chef-lieu pour se connecter à Internet, ou pour jouer une partie de foot, ou  pour suivre une quelconque activité à la maison de jeunes de Ouadhias. L’Etat n’a vraiment rien fait pour convaincre les villageois de rester dans la montagne», nous dira-t-il.

Pas d’assainissement,  des fuites d’eau omniprésentes…

M. Boutma nous parlera également de l’absence d’un réseau d’assainissement. Il nous apprendra que les villageois ont encore recours aux fausses septiques : «nous foyers ne sont pas raccordés au réseau d’assainissement. Le projet a été annoncé par les responsables depuis déjà des années mais à ce jour rien n’est encore fait pour soulager les villageois». Par ailleurs, notre interlocuteur n’a pas omis de soulever le problème des fruites d’eau omniprésentes et incessantes tout le long de la chaussée : «ces fuites sont l’une des raisons de la dégradation de la chaussée. Nous avons demandé à l’ADE et à l’APC de les prendre en charge, en vain. L’eau ne cesse de couler, se perdant inexorablement dans la nature. Et la  chaussée n’en est que plus endommagée». Concernant le secteur de l’hydraulique, le président du comité n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour dénoncer le retard dans la rénovation du réseau AEP promis depuis belle lurette. D’innombrables autres insuffisances ont été soulevées par tous les villageois que nous avons rencontrés. Ils nous ont parlé notamment de l’absence de l’éclairage public, de l’indisponibilité des caniveaux et de l’aménagement du village et les cimetières qu’ils attendent avec impatience depuis des années…

M.Z

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