Tala Amara, un village… une histoire

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Tala Amara est le plus grand village des 17 que compte la commune de Tizi Rached. Entouré de Tala Mahriz, Tala Toulmouts et Bousmahel, entres autres, il est considéré, non seulement comme étant le carrefour des villages avoisinants, mais aussi comme l’espace le plus animé de la région, durant toute l’année sur le plan économique et socioculturel.

Et ce n’est, surement, pas par hasard que le premier festival du théâtre ait été tenu dans cette bourgade en 1998. Connu par sa superbe mosquée à l’architecture typiquement berbère, une particularité en Kabylie, et par le défunt journaliste de la télévision algérien (1987-1993), Smaïl Yefsah, assassiné le 18 octobre 1993 à Bab-Ezouar près d’Alger, ce village de 2 189 habitants se situe à une quinzaine de kilomètres à l’Est de la ville de Tizi-Ouzou. De ses 300m d’altitude, il domine la vallée de Sébaou, le territoire historique des Amraoua, ainsi que l’ancien champ d’aviation militaire française (Actuelle usine ENIEM).

Histoire et société

Comme pour la majorité des lieux habités, les noms des villages de Kabylie sont des noms composés, soit à base d’homme, de montagne, d’eau, de plante, de champs, etc, et ce, dans le but de l’identification de différentes populations. C’est le cas du nom «Tala Amara» qui est composé de deux mots : Tala + Amara. Le nom kabyle «Tala» désigne une fontaine, mais pour le mot «Amara», on avance plusieurs hypothèses qui nous renseignent, plus au moins, sur l’histoire de ce village et l’interprétation du toponyme de ce lieu. Selon nos informateurs que nous avions interrogés sur place, la fontaine a été construite par les Turcs en 1690, première hypothèse. Pour la deuxième hypothèse, le mot «Amara» viendrait du verbe remplir ou truffer. Allusion faite à la présence massive des gens dans cette fontaine qui ne désemplit pas tout en long de l’année, contrairement aux quatre autres qui seraient peu fréquentables. La troisième hypothèse est liée en la personne d’Amara Ou Yebrahim qui sollicita les Turcs pour la construction d’une fontaine, comme son vœux a été exaucé elle portera, donc, son nom. La quatrième et la dernière hypothèse parle d’un certain Amara, fils de «Taâbit» coordinatrice de la tribu de Tamda. À ce jour, un lieu près de Tamda porte le nom «Taâbit». Selon Aberrahmane Yefsah et cité dans son récent ouvrage «Souviens-toi, ô Algérie, de Smaïl et de tous les autres», les deux enfants de Taâbit, Amara et Athmane, se sont rendus coupables d’un délit dont le châtiment était la mort ou le bannissement. Dans l’intérêt de la communauté le conseil leur suggéra une sortie de la sanction, il leur proposa de trouver, chacun, une source d’eau. Aussitôt dit, aussitôt exécuté et les villages créés autour de ces sources, portèrent leurs noms : Tala Athmane, Tala Amara.

Une mosquée à l’architecture typiquement berbère

D’après Youcef Yefsah, l’initiateur du projet, l’idée de la construction de cette sublime mosquée est le fruit du hasard. «Un jour, je suis passé par Hydra, où j’ai vu une mosquée toute décorée de symboles berbères ce qui m’a donné l’idée de proposer une comme ça dans mon village, d’autant plus que j’étais maire de Tizi Rached. J’ai, alors, tout mis en marche pour qu’elle soit construite», nous dira M. Yefsah, nonobstant les difficultés d’ordres idéologiques auxquelles il avait fait face par la suite. «À l’époque, quelques énergumènes semaient une certaine zizanie au village, dans le but de nous dissuader d’abandonner le projet. À leurs yeux, nous étions des égarés à la solde des chrétiens. Même les autorités de l’époque étaient de la partie, ils ont essayé de nous mettre les bâtons dans les roues. Si ce n’était notre détermination et notre persévérance, cette mosquée n’aurait jamais vu le jour. La wilaya a dépêché même, une commission pour étude des voies et moyens de sa démolition. Juste après la fin de mon mandat à l’APC de Tizi Rached dans les années 1980, j’ai été incarcéré pour des chefs d’inculpations fictifs et les travaux de la mosquée se sont, de ce fait, arrêtés. Après avoir été amnistié par Chadli, j’ai pu continuer, avec l’aide du comité du village, ce projet», Conclura M. Yefsah.

Une météorite sur la place du village ?

Sur ce point, aussi, et en l’absence d’une étude scientifique du rochet afin de confirmer ou d’infirmer, avec exactitude, sa provenance d’un astéroïde, des avis divergents. Difficile de distinguer le mythe de la réalité. Une chose est sûre : le rochet est protégé et entouré de barreaux de protection. Il est même sacralisé au point où des bougies ont été souvent, allumées par quelques visiteurs. «À un moment donné des salafistes ont voulu le saccager», nous murmure un citoyen. Pour la majorité de la population, et en se basant sur sa forme qui est très différente des pierres ordinaires, ce rochet serait une météorite. Il y avait même ceux qui avançaient une date à ce propos. Il serait tombé en 1770. Par contre, d’autres sont convaincus que le rochet fut dressé à cet endroit comme témoin d’un pacte de paix que le saint Sidi Hend Aseklaoui, le saint du village, avait scellé entre des visiteurs en conflit et qui avaient sollicité sa médiation, d’autant plus que le lieu porte le nom «Tazrout N Lfatiha» (La pierre de Fatiha). Ils disent que le saint a prononcé la Fatiha du coran en ce lieu, en guise de cet arrangement.

Le saint Sidi Hend Aseklaoui et l’exhérédation de la femme en Kabylie

La société kabyle et depuis la nuit des temps, dispose d’un règlement intérieur (Taseghlit ou Lqanoun), un véritable code civil et pénal qui permet à l’assemblée générale (Tajmaât) de légiférer, délibérer et exécuter ses décisions en toute souveraineté. Ce règlement puise ses racines dans les rapports qui régissent la société que ce soit, des rituels funéraires, des pratiques religieuses ou autres faits culturels. En 1748, alors que les Turcs épousèrent, déjà des femmes kabyles et par voie de conséquence, héritèrent leur terre. Une réunion des tribus des Ath Irathen, Ath Jennad, Ath Ghoubri, Ath Fraoucène et autres fût programmée en urgence à Djemaâ Saharidj pour l’exhérédation de la femme en Kabylie. Une pierre salique fût érigée en souvenir et comme témoin de cet exclusion de la femme de l’héritage. Pour les Kabyles, la terre est sacrée quitte à se détacher des applications civiles du coran, et c’est pour cette raison, justement, que le saint Sidi Hend Aseklaoui, présent à cette réunion, d’après des récits oraux, ait exilé en Syrie après avoir été contrarié et contraint, par ricochet, d’assumer cette décision.

Quelques personnalités de la région

Smaïl Yefsah : journaliste à la télévision algérienne. Né le 29 octobre 1962. Assassiné le 18 octobre 1993 à Bab-Ezouar.

Sidi Hend Aseklaoui : un saint du village. Le cimetière de la localité porte son nom. Son mausolée reçoit encore des visiteurs.

Amar Ouyacoub : natif de Tala Amara et non d’Ath Yacoub. Yacoub est un surnom. Quad il était petit, un vieux du village le voyait avec un petit chacal et il lui lança cette phrase «Voici Amar et Yacoub», allusion faite au chacal. Très célèbre par ses sketchs à la chaîne 2 de la radio nationale. Il a participé à plus de 1 000 films, dont celui avec Jean Gabin.

Abdelkader et Abderrahmane Yefsah : des écrivains. Parmi les ouvrages de Abderrahmane, on peut citer : «… Et Caïn tua Abel» et son dernier «Souviens-toi, ô Algérie, de Smaïl et de tous les autres».

Koceila Hamadini : champion d’Afrique du karaté.

Lyes Izri : ancien joueur de la JSK et actuellement membre du comité pour la sauvegarde de la JSK.

H. Moula.

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