La vie monotone des retraités

Partager

À la faveur de leur sortie en retraite, les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses à hanter les rues de la ville, devenues, avec les cafés, leurs seuls lieux de rencontre. Aucun local ni structure pouvant les réunir n’existe dans la région. Le point de chute des habitants de Michelet demeure, comme autrefois, les cafés maures. N’ayant plus la force de travailler dans les champs, les centaines de personnes qui convergent chaque matin vers le chef-lieu de la commune ne peuvent faire l’impasse sur ces établissements de plus en plus nombreux à devenir des lieux de rendez-vous.

La vie de Da Lounis, un retraité de 75 ans, est rythmée depuis plusieurs années. Chaque matin, il se rend à la plateforme du village pour prendre un fourgon de transport qui le mènera à Michelet-ville, à trois kilomètres de chez lui. Comme tous les jours, il retrouvera ses compagnons des villages voisins à la place du centre. C’est là que tous les vieux se rencontrent et se partagent les derniers potins. Ils sont les mieux informés de la région, mieux que n’importe quelle gazette. Ils ne ratent aucun événement, et surtout pas les décès.

Par groupes, ils prennent des fourgons pour aller présenter leurs condoléances aux familles des défunts de la région. Parfois ils se déplacent jusqu’aux villages aussi éloignés que ceux des communes d’Iferhounène et d’ailleurs. C’est l’une des premières occupations de la journée pour passer le temps. Les cafés qu’ils iront prendre au retour sont à la charge des plus nantis, généralement des pensionnés de France qui n’hésitent pas à sortir le portefeuille.

Hormis les chômeurs, les personnes âgées représentent le gros des occupants de la ville avant midi. Les autres, sans travail ni aucune autre occupation, vadrouillent à longueur de journée, allant d’un point à un autre en attendant que leurs amis les rejoignent à leur point de chute habituel. Ils ont, avec le temps, chacun un lieu de ralliement, une sorte de Tajmaat citadine.

Certains prennent possession du trottoir où une sorte de banc en ciment leur permet de s’asseoir, d’autres s’abandonnent sur les quelques bancs de la place du 17 septembre en attendant que le temps passe. Cependant, les plus nombreux s’alignent comme sur des gradins d’un théâtre de plein air, sur les marches d’escalier menant du centre-ville au centre culturel Matoub Lounes. Cette tribune est le lieu privilégié de vieux intellectuels dont la plupart arrivent avec deux ou trois quotidiens qui leur permettront de passer le temps tout en allant aux nouvelles. Ils sont si nombreux qu’il est difficile de se frayer un passage pour accéder à la rue d’en haut.

Ayant une vue sur le centre de la place, ils ne ratent rien des mouvements de la foule. «C’est mieux que de s’enfermer dans un café», disent certains alors que d’autres avouent «c’est tout ce que l’on a». Tout ce manège diminuera au fur et à mesure que l’heure du déjeuner arrive. Chacun repartira, les emplettes à la main, vers le point de départ du matin où un autre programme l’attend dans l’après-midi au niveau de Tajmaat du village. Ils y resteront jusqu’au diner.

A.O. T

Partager