Quelle autorité pour la DSP ?

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La santé va mal à Tizi-Ouzou. L’expression est usée à force d’être reprise par la rue et les médias. Elle passe même pour un refrain inévitable, à chaque fois qu’il est question d’évoquer ce secteur ô combien sensible. Le mal est, sans doute, à tous les niveaux, à diverses proportions. Toutefois, la malheureuse illustration est à l’actif de la clinique Sbihi où chaque défaillance coûte quasi-systématiquement une vie. Au niveau de l’établissement, on se défend par ailleurs que « la clinique reste dans la moyenne nationale en termes de mortalité ». Les faits, marqués par la gestion approximative qui prévaut au sein de l’établissement, laissent planer toutefois bien des réserves sur ces cas de décès enregistrés. L’absence d’un service de réanimation au sein de la structure est en soi un manque flagrant qui ne traduit malheureusement pas le souci de parer à une éventuelle urgence. Et il est question là d’un manque vital. Plus grave dans l’histoire, lors de la récente visite d’inspection effectuée par la commission Rabia, directeur des services de santé au niveau du ministère, ce dernier avait pourtant instruit, de manière claire et ferme, les responsables de l’établissement pour la mise en place « dans les plus brefs délais » du service en question. Or, jusque-là rien n’a été fait. La responsabilité de la direction de la santé de wilaya est autant engagée dans cette défaillance puisque le DSP, présent ce jour-là était indirectement interpellé au même titre que le responsable de l’établissement. 

Mieux, le DSP ne pouvait qu’être carrément impliqué dans la gestion à la hussarde qui prévaut au sein de la structure, lui qui, officiellement, co-signe la fameuse liste de garde sans parvenir à faire valoir la rigueur voulue. En témoigne les défaillances enregistrées quasi régulièrement. Comme ce fut le cas la semaine dernière où une parturiente évacuée en urgence n’a trouvé aucune garde spécialisée pour la prendre en charge (voir notre édition de lundi 21 octobre dernier). Un compte-rendu qui a d’ailleurs fait réagir le DSP, pris de panique, à travers le courrier ci-contre. Une réaction du reste fixée sur le détail à moitié vrai du nombre de médecins généralistes et spécialistes, au lieu d’aller à l’essentiel et prévoir les mesures qui s’imposent pour mettre un terme à la gestion au jour le jour de l’établissement. En effet, si la clinique a effectivement 17 généralistes, dont sept sont dispensés de garde, pour les médecins spécialistes, le DSP semble ne pas maîtriser son sujet en parlant de seulement quatre gynécologues. À se fier à notre source, l’établissement compte cinq médecins spécialistes, dont l’un est en congé de maternité depuis le 20 août dernier. Le deuxième élément qui pose des soucis est cet autre spécialiste femme, enceinte et dont la grossesse est à un stade avancé qui refuse de faire les gardes de nuit en brandissant à chaque garde un arrêt de travail. Ce fut d’ailleurs le cas le week-end dernier. Mais alors, pourquoi s’est-on entêté à la mettre dans le programme des gardes, puisqu’il était prévisible dès le départ qu’elle n’allait pas assurer de garde ce soir-là ? Et encore, le « bricolage » ne s’est pas arrêté là puisque la gynécologue, relevant d’Azazga et appelée à la hâte pour pallier la défection, a en fait négocié sa venue, puisqu’en réalité elle a juste accepté d’avancer sa garde à elle, qui était programmée pour le dimanche d’après. Ce jour-là encore, il se dit qu’on a fait appel à une autre gynécologue qui était carrément en fin de service civil, puisqu’elle est en train de faire valoir son reliquat de congé. Voilà une manière de prévoir qui ne parait pas du tout empreinte d’une réelle prise de conscience dans ce créneau où chaque défaillance peut coûter une vie humaine. Les risques de nouveaux drames demeurent malheureusement potentiels, tant que ces histoires de garde continueront à empoisonner la gestion du pool de garde de la wilaya, qui compte pourtant sur papier dix médecins spécialistes, dont cinq de Sbihi, un de l’hôpital d’Azazga, un de Draâ El Mizan, qui lui aussi ferait valoir dit-on une dispense, et trois autres du CHU Nedir Mohammed. À première vue, avec de tels chiffres, réglementairement, aucun problème ne devrait se poser pour établir la fameuse liste de garde avec même, à chaque fois, un suppléant, puisque un spécialiste peut aller jusqu’à six gardes mensuellement. Mais voilà que les concernés, face au manque d’autorité des dirigeants, y vont chacun de son humeur. Ainsi, on aura appris, par exemple, de sources avisées, que pour le mois en cours, le médecin spécialiste d’Azazga est retenu pour quatre gardes, deux pour celui de Draâ El Mizan (qui pour rappel fait valoir une dispense), huit pour les trois du CHU de Tizi-Ouzou réunis (dont une viendrait également de déposer une dispense) et le reste devant être donc départagé entre les trois éléments opérationnels de Sbihi (les deux autres étant en congé maternité pour la première et sur le point de l’être pour la deuxième). Mais voilà que ces trois derniers dénoncent, à chaque fois, presque logiquement, cette différence dans le traitement qu’on réserve à chacun. Il est vrai que quand on se perd dans ces détails, n’importe quel DSP ne pourrait alors qu’occulter l’essentiel : A savoir veiller à la mise en place d’un service de réanimation au sein de l’établissement et faire revivre les différentes EPSP, qui dans leur majorité sont réduites à néant en termes de services assurés, comme c’est le cas à Mekla où une fillette est décédée récemment faute de vaccins contre la rage. A Aït Aïssa Mimoun, et ce n’est là qu’un exemple, la population bloque le centre de soins pour réclamer l’ouverture d’un service des urgences. Un autre cas édifiant : L’EHS spécialisé en cardiologie pédiatrique de Draâ Ben Khedda n’a toujours pas démarré ses activités, malgré l’insistance de hauts responsables qui ont eu à le visiter, depuis Ould Abbes, jusqu’à Sellal en passant par Ziari… L’établissement aurait même eu droit à un budget spécial en 2012 qui n’aurait pas été consommé faute d’initiative du chef de projet qui a, du reste, par la suite, été promu ordonnateur. Passant sur les dysfonctionnements ouvertement dénoncés par les travailleurs, eux même, de l’EPSP de Boghni… Mais ce qui se passe à l’EHS de Oued Aïssi mérite une attention toute particulière. Il a failli y avoir mort d’homme ! Encore une. Et pendant ce temps, le directeur de l’établissement, qui ne contredit nullement l’information qu’on rapportait dans notre édition d’avant-hier, à savoir un malade qui s’en prend à un autre attaché à son lit lui causant une plaie profonde à la gorge avec un objet contendant, s’embourbe dans une réponse en avouant que c’est là le genre « d’évènements signalé de temps à autre au sein d’une population en milieu psychiatrique ». Il ne dément par ailleurs pas que la victime était, au moment des faits, attachée à son lit sur instruction médicale. Il ne dément pas que le malade auteur du forfait venait de rentrer de permission. Il ne nous corrige même pas, pour préciser que l’arme du « crime » était une lame et non un couteau comme on le rapportait. C’est du reste, du pareil au même. Comme il ne dément pas que la victime a dû être évacuée en urgence au CHU Nedir Mohamed où il a été sauvé in extremis d’une mort certaine. Il n’explique pas non plus comment l’autre malade a pu être en possession d’une lame… Comme il ne pouvait évidemment pas démentir le fait qu’il y a deux ans, un malade, qui s’était pendu au sein de l’établissement, n’avait été retrouvé que 45 jours plus tard… 

S. Bénédine.

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