Après avoir vécu plus d’un trimestre d’accalmie, l’euro repart à la hausse, à la faveur des vacances de fin d’année. Les cambistes se retrouvent désormais revigorés par la vitalité retrouvée de la bourse parallèle de la devise étrangère qui reprend sa courbe ascensionniste. Jeudi dernier, l’euro s’échangeait à 240 dinars l’unité dans la place de Tizi Ouzou.
À vrai dire, le regain en valeur de la monnaie européenne date de la semaine dernière suite à une hausse subite de la demande. Même le billet vert a pris un peu de couleurs, puisqu’il gagne 4 points pour s’échanger à 184 dinars pour un dollars à la vente contre 182 dinars à l’achat, après qu’il a stagné à 180 DA/1$. Il faut dire que les Algériens, notamment les jeunes, sont réinvestis par l’idée de voyager, d’une façon légale ou clandestine, vers «des cieux plus dégagés», après avoir suspendu ce «rêve» plusieurs mois durant.
Les évènements politiques et sociaux du pays de ces dix derniers mois ont été pour beaucoup dans l’attentisme de ceux qui rêvent d’un ailleurs. «Je ne peux pas vous indiquer avec exactitude le profil des acheteurs, ils sont certes jeunes pour la plupart, mais ils n’ont aucunement le profil d’hommes d’affaires ou de nos acheteurs habituels», nous a confié un cambiste de la place de Tizi-Ouzou. Ce dernier finira par avouer que «certains visages d’acheteurs indiquent qu’ils sont des jeunes qui envisagent de quitter le pays, tandis que d’autres, ce sont de jeunes personnes auxquelles nous nous sommes habitués en pareille période de l’année, ce sont des hommes et des femmes qui vont fêter le nouvel an à l’étranger».
Les achats ne se font pas pour autant en grosses liasses, témoigne un autre cambiste, qui souligne que «cette époque-là semble révolue avec la crise que nous vivons.» «Il n’y a plus d’acheteurs qui commandent à l’avance de grosse sommes en euros ou en dollars pour payer leurs importations», regrette-t-il. Néanmoins, et en dépit de cette hausse de la valeur de la monnaie unique européenne, l’attentisme des importateurs et propriétaires des unités de fabrication ou de montage fait grimper le stress des cambistes.
La stabilité dans laquelle s’est confiné le marché parallèle de la devise, quatre mois durant, a fait reculer le chiffre d’affaires de plusieurs cambistes et en a poussé certains à geler leur activité. «J’ai cessé l’activité il y a près d’un mois, ça n’évolue plus. Tout n’est pas clair pour les mois à venir, excepté ce mois-ci qui coïncide avec les vacances de fin d’année», nous dira un autre cambiste installé dans cette activité depuis plusieurs années déjà.
En fin connaisseur, il avoue que «l’instabilité du pays et la non clarté des décisions que le gouvernement prend à propos des importations n’augurent rien de positif pour cette activité, bien que les décideurs sachent pertinemment qu’ils ne peuvent pas se passer du marché parallèle pour garantir la disponibilité de la monnaie étrangère aux Algériens et aux expatriés». Ayant pignon sur rue, Nacer a quitté «la bourse de l’euro». N’empêche, il ne cesse d’être sollicité par «des clients» qui espèrent trouver dans ses tiroirs quelques billets européens. Sa décision de mettre fin à cette activité a été prise le mois dernier en pleine période de stagnation des valeurs. «Je suis désolé pour vous, j’ai cessé d’acheter et de vendre, les temps sont vraiment instables et incertains», a-t-il répondu à ses «clients».
Certains ne veulent pas le croire, lui qui s’est fait un nom sur la place pour son «sérieux» et sa «disponibilité», d’après le témoignage de ceux qui l’ont sollicité pour un change. Les saisies des sommes d’argent en monnaies étrangères qui se sont multipliées ces derniers mois au niveau des postes-frontières a aussi dissuadé bon nombre de personnes de voyager avec des sommes supérieures à ce qui est toléré, explique encore Nacer, c’est pourquoi, poursuit-il, la demande a fléchi, bien que ces derniers jours elle se soit revigorée par les fêtes de fin d’année. Même constat d’Ahmed, appelé affectueusement Hidouche, un autre ancien cambiste dans un quartier à l’Est de la ville de Tizi Ouzou.
«Nous avons vécu plus de trois mois de stagnation du marché. Les gens n’achetaient que d’infimes quantités, mais ces jours-ci, la demande reprend, timidement certes, mais cela a permis à l’euro de gagner quelques points». L’éclipse des «gros acheteurs» depuis l’été dernier est la raison principale ayant maintenu la valeur de la devise étrangère dans sa courbe droite, avant que celle-ci n’amorce, de nouveau, la tendance haussière. «Si ce n’était ceux qui voyagent en touristes pour les vacances de fin d’année et la dernière vague d’émigrants vers les USA dans le cadre de la Green carde, l’euro aurait peut-être fait un piquet», analyse encore Hidouche.
Sur la place de la devise au centre-ville de Tizi Ouzou, les cambistes ne cachaient pas leur satisfecit. Les mouvements habituels de ces cambistes, qui font des va-et-vient, tenant de grosses liasses de billets dans leurs mains, ont réapparu comme par enchantement. C’est que les habitudes prises dans cette place, dite «place de l’euro», avaient bien ralenti sous la pression des quatre mois d’inaction boursière.
M. A. T.