Le diktat des commerçants

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«Si on applique les lois en vigueur, plus de 50% des commerçants du chef-lieu de la wilaya de Béjaïa baisseront le rideau».

C’est en ces termes que s’est exprimé M. Yanis Adjlia, président de l’association pour la défense et l’information des consommateurs ADIC, qui nous a reçu dans son bureau hier, à propos de l’anarchie qui règne dans le milieu commerçant du chef-lieu de la wilaya. Le manque d’efficacité en matière de contrôle et d’application de la réglementation a laissé le champ libre aux commerçants qui se livrent à toutes sortes de dépassements. Et les répercussions s’abattent inévitablement sur le seul consommateur. Prix exorbitants, non affichage de ces derniers, conditions d’hygiène alarmantes, notamment dans les commerces de restauration et les cafétérias, disparités flagrantes de tarification, vente de produits contrefaits, prolifération de l’informel…Ce sont là différentes violations des lois, qui se répercutent directement sur la bourse et, plus grave encore, sur la santé du consommateur. Concernant les prix, le citoyen est contraint, en plus de l’augmentation classique, à payer des surplus décidés par le commerçant, dont le seul souci est de multiplier les profits. Selon le président de l’ADIC, « certains produits d’importation coûtent moins de cinq euros à l’achat, soit près de 700 DA, et se vendent dans les vitrines de la ville, parfois, jusqu’à cinq fois ce prix», a-t-il informé. Ces abus sont plus flagrants quand il s’agit de comparer les prix des marchés hebdomadaires et ceux des vitrines. A titre d’exemple, dans l’habillement, très présent dans le chef-lieu de la wilaya, avec des centaines de magasins, les clients sont estomaqués par les prix exorbitants affichés par les commerçants. Pour une veste de saison pour femme, par exemple, achetée dans un magasin dans les rues de la ville, on peut débourser jusqu’à trois fois son prix par rapport au marché. Une différence qui se voit également d’un magasin à un autre, même si ceux-ci ne sont distants l’un de l’autre que de quelques mètres. Outre les articles d’habillement, les autres produits ne sont pas en reste, car dans cette anarchie généralisée, la tentation s’empare de beaucoup de commerçants qui profitent de l’absence d’un contrôle sévère et assidu. C’est le cas dans le secteur de la restauration, une autre branche qui prolifère dans les rues de la ville de Béjaïa. Là aussi, la réglementation a du mal à se faire respecter puisque, d’un commerce à un autre, les prix suivent la seule logique des commerçants. En sus des augmentations à tout va, certains commerces n’affichent pas leurs tarifs aux clients, alors que la loi en vigueur exige que ces derniers soient impérativement affichés et d’une manière visible. Ajoutons à cela le problème du manque d’hygiène qui représente un danger réel pour le consommateur. Sur ce point, le président de l’association fait état d’une situation alarmante. «L’insalubrité touche même les restaurants et cafétérias jouxtant les locaux de la direction du commerce», constate le président d’ADIC.

«le service de contrôle absent sur le terrain »

Face à cette situation pour le moins «alarmante», quelle protection pour le consommateur ? La sonnette d’alarme a été tirée à maintes fois par notamment l’ADIC, ainsi que par des citoyens qui vont dénoncer les abus des commerçants auprès de la DCP, sans pour autant parvenir à changer quoi que ce soit. Selon le président de l’association pour la défense et l’information du consommateur, «on sent comme un relâchement des autorités face à ces dépassements des commerçants, surtout s’agissant des différents services de contrôle dont le nombre de rondes, annuellement, est de 03 en moyenne. C’est infime par rapport à l’ampleur des infractions, surtout que les sorties des contrôleurs sont annoncées tambour battant», déplore M. Adjlia. Ce dernier ajoutera que la direction du commerce de Béjaïa « n’accuse même pas réception des plaintes de mon association ni de celles des citoyens». Nouvellement créée, l’ADIC est la seule association au niveau de la commune de Béjaïa qui défend le consommateur. Pour l’instant, selon son président, «cette mission est d’autant plus difficile du fait de plusieurs carences et l’attitude affichée par les autorités vis-à-vis de l’association». Les subventions de l’Etat pour ses activités, indique M. Aldjia, ne dépasse pas les 10 millions de centimes l’année. «Pour une association qui a comme lourde mais néanmoins honorable tâche de défendre et informer le consommateur, les subventions que reçoit l’ADIC annuellement sont dérisoires, si on les compare avec celles d’autres associations moins actives», déplore le président de l’association. Par ailleurs, le local nouvellement mis à la disposition de l’association, après moult demandes, est trop exigu. «Le local de notre association est à peine assez grand pour contenir les meubles. Son emplacement même est de plus dissuasifs, étant situé au niveau de l’arrière port, loin des citoyens», déplore encore notre interlocuteur.

M.H.Khodja

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