La vision de l’absurde et le rocher de Sisyphe

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En ces temps de la technologie avancée réduisant les délais et les distances, faisant focaliser les intérêts sur l’argent et son corollaire obligé la matière, l’on peut légitimement se poser la question de savoir s’il reste encore de l’espace et surtout du temps pour la poésie. Tout est relatif, nous rétorquera-t-on. Des questions d’égale ampleur ont été soulevées lors de l’inauguration des chemins de fer en Europe au début du 19e siècle et après les premières images cinématographiques au début du siècle suivant.

Les problèmes de l’homme se déplacent, changent de couleur et d’apparence, mais ne disparaissent jamais. Les mêmes questionnements métaphysiques, les mêmes angoisses existentielles et presque aussi les mêmes soucis domestiques taraudent l’esprit des hommes jusqu’au dernier souffle. La poésie a bien pris en charge les préoccupations de l’humanité en matière d’expression et d’extériorisation et ce depuis l’inénarrable épopée de l’Indus, le Mahabharata, le plus ancien et le plus long poème que l’humanité ait produit.

«Sans cesse, on proclame la mort de la poésie, pour s’apercevoir un peu plus tard qu’elle est toujours de ce monde, présente au monde. Quand Georges Brassens disparaît, à l’automne de 1981, les journaux titrent ‘’le dernier poète’’, et s’il est vrai que la chanson est bien l’un des refuges de la poésie, il serait faux de vouloir en faire son unique bastion. Elle est certes une poésie populaire et parfois le mode d’accès à la poésie tout court, elle n’est pas toute la poésie. Et rien ne permet d’affirmer que le relatif effacement de celle-ci auprès du public (ou des médias ?) soit la marque d’un déclin définitif. Il s’agit, en tout cas, beaucoup plus d’un phénomène de consommation que d’un phénomène de production, et la qualité des textes poétiques de cette période ne le cède en rien à celle des époques précédentes », écrivent Bruno Vercier et Jacques Lecarme dans ‘’La Littérature en France depuis 1968’’, (éditions Bordas-1982).

La poésie française moderne a connu une évolution fulgurante qui l’a fait passer de la forme rigide et canonique du 19e siècle à l’allure libre et expressive des années 1970. Du romantisme lamartinien à la gouaille de Jacques Prévert, le chemin emprunté par la poésie française est jalonné par des innovations majeures comme celle du Parnasse ou du surréalisme. André Breton, Paul Eluard, Louis Aragon,…ont révolutionné l’écriture poétique par des formes nouvelles empruntées à la psychologie et à la tentation révolutionnaire. Les deux guerres mondiales ont également influé d’une façon décisive sur le cours qu’allait prendre l’art poétique. Il n’en demeure pas moins que des formes classiques, plus ou moins orthodoxes, mais à la hauteur des grandes préoccupations du monde, ont continué à marquer le champ poétique moderne. Saint-John Perse, Pierre Emmanuel, René Char ont marqué d’une empreinte indélébile le dernier quart du 20e siècle par des œuvres poétiques majeures. Léopold Sedar Senghor et Mohamed Dib ont magistralement représenté la nouvelle poésie francophone hors de l’Hexagone. Jean Tardieu, Philippe Jaccottet, Jean Cayrol et André Frénaud ont donné à la poésie française des dernières décennies ses lettres de noblesse.

La ‘’question de l’être’’ d’André Frènaud

Francis Wybrands dira de Frénaud : «L’acte poétique s’élabore au sein d’une matière vocale qui a pour tâche de donner forme- hors de tout projet idéologiquement formulable- à une interrogation qui concerne les rapports fondamentaux de l’homme au monde. La question de l’être n’est pas ici une question extérieure à l’écriture poétique. Elle en est l’âme, l’inquiétude».

Né le 26 juillet 1907 à Montceau-les-Mines, André Frénaud a fait des études en droit. Il se voyait sociologue ou écrivain ; il sera poète. Il fera des voyages en ex-URSS, en Italie et en Espagne et exercera au sein du ministère des Travaux publics de 1937 à 1967. Pendant la seconde Guerre mondiale, il se retrouvera prisonnier en Allemagne pendant deux ans. C’esr dans un pénitencier qu’il écrit son recueil de poèmes ‘’Les Rois mages’’. Après son évasion, il rejoint la Résistance. C’est là qu’il rencontre Paul Eluard et Louis Aragon dont la tendance poétique l’influencera très superficiellement. Il gardera, dans ses compositions ultérieures, le sens de la rigueur et le poids de la raison tout en donnant libre cours à un imaginaire débordant.

‘’Grand corps étendu incertain,

De si loin je te vois

Par-delà les corbeaux et la cendre.

La grande plaine oblongue

Et les profonds herbages,

Les hauteurs de tes hanches

Où perle un gentil ruissellement de l’eau,

Montagne aimée des abeilles et du vent

De mon souffle mort, recomposé autour de toi

Pour pénétrer par la bouche entrouverte.’’

André Frénaud fait connaissance aussi avec les grands artistes de son époque dont certains pousseront l’amitié jusqu’à illustrer certains de ses ouvrages : Mir&oacute,; Tàpies, Chillida, Vieira da Silva, Bazaine, Ubac,…

«Le futur mutiné prenait d’abord racine dans un épais terreau de traditions, d’imageries et de romanesque populaire. Un certain côté ‘’artisan’’ n’est pas étranger à notre poète quand il travaille le langage comme d’autres le bois et la pierre, et ce n’est pas sans fierté qu’il parle de ses ancêtres charpentiers. Monde émerveillé et redoutable de l’enfance. Tout le poète est là déjà tous ses mystères, toutes ses chances et tous ses risques, tout ce qui lui faudra plus tard si difficilement rechercher, retrouver, regagner, tout ce qu’il appellera furieusement ou tendrement, et tout ce qu’il est condamné à laisser fuir », dira de lui Georges Emmanuel Clancier dans une biographie parue en 1963 chez Seghers. S’il guette en lui-même, le poète parvenu à l’âge de raison (ou de déraison), en deçà des ennuis, des êtres rencontrés ou perdus, des événements, il peut découvrir, sous son visage, ses gestes, ses impulsions d’enfant, ce qu’il parvient à peine, après tant de combats, à déchiffrer de sa propre énigme. Ainsi, Frénaud a-t-il regardé son enfance, et la vie de cet enfant qu’il nous présente épouse les élans et les retraits, les bonheurs et les angoisses que nous rencontrerons plus tard dans ses poèmes.

Le néant et le paradis

D’une part le goût et la crainte- devenu avec le temps enfui- une nostalgie où se révèle une stricte volonté humaine ; d’autre part, l’inimitié foncière du monde, la frayeur et l’inhabileté de l’enfant (puis du poète) qui se sent à la fois perdu dans ce monde et mis en cause par lui, on peut les lire dans (et surtout entre) ces lignes : ‘’les arbres bien taillés en ce temps-là et tout était si haut et si distant l’un de l’autre que je ne pouvais avancer qu’en tremblant d’un recoin végétal à l’ombre d’un mur…’’.

‘’Je comble l’inconnue qui me donne naissance.

Je la suis. Me voici devenu

Ce lent arbre violent

Où je m’épanouis à l’ombre verdissante

Et multiplie le jour alentour et le vent.

Le boulevard s’ébat de la métamorphose,

Le bourgeon gonfle le printemps.

(…) celle que j’aime a les yeux plus tendres,

Celle-ci, derrière sa chevelure,

J’entends rire en moi un frais ravage.’’

Avec un sens aigu de la lucidité Frénaud explore les profondeurs de l’être où se mêlent l’espoir et le néant, la fougue et la déréliction humaine. ‘’Il y a aussi dans cette poésie des accents rudes et vigoureux qui contribuent à incarner dans du concret un lyrisme cependant métaphysique’’, juge le professeur Henri Lemaître. Il ajoute : ‘’Sans doute, dans son paradoxe profond, une des voix les plus singulières et les moins conformistes de la poésie contemporaine’’.

‘’Je ne peux entendre la musique de l’être

Je n’ai reçu le pouvoir de l’imaginer

Mon amour s’alimente à un non-amour

Je n’avance qu’attisé par son refus

Je m’emporte dans ses grands bras de rien

Son silence me sépare de la vie.

Être sereinement que j’assiège

Quand enfin je vais l’atteindre dans les yeux

Sa flamme a déjà creusé les miens m’a fait cendres

Qu’importe après le murmure misérable du poème

C’est néant cela non le paradis’’

Avec André Frénaud, nous retrouvons le mot juste, la phrase amoureusement ciselée, l’élan poétique qui fait défaut dans la vie effrénée que nous menons. En nous montrant les profondeurs de l’être, faites d’innocence perdue et de repentir inassumé d’idéal folâtre et de feu inabouti, il désigne pour nous le néant des origines et les figures éthérées de l’idéal qui sustente notre attachement à la vie.

André Frénaud a reçu en 1985 le Prix national de la poésie pour l’ensemble de son œuvre. Il meurt en 1993.

‘’Communiquer quelque chose qui n’est pas communicable’’

Qui mieux que Frantz Kafka peut incarner les angoisses du monde actuel ? Disparu trop tôt à l’âge 41 ans, il est, à juste titre, considéré comme l’un des grands philosophes de l’absurde bien que ce concept ne fît son apparition qu’au milieu du 20e siècle et que Kafka n’ait écrit que des œuvres littéraires loin de la formalisation canonique d’une discipline comme la philosophie. En cela, il est quelque part, le précurseur d’Albert Camus dont la pièce ‘’Caligula’’ nous plonge dans un monde aussi angoissant qu’angoissé comme il annonce aussi l’ambiance étrange de ‘’La Nausée’’ de Sartre.

« Je tente toujours de communiquer quelque chose qui n’est pas communicable, et d’expliquer quelque chose qui n’est pas explicable », écrivait-il. A force de faire partie de notre univers, l’absurde finit par faire corps avec notre corps. Il est ‘’reconnu, accepté l’homme s’y résigne et, dès cet instant, nous savons qu’il n’est plus l’absurde’’, note Camus.

Né en 1924 à Prague, Frantz Kafka est issu de la bourgeoisie commerçante juive germanisée, vivant au sein d’une population thèque sous la domination de l’Empire austro-hongrois. Il fut marqué par ce triple héritage culturel. Bien qu’il s’élevât contre la rigidité de certaines traditions juives, il se délectera de la littérature yiddish (germano-hébraïque), de la Bible et des textes religieux hassidiques. Il se montrera aussi intéressé par le mouvement sioniste qui a commencé à prendre de l’ampleur à la fin du 19e siècle par l’installation des premières colonies juives en Palestine. De l’héritage de l’Europe moderne, il a apprécié les auteurs russes comme Dostoïevski et les mouvements socialistes et anarchistes et il a profondément plongé dans la culture et la littérature germaniques.

« Enrichissante, cette situation fut aussi pour Kafka profondément troublante : elle rendit plus aigu le sentiment de sa différence et presque impossible une véritable intégration dans un des milieux pragois. Mais l’existence de Kafka était menacée par une insécurité plus originelle et plus profonde qui pesa sur lui depuis son enfance. Toute sa vie, en effet, fut dominée par le conflit qui l’opposa à son père, comme en témoigne ‘’La Lettre au père’’ écrite en 1919 mais jamais envoyée. Réaliste, incarnant ‘’la force, la santé l’appétit, le contentement de soi, le sentiment d’être supérieur au monde’’, cet homme ne pouvait ni comprendre ni approuver le tempérament inquiet, vulnérable, épris de justice de son fils, moins encore son génie littéraire », écrit de lui Anne-Françoise Nessman.

Tensions et âme blessée d’une jeunesse troublée

Véritable document biographique et synthèse des réflexions de Kafka sur le sujet de l’éducation, ‘’La Lettre au père’’ nous en apprend sur le personnage autant, sinon mieux que les écrits de pure fiction de l’auteur lui-même. La lettre fut écrite en 1919, c’est-à-dire à l’âge de trente-six ans, ce qui montre l’importance du message qu’il a bien voulu faire passer et des répercussions profondes de la relation problématique qu’il avait entretenue avec son père : ‘’Tu as pris à mes yeux ce caractère énigmatique qu’ont les tyrans dont le droit ne se fonde pas sur la réflexion, mais sur leur propre personne (…)Tu ne peux traiter un enfant que selon ta nature, c’est-à-dire en recourant à la force, au bruit, à la colère (…) Par ta faute, j’ai perdu toute confiance en moi, j’avais gagné en échange un infini sentiment de culpabilité’’.

Privé de tout appui, de tout conseil réel, frustré de sa singularité Kafka garda toujours le sentiment d’avoir été élevé dans la plus totale méfiance à l’égard de lui-même, dans une culpabilité permanente qui menaçait jusqu’à sa liberté intérieure. Cet être de faible constitution physique et psychique, sujet aux maux de tête et aux insomnies bien avant d’être atteint de tuberculose, cet être qui ne put s’affranchir totalement de la tutelle et de l’image paternelle tenta désespérément de lutter contre tout ce qui pouvait le dominer, l’asservir, mais ce fut au prix d’une solitude de plus en plus complète, d’une rupture toujours plus grande entre son moi intime, sa vie intérieure et le monde indéchiffrable, hostile, les autres.

Entré à six ans à l’école primaire allemande, Kafka en sort à seize ans pour faire ses humanités classiques dans un lycée allemand. Dans cet univers studieux où sont enseignés le grec, le latin et la littérature allemande, le jeune Kafka se sent quelque part à l’étroit par rapport à son tempérament et à ses ambitions. La rencontre avec son camarade Oscar Pollak sera d’un grand intérêt pour lui puisqu’elle lui permettra de s’extérioriser quelque peu, lui le garçon timide et effacé.

C’est vers 1997/98 que Kafka commence à écrire. Ses premiers manuscrits furent détruits. Son ‘’Journal’’ signale l’état d’esprit dans lequel il composait ses premiers essais.

Au cours des dernières années du lycée, il a essayé de se débarrasser du mythe du judaïsme par lequel il fut élevé. Il se fait d’autres guides spirituels en lisant par exemple Darwin et en s’attachant à certains idéaux socialistes.

Il s’inscrit pour…15 jours en spécialité Chimie pour se consacrer au droit. Au bout d’un semestre, il optera pour la littérature allemande dont le module était assuré par le professeur Auguste Sauer. Déçu par cette branche, il retournera, sans grand enthousiasme, au droit d’une façon définitive après s’être inscrit sans suite à l’université de Munich.

A l’université de Prague, Kafka fréquente les théâtres, suit des conférences, participe aux activités de divers cercles, notamment du ‘’Cercle du Louvre’’. Là il prend part aux discussions philosophiques avec les disciples de Brentano dont l’influence sur sa pensée est certaine. Il fréquentait assidûment le ‘’Cercle culturel des étudiants allemands’’ où il fera une connaissance dont la fidélité demeurera jusqu’à la mort et même au-delà puisque Max Brod- après avoir encouragé son ami, chez qui il découvre génie et talent, à continuer d’écrire et à conserver ses écrits- publiera après la mort de Kafka les derniers romans de celui-ci à titre posthume : ‘’L’Amérique’’, ‘’Le Procès’’ et ‘’Le Château’’, trois œuvres adaptées plus tard à la scène et au théâtre.

Malheureusement, les écrits de jeunesse de Kafka- ceux qu’il réalisa pendant ses années de lycée- ne sont pas conservés. C’est lui-même qui les a détruits.

En 1906, alors qu’il avait vingt-trois ans, il obtint son doctorat en droit.

Existence double et tentation de folie

Après avoir travaillé comme rédacteur, pendant quelques mois, chez son oncle Richard Lowy, avocat, il accomplit un stage obligatoire pendant un an auprès des tribunaux civils et correctionnels. Les premiers écrits de Kafka qui ont pu être conservés seraient rédigés pendant cette période : ‘’Description d’un combat’’ et ‘’Préparatifs de noce à la campagne’’. Il a formé le projet de voyager en Amérique pour trouver un métier qui lui convienne, c’est-à-dire qui lui laisse du temps pour l’écriture loin de Prague. Il se résout, pour vivre, à rejoindre les Assurances Générales à Prague. Son emploi du temps est trop chargé pour qu’il puisse s’adonner à sa passion, la littérature. Il changera de compagnie pour atterrir dans une boite semi-publique, ‘’Assurance ouvrière contre les accidents de travail’’, où il travaillera de huit heures à quatorze heures, ce qui lui laisse quelque marge pour la rédaction de ses manuscrits.

Ayant accédé à un poste de responsabilité dans cette compagnie, il se fera beaucoup de connaissances et il s’emploiera à étudier les cas des ouvriers accidentés pour les intégrer dans son univers romanesque à l’exemple de ‘’L’Amérique’’. L’organisation de l’administration et les réflexes bureaucratiques sous lesquels il a eu à souffrir trouveront leur place dans ‘’Le Château’’. Surmené par le travail de bureau auquel il ajoute des nuits blanches consacrées à l’écriture, il se révolte contre ce rythme oppressant. Seules ses relations avec son directeur, Isak Lowy, la fréquentation des milieux littéraires pragois et la découverte de la littérature yiddish, qui le replonge dans ses premières racines, ont pu le soulager et lui faire supporter le poids d’un machinal et froid fonctionnariat.

« Le temps du bureau ne se laisse pas partager ; le poids de ces huit heures, on le sent encore autant à la dernière demi-heure qu’à la première. Mon bonheur, mes capacités et toutes mes possibilités d’être utile à quelque chose résident depuis toujours dans la littérature (…) Je suis complètement surmené. Pas par le bureau, mais par mon travail d’un autre ordre. Le bureau a, envers moi, les exigences les plus claires et les plus fondées. Simplement, c’est là pour moi une existence double et terrible à laquelle il n’y a probablement pas d’autre issue que la folie’’ (in ‘’Le Journal’’).

A partir de 1912, Kafka s’enferme dans un isolement qui le coupe du reste du monde, dans une ‘’pétrification intérieure qui le conduira même imaginer des tentations suicidaires (comme dans ‘’Le Journal’’ où il parle souvent de vouloir sauter par la fenêtre).

L’isolement auquel il s’est astreint semble être propice à l’activité littéraire. Il s’emploiera à partir de 1912 à rédiger ‘’Le Disparu’’ dont la version finale donnera ‘’L’Amérique ‘’ et ‘’La Métamorphose’’, et ensuite ‘’Le Verdict’’ qu’il achèvera en une nuit.

Bien que l’écriture lui ait procuré une satisfaction certaine, Kafka demeurait rongé par le doute et l’angoisse. Sans doute que la littérature y fût pour quelque chose. Il pense que cette activité l’isole davantage de la vie normale et lui pleine conscience de sa condition en le faisant plonger dans l’absurde. Même la tentative de mariage qu’il fit se solda par un échec. Malgré les explications qu’il a essayé de donner de cet échec, les analystes voient que le plus grand obstacle à une vie conjugale durable de Kafka c’est Kafka lui-même. Catherine Macé écrit à ce propos dans ‘’Analyses et réflexions sur Kafka’’ (éditions Ellipses-1984) : «Il croit que le mariage s’oppose à sa recherche de pureté absolue et à la conduite ascétique qu’il s’est désormais assignée (il ne boit pas, ne fume pas, dort dans une chambre glacée, est végétarien…). D’autre part, il considère l’acte de chair comme étant propre à détourner l’homme de son chemin (…) En somme, ce qu’il aimerait trouver dans le mariage, c’est une présence et une affection sans les contraintes matérielles de toutes sortes qui lui sont inhérentes…une vie ascétique à deux !» Kafka finira par l’avouer dans son ‘’Journal’’ (page 336) : «Je n’ai pas pu me marier… Tout en moi s’est révolté contre le mariage… C’est principalement le désir de préserver mon travail littéraire qui m’en a empêché car je croyais ce travail menacé par le mariage».

En 1917, est diagnostiquée chez lui la maladie de la tuberculose. Il quitte alors la ville de Prague et abandonne son père, sa fiancée, son bureau et se réfugie chez sa sœur Ottla à Zürau, dans une ferme.

Pendant les dernières années de sa vie, Kafka rencontre Milena Jesenska Polak, une jeune femme tchèque qui lui a demandé de traduire certaines de ses œuvres. Lui, condamné par sa maladie qui a évolué en une laryngite tuberculeuse, elle, femme mariée, les blessures et la déception furent leur lot tous les deux. Il lui confie son ‘’Journal’’ en 1921 et écrit ‘’Le Château’’, ‘’Un Champion de jeûne’’ et entreprit des ébauches de nouvelles. Il meurt le 9 juin 1924 au sanatorium de Kierling près de Vienne et est inhumé le 11 juin à Prague dans le vieux cimetière juif de la ville.

Amar Naït Messaoud

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