Mariage : entre traditions et modernité

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L’été qui tire à sa fin est la saison par excellence des mariages. Cette année on a enregistré plus de 200 qui sont célébrés à travers tout le territoire de la commune de Béni Maouche. Si jadis le choix se portait plus sur des filles de contrées éloignées pour sceller l’union conjugale, la tendance, cette année, est au choix de l’heureuse élus au sein du voisinage immédiat. Ceci a permis de perpétuer les traditions tant le mode de célébration est uniformisé, à la grande joie des mères et autres grand-mères qui voient la consommation de ce lien sacré frappé du sceau de la mythique authenticité séculaire. C’est donc au milieu du foisonnement des accoutrements plus ou moins occidentalisés ou orientalisés qu’on a pu constater la présence en force de la robe kabyle, malgré les quelques modifications qu’elle a subies dans sa conception. Cette année, c’est aussi celle du retour en force des “Idebbalen” qui sont venus détrôner les bruyants D.J et leurs décibels assourdissants. Mais comme toute chose a son revers, la tradition qui ne tient parfois plus la route continue de peser de tout son poids sur le comportement de quelques gens qui tentent tant bien que mal de la pérenniser malgré sa saugrenuité.En effet, s’il y a un moment que les femmes conviées à une fête de mariage attendent avec impatience, c’est bien la veille du jour “J” car c’est le moment privilégié pour s’adonner à toute sorte de médisances et de commérages ou de se faire une idée sur le couple qui s’apprête à sceller son union. C’est bien à ce instant que les sœurs et la mère de l’heureux époux, qui arrivent en trombe accompagnées de tous leurs proches, s’amusent à disséquer la dot. Sous les yeux de tous les présents et de la mariée aussi, on offre aux regards toutes les pièces composant le trousseau qu’on étale au rythme de youyous stridents et de commentaires incontrôlables. On se délecte de la présentation, faites avec une arrogance incommensurable, de toute la panoplie de lingeries fines, robes, ensembles, chaussures, maquillage et autres objets aussi insolites qu’inaccoutumés. D’après les dires de certains spécialistes en “tqeraaidj”, le dernier objet qui a fait son apparition dans les dots est… Le téléphone portable qu’on glisse entre deux savonnettes. Mas le clou de ce rituel qui a la peau dure est l’apparition de la fameuse parure en or qui fait écarquiller les yeux. Sa présentation représente le clou du carnaval car elle constitue un gage de bonheur et une garantie pour la durée de l’union. Par contre, son absence laisse libre cours aux supputations les plus sangrenues qui ne tiennent compte ni de l’état social du mari ni du pouvoir d’achat en vogue dans la localité. C’est ainsi que la promesse de réussir une vie conjugale sur la base de la sincérité des sentiments ou du partage des visions ne tient plus la route. La garantie tient plus à quelques grammes d’or qu’à cet engagement et déclaration solennels… “pour le meilleur et pour le pire”. Durant ce rituel, la mariée noyée au milieu des femmes, des enfants et de quelques hommes qui se glissent pour la circonstance, fixe sa valise éventrée et ne peut plus cacher sa gêne car elle n’arrive plus à supporter ce supplice imposé par une tradition qui ne tient compte ni de l’intimité ni d’une quelconque pudeur. Voir ses sous-vêtement défiler sous les yeux d’un public ébahi et intéressé s’apparente plus à un excès de zèle qu’à une quelconque célébration ! Une fois le trousseau emballé, on invite la jeune épouse à la cérémonie du henné pour la laisser enfin se reposer jusqu’au lendemain quand on viendra la chercher. Là c’est une autre histoire… C’est de cette façon que les traditions, quel que soit leur ancrage, ont toujours la peau dure dans une société qui a perdu ses repères en ne sachant plus vers où se tourner. Déchirée entre l’obligation de respecter les traditions et la contrainte du monde “civilisé”, notre société patauge dans un mélange hybride qui a fini par s’imposer comme un mode de vie qu’on adapte à toutes les situations.

A. M. Arezki

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