Tant pis pour la Bible !

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Par Anouar Rouchi

Pour nous autres algériens, impact de l’histoire, proximité géographique et interpénétrations culturelles obligent, la femme est une référence privilégiée. Pour marquer la gravité des tares de notre société, nous nous suffisons, très souvent, de jeter un regard au delà de la mer pour saisir l’étendue du retard à combler. C’est d’ailleurs ce qui a fait dire à un leader de l’extrême droite française, célèbre pour l’amour qu’il porte aux arabes sédentaires qui restent donc chez eux, que ce qui sépare la civilisation moderne de la société archaïque, c’est la Méditerranné !Fort heureusement, les choses évoluent. Tenez ! lundi passé, sur une grande chaîne de télévision, la société française était conviée, à travers un sondage à désigner les cents personnalités du pays les plus importantes de tous les temps. Parmi les heureux lauréats, si on peut s’exprimer ainsi, pas moins de trois animateurs de télévision dont l’un n’était autre que le présentateur de l’émission, l’indétrônable Michel Drucker. Il serait d’ailleurs intéressant de lui demander s’il n’était pas gêné aux entournures. A part ça, chanteurs, comédiens et sportifs ont eu la part belle. Ni Lavoisier ni Descartes, par exemple, n’ont été évoqués. Ils ont pourtant chacun dans son domaine, beaucoup donné au progrès de l’humanité. La France devrait avoir peur : un peuple qui accorde davantage d’importance aux paillettes qu’aux neurones est un peuple menacé par le déclin.Pour rester dans la comparaison, cela signifie au minimum que la méditerrannée rétrécit et, par la même occasion, la distance qui sépare nos sociétés respectives. Même si ce n’est pas très sportif, lorsqu’on joue à rattraper quelqu’un, c’est toujours intéressant de constater qu’il recule.C’est dire qu’il ne faut jamais désespérer de la vie et des hommes.Ainsi, si vous êtes gravement malade et que les médecins avouent leur impuissance, si à cause de vos errements ou malchance vous vous retrouvez dans l’impasse, si les horizons vous semblent définitivement et irrémédiablement bouchés, alors il est temps de croire au miracle.Les miracles existent. ils ne sont pas toujours du fait du paranormal et du surnaturel. ils peuvent tout aussi être le fruit de l’intelligence et même le résultat du repentir.En Kabylie, par exemple, l‘histoire de Saïd et Hocine, c’est un peu l’histoire biblique d’Abel et Caïn. Pour les uns, Abel c’est Hocine et Caïn c’est Saïd. Pour d’autres, c’est radicalement l’inverse. Pour beaucoup il n’y a pas d’Abel dans l’histoire.Ces derniers sont sans doute les plus proches de la vérité car n’étant d’aucun camp. Caïn n’a donc pas pu tuer Abel, contrairement au récit biblique. Mais, tout autour d’eux, les victimes se sont multipliées. A première vue, rien ne peut donc faire rencontrer Saïd et Hocine et encore moins les unir. Rien n’est moins vrai ! D’abord il y a une similitude dans leur destin : ils sont tous les deux victimes de leurs supporters qui les ont condamnés à l’infaillibilité. Condamnation aux conséquences graves qui leur interdit, le cas échéant, de revoir leur copie ! Il sont tous les deux tellement attachés au principe de l’alternance qu’ils n’ont jamais participé, ensemble, à une élection. Quant l’un y va, l’autre lui laisse le champ libre. Une exception, cependant : les législatives de 1997 où ils ont réalisé des scores étonnamment identiques, ce qui a évité bien des frustrations. Tous deux ont fini par opter pour la discrétion. Hocine en choisissant l’exil volontaire, Saïd en décidant une grève… de parole ! Si l’exil permet d’échapper aux vicissitudes du quotidien des Algériens, le silence évite bien des avatars. C’est donc, forts de ce constat, armés des points de convergence cités ci-dessus, qu’ils ont décidé de se parler. En silence, parce que Saïd ne parle plus. Ils sont même arrivés à un accord. L’accord est tacite puisqu’il n’y a pas eu d’échange écrit ou verbal : la Kabylie est à Saïd et Hocine, et à eux seuls !Entre frères, peu importe la part qui reviendrait à chacun. Et tant pis pour tous les récits bibliques du monde !

A. R.

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