Timchret à Tifrit

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Avec le temps va, tout s’en va, dit l’adage. Même nos traditions et coutumes, porteuses de nobles valeurs et objectifs. Ces valeurs, assise de toute culture. Notre culture. Que les générations futures n’épanouiront que si elle est régulièrement et passionnément transmise. Il ne dépend que de la volonté des hommes qui, happés dans le tourbillon quotidien des mille tracas, n’y pensent presque plus. Cependant, à Tifrit, et dans plusieurs villages environnants, on semble y recourir. Recours dicté, certes, par l’impératif du moment. Mais à Tifrit, aussi parce que des hommes sont jaloux, fous de leur culture, faisant comme point d’honneur sa sauvegarde et sa pérennisation. “Un peuple sans culture est un peuple qui se meurt. On le dit et on a raison. Notre culture est belle, riche, diversifiée. Nous devons en prendre soin et non seulement la sauvegarder mais la promouvoir et la faire épanouir. Et l’un des moyens d’y parvenir, ce sont justement les vieilles pratiques d’antan”, nous dit Sofiane Adjlane, habitant de Tifrit et l’un des représentants les plus connus du Mouvement citoyen akboucien.

Tifrit, gros bourg semi-urbain de la commune d’Akbou. Formant les prémices des hauteurs surplombant la célèbre vallée de la Soummam. Le chauffeur du fourgon nous déposa à quelques encablures de la place.

On distingue de loin le minaret de la mosquée, repère vers notre destination. Une femme descendue en même temps du fourgon fit aimablement le guide. C’est la descente accélérée. Nous comprendrons plus tard pourquoi.

Sur la place, il y a foule. En cette fin de matinée du mardi 26 décembre, des hommes s’affairent, sous le gris du ciel et la fine pluie, à immoler des bœufs.

Des hommes entourés de jeunes et d’enfants, que des jeunes filles filment sous les youyous soutenus de femmes, perchées sur la balustrade attenante à la mosquée. Un spectacle sorti tout droit des illustrations de livres traitant de coutumes de villages. Nous venons d’atterrir en plein dans une timchret. Au lieu d’une commune, nous le pensions de prime abord, il y en a deux en fait. On est à Tifrit Ouadda. Par hasard. Point de Sofiane qui nous a lancé l’invitation. Des hommes nous expliquent son absence momentanée. “Il est sûrement là-haut.

A Tifrit Oufella où se déroule une autre timchret”.

La joie se lit sur les visages. Sept bœufs seront immolés.

“La répartition des parts se fera jeudi”, nous apprennent-ils. On reprend route, vers notre destination initiale, Tifrit Oufella. Un bambin nous conduit vers une grande villa, entourée de vastes champs où sont attachés, aux gros arbres, de nombreux veaux, bien généreux en chair. Ce lieu s’appelle “Thighzerth n’Adjlane”, répond-on à notre curiosité. Nacer, le frère de Sofiane Adjlane, nous reçoit avec toute l’amabilité et le sens de l’hospitalité connues aux villageois. Chose qui se constatera, aussi et aussitôt, chez d’autres, tels que M. Bedja, président du comité des sages. Et chez Arezki Bouatmane, celui-ci et Nacer Adjlane sont membres dudit comité. Dans le vaste garage, des hommes s’affairent à suspendre aux gigantesques poutres en fer les bêtes immolées.

Nacer Adjlane nous informe sur la procédure et les objectifs de la timchret en général. “Nous avons 7 veaux à immoler. La cotisation est fixée à 1000 DA. Au-delà de cette somme, c’est considéré comme don. Il y a eu même des dons conséquents. Les démunis en sont dispensés. La timchret est programmée minutieusement dans son organisation. Demain, la viande sera coupée et jeudi aura lieu la distribution des parts. Tous seront en ce lieu. Les parts sont les mêmes que l’on ait payé 1 000 DA ou plus ou rien. Identiques !

Après être coupée, la viande est mise en gros tas diversifiés. Les parts sont formées de ces tas. Nous avons ouvert notre Timchret à tous. D’ailleurs ont même participé des gens de Tiharkatine par exemple”, M. Adjlane poursuivra : “Le jour de la distribution, ce sera une véritable fête. A cette pratique sont loués de nombreux objectifs dont l’esprit de l’organisation, de la fraternité, de l’entraide, de la solidarité.

Bref, d’éduquer nos enfants aux bonnes valeurs, leur inculquer les nobles sentiments”. Nacer Adjlane termine par un regard tendre vers les groupes d’enfants gambadant tout autour. A l’image du trio Yacine, Nassim, Menad observant la scène avec attention. Nassim est né en 90. C’est-à-dire à la dernière timchret en date. Donc, l’actuelle est la première vécue par lui. Il lui appartient ainsi qu’à ses camarades de la perpétuer, de porter le flambeau de cette culture.

Taos Yettou

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