Les handicapés, ces “laissés-pour-compte”

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Elles sont des dizaines de milliers dans la wilaya de Béjaïa, ces personnes dites aux besoins spécifiques, à souffrir le martyre et à vivoter dans l’indifférence générale.

Victimes de stigmatisation, de préjugés tenaces et de discrimination confinant au rejet, la route de ces infortunés citoyens vers l’insertion sociale, est un long chemin de croix. Autant dire, un parcours du combattant qui est truffé d’obstacles et parsemé d’embûches. Leur aspiration à l’intégration prend les contours d’un défi culotté. Un leurre entretenu par de vaines et vagues promesses ressassées à l’occasion de la célébration de la Journée des handicapés.

«Le travail, ce n’est pas pour nous»

Puissant facteur d’intégration et d’autonomie s’il en est, l’insertion professionnelle des personnes handicapées se pose en contrainte rédhibitoire et maintient cette frange en marge de la société. «En dépit de mes diplômes et de la compatibilité de mon handicap physique avec les exigences des postes sollicités, je n’ai jamais pu dénicher un job, fut-il sous qualifié. J’ai la désagréable impression, la certitude même, qu’une fois que l’employeur s’aperçoit de mon handicap, son attitude à mon égard change illico et de fond en comble», maugrée Madjid, un handicapé d’Akbou. Madjid en veut à certains gérants d’entités économiques de faire fi de leurs obligations légales, en matière de recrutement des handicapés. «Beaucoup de patrons ne s’embarrassent nullement de tordre le cou à la loi qui les oblige pourtant à réserver un pourcentage de leurs effectifs à la frange des handicapés», dénonce-t-il. Une mésaventure similaire a été vécue par Kamel, un quadragénaire de Tazmalt. «Vous avez beau avoir des compétences, des qualifications et je ne sais quoi encore. Le seul fait d’être handicapé fait de vous malpropre, un pestiféré, ravalé au rang de citoyen de seconde zone. Le mépris, je le lis dans le regard et l’attitude qu’on adopte à mon égard. Le travail, ce n’est pas pour nous. Maintenant, j’en ai l’intime conviction et il en sera malheureusement ainsi, tant que nous ne seront pas considérés comme des citoyens à part entière», peste-il. Brimé mais digne, blessé mais stoïque, Kamel affiche une détermination inébranlable à se battre jusqu’au trognon, pour vaincre les idées reçues, transcender les clichés éculés et triompher de l’exclusion. «La société se vautre dans un égoïsme effarant. Pour arracher ses droits et faire bouger les lignes, il faut lutter inlassablement en faisant preuve d’une persévérance et d’un courage à toute épreuve», tempête-il.

«Cette infamante pension de 4000 DA»

Des handicapés, avec lesquels nous avons eu un brin de causette, qualifient la mensualité consentie par les services sociaux de l’État de «pension infamante». «Cette aide dérisoire est la meilleure preuve du mépris de l’État à notre égard. Pis encore et comme pour prolonger le supplice des handicapés, ce solde insignifiant est souvent versé avec plusieurs mois de retard», souligne Fazia, une jeune handicapée de Sidi Aïch. «Que peut-on acheter avec une somme aussi dérisoire par ces temps qui courent, caractérisés par le renchérissement du coût de la vie ?», s’interroge Yassine, un handicapé moteur du quartier Timzeghra. Tout en plaidant pour une revalorisation «urgente et substantielle» de cette maigre pension, les handicapés réfutent d’être confinés au statut de faire-valoir. «Les pouvoirs publics devraient arrêter de se contenter de se donner bonne conscience à travers un semblant de prise en charge des handicapés. Nous en avons assez des fausses solutions et des demies mesures», fulmine un handicapé.

L’accessibilité, un casse-tête !

Parmi les problèmes dont souffrent les handicapés, celui relatif à leur accessibilité aux différentes administrations et institutions publiques figure en bonne place. L’absence de riposte, pourtant d’une si urgente nécessité, soulève la colère et suscite la réprobation de cette catégorie de la population. «On ne peut se rendre ni à la mairie ni à la poste sans l’assistance d’une tierce personne. Même les établissements de santé et d’éducation nous sont interdits», dira, scandalisé, Boualem, un handicapé d’Ouzellaguen. Cloué depuis sa tendre enfance sur une chaise roulante, il se plaint de ne pas pouvoir accéder à d’autres services comme l’usage de sa carte magnétique. Se mouvoir dans l’espace urbain, emprunter une navette de transport en commun ou faire ses courses dans les magasins, relèvent aussi d’une gageure. «Nos villes sont inhospitalières. Partout, les obstacles se dressent à la face des personnes handicapées. Le comble c’est que personne ne semble se préoccuper outre mesure de leur sort», déclare sur une pointe de désillusion un handicapé moteur.

N Maouche

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