Le raï et la musique orientale sont en train de conquérir ou ont déjà conquis la Kabylie. Dans les bus, comme dans les boutiques ou les marchés des villes et des bourgs, on n’entend que les mélopées des chanteurs libanais ou égyptiens ou alors les rythmes endiablés des chebs. Les tenants de la ’’tradition locale’’ se plaignent : ces chanteurs venus d’ailleurs sont en train de prendre la place des chanteurs du terroir et de là à dire que la chanson kabyle est en danger de mort, il n’ y a qu’un pas, que certains n’hésitent pas à franchir. Y va-t-il de la chanson comme des produits manufacturés ? Faut-il établir des frontières protectionnistes pour préserver le produit local ? Malheureusement pour les tenants du local, la musique, la chanson ne connaissent pas de frontières, et si les jeunes Kabyles écoutent du raï ou de l’oriental, c’est parce que ces musiques leur apportent quelque chose que la musique locale ne leur apporte pas ou ne leur apporte plus. Plutôt que de se lamenter, ne vaut mieux-t-il pas s’interroger sur les causes du désintérêt pour la chanson locale ? Il apparaît déjà qu’à l’exception des ’’grands’’’ comme Aït Manguellet, Idir ou Takfarinas, dont les nouveaux albums sont toujours des évènements, peu d’interprètes font preuve de créativité : beaucoup même ne font que des ’’reprises’’ de chansons connues, très souvent massacrées, ou alors du ’’non-stop’’, encore des reprises, réunies pour les fêtes. Toujours les mêmes rythmes, voire les mêmes refrains. Or, les jeunes Kabyles, comme les autres Algériens, comme les jeunes dans le monde, sont avides de nouveauté et d’imagination. Ils sont constamment à la recherche de modes d’expression qui correspondent à leurs préoccupations, à leurs représentations et à leurs rêves. La musique kabyle, riche d’une longue expérience, est certainement en mesure de s’adapter aux besoins de ses jeunes auditeurs. Ceux-ci, contrairement à ce que l’on croit, sont encore capables de reconnaître et d’apprécier la musique kabyle, mais la bonne…
S. Aït Larba