C’est en 1999 que la décision de réaliser un mémorial en hommage aux colonels de
l’ex-commune mixte de Draâ El Mizan, en l’occurrence Krim Belkacem, Ali Mellah, Amar Ouamrane, Mohamed Zamoum et Slimane Dehilès, fut prise. Dans la foulée, la première pierre a été posée dans un terrain jouxtant le cimetière chrétien. D’ailleurs, même une esquisse de ce que devrait être ce monument a été réalisée par un bureau d’études. Il s’agit d’une grande stèle portant dans chacune de ses façades le portrait en bronze de chaque colonel, en plus d’un musée, une salle de conférences, une cafétéria et d’autres espaces. Quelques années plus tard, le projet a été lancé dans un terrain à l’intérieur de l’ex-domaine agricole Aïssat Idir.
Certes, la première phase, à savoir la stèle, a été réalisée, mais depuis 2007, seule la clôture a été faite avec une bagatelle de plus de 300 millions de centimes. Et depuis 2013, aucune autre opération n’a suivi. D’ailleurs, cela soulevait à chaque occasion le courroux de la famille révolutionnaire. «Ils sont en train de se moquer non seulement de nous mais de ces héros. Comment se fait-il qu’au lieu de relancer le projet, les autorités n’ont pas trouvé mieux que de coller les portraits de ces valeureux colonels sur le mur d’enceinte du lycée Saïd Hamdani ? Ils les ont tués une seconde fois. Vraiment, c’est une supercherie», a déploré un fils de chahid au lendemain de l’inauguration de ces portraits.
De son vivant, le défunt Ali Yabadène, président de l’ONM locale, avait souvent dénoncé l’abandon de ce mémorial. «S’il est vrai que l’endroit où est lancé le projet est hautement historique, parce qu’il y avait un centre de torture, il est quand même condamnable de cacher ces héros dans un endroit aussi retranché. Il fallait au moins garder le premier site ou bien implanter ce monument au milieu du jardin du centre-ville à proximité de la Sûreté de daïra. Heureux les martyrs qui n’ont rien vu !», disait-il de son vivant. Aujourd’hui, non seulement le projet est pratiquement à l’abandon mais l’endroit est très fréquenté par les laissés-pour-compte. Il suffit d’y faire une virée pour découvrir des tas de canettes et autres détritus jonchant ses alentours.
«C’est regrettable de voir le sort réservé à un tel projet qui a déjà englouti plusieurs millions de centimes. N’y a-t-il pas des hommes qui aiment leur pays et leur région pour s’élever contre cet oubli ?», s’est interrogé un citoyen de la région vivant à l’étranger, en visite sur les lieux. Cet émigré avait même suggéré qu’une quête soit lancée aussi bien dans la région et même à l’étranger pour poursuivre cette œuvre, afin de rendre un hommage à la hauteur de la grandeur de ces grands hommes. Il est regrettable qu’au jour d’aujourd’hui, personne ne parle de ce projet.
Il est mis aux calendes grecques. «À quand la relance de ce projet en hommage à ces valeureux héros qui sont la fierté non seulement de la Wilaya III historique mais aussi de toute l’Algérie ?», s’est demandé un ancien maquisard, qui ne se reconnaît pas dans cette organisation. Il est à signaler, au passage, que même la maison natale de Krim Belkacem, transformée en musée, est dans un état déplorable, alors que le mémorial en hommage à Ali Mellah, à Tizi Ghennif, est complètement abandonné à tel point que même la stèle portant la liste des martyrs de la daïra risque de s’écrouler, vu son état. C’est dire que ces lieux hautement historiques ne sont jamais pris en charge, a-t-on fait remarquer. Par ailleurs, à Draâ El Mizan, la stèle du centre-ville dite «1er novembre 1954», détruite par un camion de gros tonnage en 2007, n’est toujours pas reconstruite en dépit de toutes les démarches faites par l’ex-président de l’ONM locale.
Amar Ouramdane