Autopsie d’une approche

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Le monde rural algérien, déstructuré par la colonisation et marginalisé par une conception du développement centré, au cours des années 1970, sur l’industrie industrialisante et la croissance des villes, a fait l’objet de plusieurs études de vocation sociologique, économique ou simplement administrative (à l’exemple des recensements de la population et de l’habitat). Pierre Bourdieu, Djilal Sari, Ahmed Henni et d’autres spécialistes ont abordé, chacun selon les règles qu’il s’est fixé, des aspects particuliers du monde rural relatifs à l’histoire, à l’économie, à la propriété foncière, à la dépossession et au milieu physique. Cependant, jusqu’à un passé récent, la vision économique a prédominé de façon hégémonique sur l’ensemble du discours produit sur un espace géographique pourtant réputé pour sa complexité. C’est un espace où viennent s’imbriquer les éléments liés à l’histoire, au milieu physique, au mode d’appropriation de l’espace et aux représentations individuelles et collectives. “La pratique humaine est de plus en plus souvent perçue et expliquée à travers le prisme “économique” qui ne tire cette qualification que des chiffres et tableaux qui l’accompagnent. Cette économie est plus comptabilité qu’autre chose. Elle s’auréole du cachet de la science en se dotant de formules et de nombres et se condamne à n’être qu’opérations arithmétiques”, souligne Ahmed Henni dans son ouvrage “La colonisation agraire et le sous-développement en Algérie”.Pour espérer appréhender, sans doute, une partie de cet écheveau et en faire un élément de connaissance dans l’objectif d’asseoir une politique de développement rural, il y a lieu de se pencher sur les outils opératoires et la méthodologie d’approche de ce milieu.C’est dans cette perspective que s’inscrit le dernier livre du professeur Omar Benbekhti intitulé “La stratégie sociale du développement rural” (introduction aux méthodes de l’approche participative) et publié aux éditions Dar El Gharb (Oran-2004).Le professeur Benbekhti est connu pour l’intérêt qu’il porte au thème de la sociologie du développement et des méthodes d’intervention en milieu rural. Enseignant de sociologie à l’université d’Oran, il est expert international et consultant à la Banque mondiale, la FAO et le PNUD. Il travaille à l’élaboration de la stratégie sociale de projets de développement en Afrique et en Asie, particulièrement dans la région Moyen-orient et Afrique du Nord; Ayant déjà publié «Etudes méthodologiques sur l’organisation et l’analyse du travail industriel» (OPU-1986) et «Les Arabes dans l’impasse» (Dar El Gharb-2004), Benbekhti a tenu, dans sa dernière publication, à mettre à la disposition du lecteur la somme des expériences qu’il a accumulées dans l’approche des communautés rurales supposées devoir prendre leur destin en main à partir d’une participation effective au développement de leur espace et à l’amélioration de leurs conditions de vie.Les nouveaux modes d’intervention en milieu rural réservent une place de choix aux populations concernées par les projets de développement pour qu’elles s’impliquent dans toutes les phases de conception, de montage et d’exécution des projets. Les méthodes centralisatrices et rigides qui font fi des choix des populations ont fait leur temps. En Algérie et ailleurs dans le monde, elles ont «réussi l’échec». Combien de projets agricoles, hydrauliques ou d’infrastructures se sont soldés par des pertes sèches juste après leur réalisation par les administrations maîtres de l’ouvrage ? Non impliquées, les populations ciblées se sentent non concernées.De même, la pertinence des choix en matière de projets à installer dans l’arrière-pays montagneux ou steppique peut être grandement facilité et judicieusement orientée quand les habitants ciblés sont associés ; car, quelles que soient la fiabilité technique et l’intention économique des projets considérés, l’étude du`milieu social par le moyen des instruments du diagnostic sociologique tels que développés par le livre de Benbekhti contribuera à mieux appréhender les enjeux, les connexions des divers éléments physiques, économiques et sociaux du milieu rural.Il s’agit réellement d’une nouvelle approche de la communication qui permet d’orienter les projets de développement de façon à ce qu’ils soient pris en charge par les bénéficiaires eux-mêmes de façon à accéder au rang de partenaires viables des pouvoirs publics.L’ouvrage est illustré d’exemples tirés de l’expérience d’un projet cofinancé par la Banque mondiale ayant touché le Tell Occidental algérien et ayant pour intitulé «Projet d’Emploi Rural 1».Ce dernier est étendu à la région centre et centre-ouest de l’Algérie à partir de 2002. Sur le plan de l’impact de tels projets «seule une amélioration des conditions de vie et de revenu donne un sens réel à la notion de développement durable. La mise en valeur des zones de montagne a connu, dans le passé, un impact limité qui n’a pas souvent intégré la dimension sociale, et encore moins la spécificité des pratiques et des traditions de chacun des terroirs, avec la volonté d’introduire de l’innovation», souligne l’auteur.

Amar Naït Messaoud

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