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Entre feux et déboisement

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Incontestablement, la forêt d’Akfadou est l’une des plus importantes en Afrique du nord. Situé entre Tizi Ouzou et Bgayet, ce massif forestier est un véritable poumon. La générosité de la nature a donné sans compter, mais l’homme perpétue indifférence et ingratitude. Les habitants de ces hauts lieux se souviennent du temps où les bois faisaient vivre. La terre était la seule source de vie. Et tout le monde s’adonnait aux métiers ruraux, c’était un autre temps, bien sûr. Pendant la guerre de libération, «la forêt d’Akfadou était un fief pour les moudjahidine», pour reprendre le grand chanteur kabyle Matoub Lounès. Maintenant, les mythes de ces collines oubliées ne sont plus à évoquer, ou presque, le spectre des mauvais jours impose ses lois, des lois très rudes. Durant toute l’année, la déforestation ne connaît point de pause ni de répit, c’est un phénomène sans fin. Avant, les gens se contentaient des haches et autres moyens rudimentaires pour avoir le bois, actuellement les tronconneuses ont pris place. Désormais la technologie est au service du déboisement et de la destruction. Chaque jour que Dieu fait, des centaines d’arbres tombent comme de petits jouets du côté de Tizi Ouzou, comme de Bgayet. Les «destructeurs» marquent de leur forte présence le pays des chemins qui montent. Couper du bois est un métier, beaucoup de personnes se livrent à l’abattage quotidiennement. Lorsque le chômage atteint son paroxysme, tous les chemins sont envisageables. Un citoyen qui se sent délaissé dans le pays qui l’a vu naître ne peut faire trop de calculs. Tout le monde est au courant du danger de la déforestation.Cependant, lorsque la survie n’est plus supportable, devenir machiavélique est une réalité incontournable. «Je sais bien que je fais du mal en coupant les arbres. Des fois, je fais tomber deux charges de tracteur par jour. Vous savez, avec la tronconneuse, c’est un jeu d’enfant. Notre travail est nocturne et les dangers auxquels nous faisons face sont énormes. Mais c’est notre pain, que voulez-vous qu’on fasse ? Je suis prêt à renoncer à ce sale métier, mais on doit m’assurer un job pour vivre dignement» estime un jeune de la région. «Les gens ne cessent de parler de nous comme des délinquants ou des bandits. Je vous assure qu’ils se trompent. Ce n’est pas correct de bousiller les arbres, mais ce n’est pas juste de laisser des personnes crever de faim», enchaîne notre interlocuteur. Outre le feuilleton du déboisement, il y a les feux de forêt. Dès l’avènement de la chaleur, les incendies ne ratent guère le rendez-vous, ainsi le massif forestier d’Akfadou se retrouve dans une situation critique. Celui qui visitera les lieux constatera les ravages. L’année passée, un incendie a failli atteindre le village Mezouara, heureusement que la mobilisation des citoyens a eu raison des flammes. Cette année, l’été n’est qu’à son début mais plusieurs feux sont déjà enregistrés. Comme la forêt d’Akfadou semble être au bout du monde, les pompiers n’arrivent que lentement. «Pourquoi les autorités n’ont-t elles pas placé de Protection civile juste à côté ?», se demande-t-on. Peut-être que préserver la nature n’est pas encore une priorité pour ceux qui sont censés le faire. Laisser une aussi grande forêt à la merci des flammes et des tronçonneuses est une manière de participer directement à la déforestation dévastatrice. Il faut se persuader que le devenir de la nature est aussi le nôtre.

Mohand Chérif Zirem

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