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Les vacances à l’étranger prennent de l’essor chez les Kabyles : Qui sont ces nouveaux riches qui voyagent ?

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à la veille de la saison des grands congés, bien des esprits sont déjà branchés au repos, aux grasses matinées, aux fêtes, pour certains, auxescapades et à prendre le large, pour d’autres… Bref, aux vacances !

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Mais il y a vacances et vacances. A chacun les siens. Sans doute, différents des uns et des autres ! D’une famille à une autre, pour ne pas dire d’une bourse à une autre. Pour les émigrés de Kabylie, c’est là une aubaine qui passe depuis longtemps pour un rituel. Une occasion pour rentrer chez soi, revoir la grande famille, retrouver le village, respirer l’air frais de la montagne et, pour certains, de s’exhiber, frimer avec de nouvelles toilettes sorties tout droit de chez TATI ou du marché de Montreuil. Crise oblige, on se soucie plus que jamais à réduire les folies. Pour eux, celles des billets d’avion les ruinent suffisamment… Les temps ont changé. Et par les jours qui courent, tout le monde est devenu économiste. On s’approvisionne plus d’ici que de là bas. Les affaires sont, désormais, plus fructueuses dans le sens inverse. On s’achète même du dentifrice, des brosses à dents, pour retourner avec sur Paris… Des baskets griffées aussi. Alors là la cigarette, c’est devenu un florissant business pour les algériens. Le prix d’une cartouche achetée à Alger, en Dinar, équivaut à peine à celui, en Euro, de trois paquets. Forcement, quand on prend l’avion, on se blinde pour en revendre là bas. Ruse à l’algérienne, on en met même dans les bagages des femmes et des enfants, pour tenter de dispatcher la marchandise et ne pas trop attirer l’attention des douaniers français… Après tout, pour eux, une femme et une vielle qui fument ce n’est rien d’extraordinaire, quand bien même elles sont en robes kabyles ! Tout ça pour ça ! C’est dire que les « vacances » des émigrés sont vraiment calculés… C’est le prix de la résidence ! Le revers de la médaille, peut-être ! On vit en calculant : Le loyer, l’Edf, le Pass Navigo du Metro et du RER, la TNT, la Free, pour appeler sur le fixe au bled gratuitement… Combien même Free a revu son offre illimitée à seulement 10 heures de gratuité par mois, mais c’est toujours bon à prendre. Très bon même ! Forcement, on ne crache pas dessus. Sauf que dans cette équation, les congés prennent un tout autre sens. Mais pour les gamins, une virée au bled, ce n’est que du bonheur ! Encore et toujours ! Avec ce plaisir de se remettre en short et en claquettes. Sortir librement au village. Veiller dehors sans risque d’être surpris par les flics. Pas d’appréhension du « panier à salade ». Conduire sans trop se soucier des radars, pas de feux rouges non plus… On se lâche alors ! La totale quoi. Avec tout ce qu’on peut ressentir quand on est vraiment chez soi ! Pour d’autres, les vacances sont une occasion pour découvrir d’autres horizons, d’autres modes de vie, d’autre « mondes », tout court. Et surtout, pour certains, le ciel de plus près, et la sensation de monter dans un avion qui décolle. Waoo ! Selon une étude restreinte, le kabyle est la seconde langue parlée à Paris. C’est sérieux ! Ce n’est pas du tout du pipeau. Cela dit, allez savoir comment cela est-il arrivé sachant que seuls quelques 30 % de kabyles ont déjà pris l’avion ? Les statistiques de plusieurs agences de voyages et compagnies aériennes donnent la France, notamment la capitale parisienne, comme première destination des vacanciers et autres à partir de la Kabylie. Près d’une famille sur une vingtaine a un pied à terre en France, grâce particulièrement aux émigrés partis depuis bien longtemps s’installer là bas. Pour nombre d’entre eux, bien avant l’indépendance. Ce qui place, sans doute, la destination France parmi les plus privilégiées des voyageurs kabyles. Car la liaison n’a jamais été rompue. « On vous aime ! », dit Fellag dans l’un de ses sketchs qui aborde cette « folle obsession» des algériens à rejoindre Fafa (la France). Il ne l’a pas dit juste comme ça, Fellag… Il y a, bien sûr, les jeunes qui aspirent à mieux, habités par le désir de vivre le bonheur européen. Et puis, cette nouvelle classe émergeante de nouveaux riches locaux. Des commerçants, pour la plupart. C’est la mention qui est portée sur leurs passeports. Dans leur langage, ils se désignent hommes d’affaires. « Ils sont 10% de notre clientèle », révèle une voix d’une agence de voyage assez bien fréquentée sur la place de Tizi-Ouzou. « Généralement, ils sont partagés sur trois destinations, les plus proches, qui abritent des foires commerciales internationales».

Les commerçants et la nouvelle classe aux portefeuilles reconsidérés

Paris en tête, bien sûr. Frankfurt, en seconde position, pour l’agroalimentaire et les travaux publics, et enfin Barcelone pour tout ce qui est mécanique et machines industrielles. « C’est des sujets qui se déplacent pour des courts séjours de moins d’une semaine et, pour la plupart, invités par les organisateurs des manifestations ». « C’est une catégorie qu’on a aussi comme clientèle en périodes de vacances. En été ils font des réservations en famille. Mais ils ne sont pas les seuls. Il y a une bonne partie qui se permet maintenant des vacances à l’étranger ». A l’agence Touring club Algérie du centre-ville, on dit qu’« on s’habitue agréablement à traiter avec une nouvelle clientèle, faite d’avocats, de médecins, mais aussi d’enseignants universitaires et même des autres paliers inférieurs ». L’amélioration de la grille des salaires de cette dernière frange est, sans doute, pour beaucoup dans cette nouvelle culture qu’ils ont adoptée. Une chose est sûre, la clientèle du transport aérien s’est bien élargie en Algérie de manière générale. En témoigne, le retour de près d’une vingtaine de compagnies aériennes étrangères. En bonnes business compagnies, si elles sont là c’est pour ramasser des sous. Turkish Airlines, Ibéria, Spainair, TAP, British Airways, Emirates Airlines et bien d’autres ne contrediront certainement pas. Le billet le plus cher de l’espace méditerranéen n’est d’ailleurs autre que celui du couloir Alger–Paris. Le plein tarif est à hauteur de 400 Euros et plus ! L’on a même fait un sujet de campagne, lors de la dernière présidentielle. Les habitués espèrent toujours sa réduction… Dans un voyage organisé en pleine haute saison, la liaison France – Espagne peut, elle, descendre jusqu’à 25 Euros sur un vol charter. Et l’on parle de promouvoir la destination Algérie ! En attendant, les quelques 20 à 25% de kabyles (le chiffre est large) qui voyagent pour des vacances (à ne pas confondre avec ceux qui ont déjà pris l’avion pour une raison ou une autre), continuent malgré tout à préférer, dans l’ordre, la France, l’Espagne, la Turquie, le Maroc, le Canada, oui, oui, le Canada, et en sixième position, la Tunisie qui redevient attractive par ses prix. Dans le détail, l’Espagne, c’est désormais quatre vols directs (deux au quotidien à partir d’Alger et Oran) sur Madrid, Alicante, Palma et Barcelone. Vers le Maroc, les kabyles préfèrent Marrakech et Agadir. Et sans conteste, Istanbul vers la Turquie. Le prix des séjours reste, bien sûr, un élément pesant dans le choix du vacancier. Pour un séjour d’une semaine, pour un couple, à Istanbul, avec réservation effectuée à l’avance dans un établissement classé c’est à peu près 160 000, 00 DA tout inclut. « Pour une réservation de dernière minute, à faire en juin ou juillet, il faut s’attendre à un prix double », met en garde M. Zeghdoud, directeur du Touring Club Algérie à Tizi-Ouzou. En Turquie, les kabyles sont de plus en plus attirés par le site paradisiaque de l’Ile Antalya, à une heure d’Istanbul. « La destination Budrom, une station balnéaire, est également demandée ». L’Espagne aussi a, semble-t-il, cassé les prix. Elle rivalise carrément avec la Tunisie, Azeffoun et Tigzirt.

L’Espagne casse ses prix

Pour ces dernières destinations locales, il n’y a pas de voyages ou regroupements organisés en dehors des camps de toile des œuvres sociales de certains secteurs ou encore les colonies de vacances pour enfants d’une certaine catégorie de privilégiés, mais pour monsieur tout le monde, qui y va pour louer un petit toit, pas forcement grande classe, bien sûr, c’est un minimum de 15 à 20 millions le mois. Une enveloppe à laquelle il faudra ajouter, cela va de soi, le manger, les faux frais des sorties… Il est vrai qu’à faire un petit calcul, ils seront nombreux à choisir la Tunisie, qui propose à l’équivalent d’à peine 110 000, 00 Dinars une prise en charge totale durant un séjour de dix jours pour un couple dans un hôtel trois étoiles. Alicante est proposée à 70 000,00 DA le séjour d’une semaine dans un hôtel de même classement. Le billet d’avion pour cette destination est cédé entre 20 et 25 000, 00 DA. « Entre le local et l’étranger, quand on y réfléchi pour choisir, l’on se rend compte tout de suite qu’il n’y a pas photo. En Espagne, moi je rentre et je dors, mes enfants et leur mère veillent dehors jusqu’à parfois 4 heures du matin. Et je suis tranquille. Je ne me fais pas de soucis pour eux, je sais que rien ne leur arrivera. En plus, c’est l’Europe, ils découvrent, ils voient quelque chose de nouveau, un autre cadre, les gens sont sympas, propres, des silhouettes de rêve qu’on en voit qu’à la télé des gueules ouvertes pas du tout agressives, tu le piétine et c’est lui qui vous demande pardon… Et puis, il y a le fait qu’à l’origine, on sent vraiment les vacances, on voyage, on utilise son passeport, on voit qu’il y a des cachets dessus, on prend l’avion, on change de pays, d’argent… Quand on marche on se dit que peut-être, on va croiser Messi au bout de la rue… On se sent vivre, flâner, C’est un plus ! C’est ce qu’on appelle aller en vacances, changer d’environnement. Et tout ça au même tarif que la poussière et l’incivisme d’Azeffoun où je ne sais quelle autre ville de chez nous…  » C’est Saïd qui parle comme ça. Il était cadre dans une banque à Tizi-Ouzou, avant d’être affecté en dehors de la wilaya après une promotion. Les vacances, c’est la deuxième année qu’il se prépare à les prendre. « Toujours en Espagne. J’y ai été et ça m’a plu, alors j’y retourne », prévoit il. « A vrai dire, on m’a parlé de Paris, je n’y suis encore jamais parti et ça me tente, moi comme ma femme, mais pour cette fois, c’est raté. On a déjà réservé à Alicante ». Au Touring Club Algérie, on confirme aussi que la destination parisienne est de plus en plus demandée, avec l’allègement de la procédure du visa. « Oui, ça se développe bien pour Paris, ces derniers temps. Deux nuits à Disney Land, pour un couple et deux enfants, c’est entre 20 et 30 000, 00DA (Entre 200 et 300 Euros) le ticket pour des visites entre 8 et 16 heures inclus. Il y a aussi ce qu’on appelle les bus rouges. C’est des navettes qui font le tour des sites touristiques parisiens à seulement l’équivalent de 2000, 00 DA », explique-t-on à l’agence. Dehors, les anonymes sondés avouent que l’offre tente beaucoup, même avec le billet au tarif brûlant entre Alger et Paris en période estivale. Mais on n’y croit pas trop au « visa sans faute » que promettent les agences de voyages. Ces dernières persistent pourtant qu’« il n’y a aucun problème, pourvu que les clients soient de bonne foi et qu’ils y vont juste pour un petit séjour, pour de vrais vacances, quoi ! ». C’est justement là où il y a, peut-être, problème ! Du moins pour certains.

Djaffar Chilab

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