La lenteur administrative pointée du doigt

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Victimes de violences confondues, 90.47% des personnes voient leurs affaires jugées à partir de la 2ème année après l’accident, alors que 83.07% des victimes sont expertisées au delà de la deuxième année.

C’est ce qu’a révélé le professeur Boulassel, chef de service médecine légale au centre hospitalo-universitaire Nedir Mohamed de Tizi-Ouzou, en expliquant que ces retards sont souvent dus à la lenteur des procédures administratives. Le constat est celui d’une étude réalisée au niveau du service de médecine légale du CHU. Elle a été présentée, hier, par le professeur Boulassel à l’auditorium de l’hôpital Nedir Mohamed à l’occasion des 20e journées médicochirurgicales qui s’étalent sur une durée de deux jours. Le thème de sa communication a porté sur « l’accompagnement des victimes de violence : le profil socio-économique d’une victime de violence dans la wilaya de Tizi-Ouzou ». Traitant des violences, il a cité l’exemple des agressions, des sévices, des accidents de trafic, de travail et des catastrophes naturelles qui occasionnent des traumatismes physiques et psychiques fréquents. Le professeur Boulassel explique d’emblée que, pour les victimes, des difficultés et des obstacles peuvent survenir de l’étape de pré hospitalière à l’étape hospitalière et post hospitalière puis celles de réparation et d’indemnisation. Il précise, néanmoins, que c’est pendant la période de réparation et d’indemnisation que les problèmes les plus graves peuvent surgir. « Au terme de 30 années d’exercice professionnel aux titres de médecin légiste au centre hospitalo-universitaire et d’expert judicaire près les tribunaux de plusieurs wilayas du pays, nous avons constaté que c’est surtout durant l’étape de réparation et d’indemnisation que les difficultés surgissent, les obstacles se dressent et les procédures se prolongent », soulignera-t-il. Et d’ajouter : « Des obstacles et des difficultés retardant le dépôt de plainte, la tenue du procès judiciaire, la désignation de l’expert judiciaire qui doit statuer sur l’invalidité la réalisation de l’expertise et le dépôt du rapport au tribunal en vue de l’indemnisation ». Pour son enquête, elle est basée sur deux études : Une rétrospective suivie d’une autre prospective chez les victimes de violences, tous types confondus, ayant transité par le service de médecine légale du CHU Nedir Mohamed, dans la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. La première étude (prospective) concerne 97 dossiers reçus au niveau du service de médecine légale à l’effet des expertises entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2009. Alors que la seconde étude (rétrospective) concerne l’effectif de 248 patients ayant subi des expertises durant la période allant du 1er janvier 2010 au 31décembre 2011 dans le même service où s’est déroulé l’enquête. Des études au terme desquelles il apparaît que 90.47% des affaires sont jugées à partir de la 2ème année. Ceci, au moment où 83.07% des victimes sont expertisées au delà de la deuxième année et plus. La même enquête révèle aussi que seul 4,84% des victimes sont expertisées dans un délai inférieur à une année. Des retards dus, notamment à la lenteur dans la préparation des dossiers médico-administratifs, au manque d’information des victimes sur leurs droits, et à la lenteur du dépôt de plaintes. Mais aussi, précise le professeur Boulassel, « à la lenteur de la programmation du procès, au manque de moyens financiers pour prendre un avocat, entre autres ». « Chose qui pénalise les victimes », dira le conférencier qui explique qu’en plus de « retarder l’indemnisation des victimes, cela aggrave les troubles psychologiques post-traumatiques ». Suite à cela, des recommandations sont faites par le professeur et son équipe afin de parer au problème. C’est le cas, notamment, de la nécessité de donner les soins sur place et d’assurer un transport médicalisé et organiser des soins adaptés aux urgences. Le professeur Boulassel ajoute comme autres recommandations, celles d’informer la famille, d’organiser la prise en charge médico-psychologique voire psychiatrique, en plus de devoir préparer le dossier médico-social, en coordonnant les actions des différents acteurs, à savoir des médecins paramédicaux,  assistantes sociales et mouvements associatifs. Le professeur revendique, par ailleurs, le droit d’un « statut de victime » aux droits reconnus, comme le droit d’accéder à la justice, le droit à être informé le droit à être assisté ou accompagné le droit à obliger l’Etat à enquêter efficacement, celui d’un procès équitable, d’être indemnisé protégé et pris en charge.

T. Ch.

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