Des enfants de chahids face au problème de l’héritage

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Cinquante-quatre ans après l'indépendance chèrement conquise par le sacrifice d'un million et demi de martyrs, le problème de l'héritage des terres hante toujours l'esprit des enfants de ces martyrs.

Ils sont des milliers à travers le territoire national et des centaines d’autres à l’échelle de toute la wilaya exclus des terres léguées par leurs grands-parents, notamment lorsque ces chouhadas sont tombés au champ d’honneur avant leurs parents.  » Quand le grand-père (père) du chahid n’a pas laissé de testament et que le chahid est décédé avant lui (son père), ses enfants ne prennent rien de ce qu’a laissé leur grand-père. C’est incroyable », nous confiera ce fils de chahid de Frikat dans la région de Draâ El-Mizan qui ne bénéficie pas de gaz naturel parce que son oncle paternel refuse de lui laisser le passage.  » Ironie du destin parce que mon père est mort avant mon grand-père et c’est mon oncle qui a hérité la parcelle de terre en question », regrettera notre interlocuteur. Et d’ajouter:  » j’ai saisi toutes les instances du pays allant du tribunal local jusqu’au ministre de la Justice et même le président de la République. C’est un déni qui ne dit pas son nom ».  » Lors des débats sur le code de la famille de 1984 inspiré de la Chariâ Islamique, nombreux sont ceux qui ont dénoncé l’article 169 – 84/11 chapitre 7 relatif à ce point. Celui-ci parle du cas où le fils décède après son père et par ricochet les chouhadas ne dérogent pas à cet article, d’autant plus que la plupart d’entre eux sont tombés au champ d’honneur à la fleur de l’âge et avant leurs pères. Le président du conseil supérieur islamique, Ahmed Hamani,  » avait demandé une dérogation exceptionnelle et l’application avec effet rétroactif de cet article à partir du premier novembre 1954 au profit de cette catégorie de citoyens », nous racontera-t-il. La réponse, dira-t-il, était claire :  » les droits du chahid sont garantis et ils n’ont pas besoin d’une loi pour les protéger ». Les réponses d’alors étaient basées en référence au verset coranique (169) de la Sourate Al Imran qui est largement suffisant parce qu’il garantit les droits des chouhadas avant ou après leur mort. Cependant, le groupe d’enfants de chouhadas que nous avons approché à ce sujet constatera que concrètement, l’application sur le terrain est tout autre.  » Ni l’appel du premier novembre 1954, ni la constitution (loi suprême du pays) dans son article 54 (alinéa 2) qui garantit l’héritage et l’article 62 qui garantit le respect des symboles de la Révolution dont le chahid est l’un d’eux, et la dignité des chouhadas, des moudjahidines et de leurs ayants-droits, ne sont réellement appliquées », remarquera un autre intervenant. Celui-ci s’interrogera:  » que reste-t-il des idéaux et des valeurs de novembre, et du serment fait aux glorieux martyrs quand leurs enfants se font bannir des terres arrosées du sang de leurs géniteurs par des jugements rendus au nom du peuple et au nom de la République Algérienne Démocratique et Populaire, surtout par leurs oncles paternels dont pour beaucoup le passé est douteux ou qui avaient carrément collaboré cote à cote avec l’ennemi pour que l’Algérie demeure éternellement française? « . Devant cette exclusion, un autre posera une autre question:  » comment peut-on parler de glorification et de fidélité aux chouhadas devant cette trahison? ». Et enfin, un autre conclura:  » que ressentira le fils ou la fille de chahid quand le jugement tombe à sa défaveur alors que le verset 154 de la Sourate (El Baqara) stipule que les chouhadas même morts sont toujours vivants devant Dieu? ». Nos interlocuteurs sont convaincus que feu Bessaoud Mohand Arab avait bien raison d’écrire  » Heureux sont les martyrs qui n’ont rien vu ». Ces appels seront-ils entendus pour que cette injustice soit réparée ? C’est un sujet qui mérite encore un large débat.

Amar Ouramdane

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