«L’État est totalement absent»

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À l’occasion de la Journée mondiale de l’autisme, coïncidant avec le 2 avril, Fayçal Naït Bouda, membre fondateur et trésorier général de l’association de prise en charge des enfants autistes (APECA) de Béjaïa, président du bureau de wilaya de l’association nationale de l’autisme en Algérie (ANAA), secrétaire général de cette même association nationale et père d’un enfant autiste scolarisé en 5e année primaire, parle dans cet entretien de la célébration de cette journée et des difficultés que rencontrent les parents d’enfants autistes.

La Dépêche de Kabylie : Que représente pour vous, en tant que fondateur de l’association de prise en charge des enfants autistes et parent d’enfant autiste, cette journée du 2 avril ?

Fayçal Naït Bouda: Le 2 avril, Journée mondiale de sensibilisation sur l’autisme, c’est un peu une halte pour dresser un bilan de ce qui a été fait pour les enfants autistes en général et voir ce qui reste à faire. En tant que parent d’enfant autiste, cette journée est un peu un rappel de ce que j’ai vécu, du chemin parcouru et de ce que je vis au quotidien. Donc, la Journée mondiale de l’autisme, c’est une étape pour dresser les bilans et tracer des perspectives.

Quel est le nombre d’enfants pris en charge par votre association ?

Les enfants autistes pris en charge régulièrement par le centre principal de Nacéria et par l’annexe d’Iheddaden sont au nombre de 80 environ. Ils viennent pour 4 à 6 heures par semaine et sont suivis par une quinzaine d’intervenants, dont des psychologues et des éducatrices qui ont des contrats soit avec l’association qui a un statut d’employeur, soit avec la DAS. Il y a aussi un suivi pour d’autres autistes qui sont scolarisés dans les écoles primaires. Ces derniers sont suivis par leurs AVS (Auxiliaires de vie scolaire) et viennent pour une heure ou deux par semaine. Au niveau de la wilaya, il y a approximativement une centaines d’enfants autistes scolarisés.

Quel est le but de cette journée ?

Cette journée sert à sensibiliser les parents et la société en général sur l’autisme. C’est l’occasion pour nous d’intervenir dans les médias et d’organiser des journées portes ouvertes sur l’autisme. Donc, elle sert à faire connaitre l’autisme à ceux qui ne le connaissent pas ou qui le connaissent mal. Parce que l’autiste est appelé à vivre dans la société et les autres doivent le connaître aussi et le comprendre. Cette journée c’est aussi une occasion pour les parents d’enfants autistes de se rencontrer, de se connaitre, de discuter et d’échanger leurs expériences respectives en matière de comportement d’enfants autistes.

Donc, la célébration de cette journée est une forme de portes ouvertes sur l’autisme ?

Exactement ! D’ailleurs, cette journée, il y a deux ans, était célébrée sous forme stands à la maison de la culture. Maintenant les parents d’autistes, les autorités et le public se rencontrent au siège de l’association de prise en charge des enfants autistes (APCEA). Et c’est mieux ainsi. Cela permet aux visiteurs de voir le siège de l’association, les conditions réelles dans lesquelles travaillent les membres de l’association. Et notre objectif est d’attirer l’attention des autorités sur cette frange de la société, en leur montrant ce que font les associations. Elles ouvrent des centres à leurs frais, ce qui prouve l’absence de l’État dans ce domaine.

Quels sont les problèmes auxquels font face les autistes et leurs parents ?

Les enfants autistes font souvent face à l’école, dans la rue et même au sein de leurs familles à l’incompréhension et au rejet des autres.

Ils le perçoivent à leur manière et sans doute de façon très douloureuse. Mais ce sont surtout les parents qui en souffrent le plus, car ils vivent au quotidien les difficultés d’acceptation de leurs enfants. Cela dit, il y a tout de même beaucoup d’avancées qui ont été réalisées ces dernières années, mais il reste énormément de choses à faire que ce soit sur le plan de prise en charge matérielle ou psychologique. Les parents doivent accepter leur enfant autiste tel qu’il est et ne pas chercher à lui changer de nature. Il faut tout le temps positiver. D’ailleurs, l’un des objectifs de l’association est de sensibiliser les parents dans ce sens. Sur le plan scolaire, à Béjaïa, c’est vrai qu’il y a beaucoup d’avancées, mais il reste quand même beaucoup de choses à faire comme créer des échanges avec la famille de l’éducation que composent les enseignants, les directeurs d’école et les inspecteurs.

Quelles sont les démarches à entreprendre pour sensibiliser davantage les autorités sur les enfants autistes ?

On essaie justement à l’occasion des journées comme celle-ci de les inviter pour les sensibiliser sur les problèmes des autistes. On les invite à constater de visu les conditions dans lesquelles travaillent les associations. On leur montre aussi comment ces associations sont gérées. Il y a aussi un volet important dont il faut parler : la formation. La formation des AVS (auxiliaires de vie scolaire), du personnel éducatif et même des parents. Ce qui nécessite beaucoup d’investissements. Il y a aussi le financement des experts en autisme que l’on fait venir parfois de l’étranger. Tout cela est un message aux autorités pour qu’elles nous aident, car si on ne dispose pas de personnel formé, on risque de compliquer encore plus la vie des autistes.

En quoi consiste justement le programme de cette journée de sensibilisation ?

La matinée est consacrée aux portes ouvertes pour les familles d’autistes et au grand public qui est d’ailleurs invité à visiter le centre, à voir les activités que l’on pratique tant sur le plan éducatif que sur le psychomoteur, à discuter avec le personnel éducatif pour se faire une idée de ce qu’est l’autisme. L’après-midi est réservé à la réception des autorités notamment le DAAS, dont nous attendons beaucoup, et les élus locaux.

Entretien réalisé par B Mouhoub.

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