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Entretien avec la directrice de la clinique Sbihi, Mme Yebdri Saadia : «La situation est difficile mais pas monstrueuse»

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Mme Yebdri Saadia, actuelle directrice de la clinique Sbihi, une mère de 5 enfants avant tout et qui a gravi tous les échelons de l’administration hospitalière pour devenir directrice, a déjà à son actif une carrière de 23 ans. Directrice d’un établissement hospitalier à la wilaya de Tipaza a été le dernier poste qu’elle a occupée avant sa venue à Tizi-Ouzou, il y a deux mois. Mme Yebdri a bien voulu répondre aux questions de notre quotidien.

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La Dépêche de Kabylie : Voulez-vous nous présenter votre établissement ?

Mme Yebdri : L’établissement hospitalier Sbihi est une unité mère-enfant. C’est le seul point d’urgence disponible à travers la wilaya de Tizi-Ouzou. Il accueille des parturientes et des malades de plusieurs wilayas, comme Bouira, Boumerdès, Béjaïa et parfois d’Alger en plus des malades de notre wilaya. Sa capacité d’accueil réelle est de 72 lits. Mais notre établissement est largement dépassé. Laissez-moi vous citer par exemple ce que nous avons reçu, avant-hier, 25 avril. 38 admissions, 19 accouchements par voie naturelle et 10 césariennes. Il y a des jours où cela est largement dépassé. Nous disposons actuellement de 8 gynécologues mais à partir de juin, avec les départs à la retraite et la fin du service civil pour certains médecins, nous nous retrouverons avec seulement 4 médecins et comme en été l’affluence est beaucoup plus nombreuse, il faut vite faire quelque chose. Normalement, il est prévu un renforcement en effectif pour atteindre 10 gynécologues.

Certaines gardes n’ont pas été assurées pendant ce mois d’avril. Pourquoi ?

En effet, les gardes n’ont pas été assurées car un médecin a déposé un arrêt de travail à la dernière minute. Nous avons alors fait des mains et des pieds pour réussir à convaincre un autre spécialiste de l’établissement, que je remercie au passage pour sa volonté qui a assuré seulement les cas les plus urgents.

Est-ce que la clinique Sbihi oriente des parturientes vers les cliniques privées ?

Jamais et grand jamais. Ce sont les parents qui s’affolent et qui décident d’emmener leurs parturientes vers le privé. Parfois, ils ne respectent pas l’avis de nos médecins et s’empressent d’aller chez le privé.

Pourtant chez le privé elles accouchent immédiatement, il fallait donc les prendre en charge chez vous, n’est-ce pas ?

Non pas forcément. Le privé ne refuse jamais de faire accoucher une parturiente même si elle peut attendre encore quelques jours. Quand une césarienne est pratiquée à hauteur de 80 000 DA, ce n’est jamais de refus pour les cliniques privées. Je profite de cette occasion pour rendre hommage au personnel de la santé publique, toutes catégories confondues, qui travaille souvent dans des conditions difficiles et avec peu de moyens mais qui ne lésine pas sur les efforts.

Les interventions et le piston seraient une règle d’or pour faire admettre une parturiente dans votre établissement, qu’en dites-vous ?

Nous subissons une pression terrible et recevons des appels à la pelle venant de toutes les parties. Il faut laisser les médecins faire correctement leur travail, car ils sont les seuls habilités à faire admettre ou non une patiente dans note établissement.

Les médecins résidents peuvent contribuer à l’amélioration de la prise en charge des parturientes, qu’en est-il sur le terrain ?

En effet, les médecins résidents apportent beaucoup dans la prise en charge des malades. Il est donc souhaitable de renforcer le service par des médecins résidents mais il faut aussi créer un cadre plus organisé et plus discipliné. Il nous faut aussi un maître assistant chef de service pour assurer leur encadrement médical et pédagogique. Sur ce sujet, je voudrais remercier le CHU de Tizi-Ouzou, particulièrement le Dr Abrous, pour l’aide qu’il nous apporte.

La clinique Sbihi est devenue un cauchemar pour les parturientes qui appréhendent une hospitalisation. Pourquoi ?

L’établissement a une réputation difficile, surtout depuis le décès de plusieurs parturientes en 2012. À présent, je les rassure que même si la situation est encore difficile mais elle n’est pas monstrueuse, autant qu’on veut le faire croire. Il faut juste une nouvelle organisation, notamment en période estivale, où on atteint le pic des admissions et des naissances. L’idéal serait d’alléger la clinique Sbihi pour rendre plus performant les pôles de garde de la périphérie, tel que celui d’Azazga à titre exemple, qui prend en charge les parturientes de cette région.

Nous vous laissons le soin de conclure…

J’appelle l’ensemble du personnel de la santé publique à plus de mobilisation et à conjuguer les efforts pour garantir des soins efficaces et efficients à nos malades en général. Je sais qu’ils travaillent dans des conditions difficiles, c’est pourquoi je leur tire chapeau bien bas. Je les appelle aussi à plus d’engagement, de conscience et de discipline car nul n’est à l’abri. On peut tous tomber malade et à ce moment on aura besoin, surtout, du secteur publique qu’il faut préserver et rendre plus performant. Les malades, c’est parfois nous-mêmes, nos amis, nos voisins, nos parents, nos enfants et nos concitoyens, personne ne vient de la planète mars. C’est pourquoi, nous devons tous nous mobiliser pour vaincre les maladies. Merci à votre quotidien.

Entretien réalisé par Hocine T.

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