Deux dates, une épopée

Partager

Le 24 février 1956 et le 24 février 1971, deux dates qui évoquent deux époques distinctes. La première, l’Algérie en guerre, la création de l’Union générale des travailleurs algériens (L’UGTA) et Aïssat Idir, son premier secrétaire général mort des suites des tortures effroyables qu’il avait subies au centre de torture de Birtraria en 1959. La seconde, celle de la nationalisation des hydrocarbures en 1971. Aïssat Idir est né à Djemâa Saharidj en 1919. Il fut l’un des fondateurs et le premier secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens. Il sera désigné sous un nom d’emprunt au CNRA comme membre titulaire et Baissa Attalah, membre du secrétariat, figure comme suppléant. Les membres du CCE durant l’automne examinent la possibilité de faire évader Aïssat du camp de Bossuet, où il était détenu. Sa présence dans les rangs de la révolution et à la tête de l’UGTA se révélait indispensable depuis l’admission de l’UGTA à la Confédération Internationale des Syndicats Libres, siégeant à Bruxelles. La bataille d’Alger entraîne de nombreuses arrestations et la disparition de plusieurs milliers d’Algériens. Le projet d’évasion est suspendu. Les interrogatoires pratiqués par les parachutistes du général Massu, leur laissent croire que Aïssat est membre du CCE. Ils envoient à Bossuet des policiers qui, après un interrogatoire à la DST d’Oran, conduisent Aïssat à Alger pour le remettre à une unité de paras commandée par le colonel Bigeard. Aïssat est de nouveau reconduit à Bossuet en août 1957. La nouvelle annonçant les manifestations du 13 mai 1958 avait jeté un froid au camp de Bossuet. Quelques jours plus tard, Aïssat est convoqué par la direction du camp avec toutes ses affaires et mis sous mandat de dépôt à Serkadji. Le GPRA et la délégation extérieure de l’UGTA à Tunis, la CISL à Bruxelles, lui constituent des avocats pour le défendre. Aïssat, dans sa déclaration au tribunal, revendiquera l’appartenance au syndicalisme libre. À aucun moment, au cours du procès qui prononcera son acquittement, Aïssat ne fut interrogé sur son appartenance au CNRA. Tandis que Abdelkader Alla écope de 3 ans de prison, Noureddine Skander 2 ans, Cheikh Mustapha acquitté ainsi que Merrakchi et Sahnoun. Aïssat Idir bien qu’acquitté est attendu à la sortie de Serkadji par deux gendarmes qui, sur ordre du colonel Godard, lui passent les menottes et le conduisent au centre de tortures de Birtraria, où, durant la bataille d’Alger, les « bleus » opéraient. Après quatre jours de tortures, Aïssat est transféré à l’hôpital militaire Maillot pour « cause de brûlures graves » provoquées soi-disant par une cigarette qui aurait mis le feu à la paillasse du leader syndicaliste, lui qui n’a jamais fumé. La CISL tente d’obtenir le transfert de Aïssat Idir dans un centre spécialisé pour brûlures en Suisse : refus catégorique de Delouvrier, représentant du gouvernement français en Algérie. Après d’atroces souffrances, Aïssat Idir décédera à l’hôpital Maillot le 27 juillet 1959. La disparition tragique de Aïssat Idir provoquera une vague de protestations sans précédent à travers le monde. D’Europe, d’Afrique, d’Asie, d’Amérique des voix s’élèvent pour dénoncer ce crime. Les journaux du monde entier manifestent leur solidarité avec le mouvement de libération, à l’UGTA et à la famille du Chahid. Jamais sans doute, le gouvernement français n’avait été ébranlé de la sorte. Entre-temps, c’est grâce à l’intelligence et à la ténacité de Aïssat Idir et de ses camarades que l’UGTA fut admise à la Confédération internationale des syndicats libres, c’est une tribune dans la gueule du loup. Elle pouvait siéger, dès lors, parmi les syndicats qui soutenaient la colonisation et aussi ceux qui la combattaient et ainsi mieux faire connaître au monde leur lutte et celle de tout le peuple Algérien.

24 Février 1971, Nationalisation des hydrocarbures

La nationalisation des hydrocarbures a été une décision historique prise par Houari Boumediene et annoncée, le 24 février 1971, à l’occasion du quinzième anniversaire de la naissance de l’UGTA. Concrètement, cette nationalisation des hydrocarbures signifiait que l’Etat algérien prenait le contrôle de la majorité (51%) des sociétés étrangères (principalement françaises) qui opéraient alors sur le sol algérien, mais aussi que les gisements de gaz, de pétrole et les mines ainsi que leurs infrastructures appartenaient désormais à l’Etat algérien. Cette décision a été suivie d’une ordonnance, signée le 11 avril 1971, promulguant la loi fondamentale sur les hydrocarbures qui définissait ainsi le cadre dans lequel devrait s’exercer dorénavant l’activité des sociétés étrangères en matière de recherche et d’exploration des hydrocarbures. «Cette décision, qui intervenait au plus fort du conflit arabo-israélien, venait boucler un long processus de négociations, entamé en 1967, pour la récupération des richesses nationales à travers, notamment la reprise des intérêts des grandes multinationales telles que BP, Esso, Shell ou encore Mobil en Algérie». Il y a eu un impact certain dans les milieux politiques et financiers occidentaux, mais également dans les pays du sud, qui y ont vu la possibilité pour eux également, de négocier la nationalisation de leurs richesses minières. Autrement dit, la décision de l’Etat Algérien d’alors n’eut pas seulement des retombées positives sur l’économie nationales mais inspira aussi les États du sud à faire comme l’Algérie en procédant à la nationalisation de la richesse de leur sous-sol. Selon le ministre de l’Énergie et des Mines, Youcef Yousfi, les exportations algériennes en pétrole et en gaz ont généré plus de 800 milliards de dollars de revenus depuis la nationalisation à ce jour. C’est dire que le développement du pays est dans une large mesure due aux sources énergétiques de l’Algérie.  

Sadek A. H.

Partager