“L’Algérie a manqué le coche”

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Akli Moussouni est ingénieur agronome et expert en développement, intervenant auprès du programme européen Diversification de l’Economie (DIVECO) et de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ).

Les superficies réservées à l’oléiculture sont passées de 150.000 hectares en 1999 à 450.000 ha en 2015, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture. Toutefois, sur le terrain, la réalité est toute autre comme l’explique Akli Moussouni, ingénieur agronome et expert intervenant auprès du programme européen Diversification de l’économie (DIVECO). Pour cet expert, l’Algérie a manqué le coche pour se placer en bonne position dans le domaine de l’oléiculture. «Curieusement, on ne fait plus allusion au ‘’programme du million d’hectares’’ 2010-2014 qui avait effrayé nos ‘’frères’’ voisins paniquant à l’idée de voir surgir une nouvelle oliveraie concurrente. D’ailleurs, le gouverneur de Monastir (Tunisie), m’a interpelé en marge du Salon international de l’olive, Huile d’olive et dérivés de l’olivier MED MAG D’OLIVA, pour me dire ‘’où en êtes-vous avec votre million d’hectares ?’’. Je suis convaincu qu’il s’est calmé en apprenant qu’en fait, c’était juste un pétard mouillé lancé en grande pompe par le ministère de l’Agriculture», dira-t-il. Pour l’ingénieur, le résultat était prévisible étant donné qu’il était impossible de réaliser une plantation de 200.000 ha/an alors que la pépinière algérienne est incapable de fournir les plants pour les besoins de 15.000 ha. L’Algérie a donc échoué dans son projet d’oliveraie qui aurait pu la placer au 2ème rang des producteurs après l’Union Européenne. Akli Moussouni estime ainsi que «le ministère de l’Agriculture a perdu sa crédibilité par rapport à ses statistiques toutes erronées, colmatées par l’importation de tout. Celles des plantations d’oliviers ne font pas exception», déclare-t-il

«Parler de l’exportation de l’huile d’olive dans ces conditions est un délire»

L’exportation de l’huile d’olive demeure toujours tributaire d’une qualité de l’huile algérienne qui ne répond pas aux normes internationales, car «atteignant un taux d’acidité de 6 à 7%, alors que le taux d’acidité de l’huile extra vierge doit être inférieur à 0,8%», indique M. Moussouni. «L’exportation de l’huile d’olive algérienne est hypothéquée, soit par sa qualité loin de répondre aux normes du COI (conseil oléicole international) ou par rapport à son prix largement au-dessus des niveaux concurrentiels. Souvent, cette huile est conditionnée et commercialisée en vrac ou dans des emballages de récupération. Parler de l’exportation de l’huile d’olive dans ces conditions est un délire», affirme l’expert.

Tous les produits agricoles algériens connaissent la même problématique selon M. Moussouni, et il n’y a aucune stratégie de commercialisation. «Pour le cas de l’huile d’olive en particulier, il faut d’abord la produire en quantité importante et stable pour fidéliser la clientèle. Il y a une chance à saisir par rapport aux marchés extérieurs, à notre portée en l’occurrence, ce sont les marchés nostalgiques et ethniques des communautés d’origines algériennes en Europe et ailleurs. Mais, l’opportunité importante demeure le marché national. Hélas, l’algérien consomme actuellement moins de 1 litre par an et par habitant, loin derrière le tunisien avec 8 litres, l’italien 12 litres et le grec 20 litres», indique-t-il en ajoutant que la mévente de l’huile d’olive n’est pas une fatalité. En termes de quantité d’huile produite, l’expert affirme qu’il est difficile de l’évaluer en l’absence de mécanismes fiables des statistiques, mais «on peut l’imaginer autour de 10 000 tonnes alors que par rapport à une année faste, elle se situerait autour de 40 000 Tonnes», estime-t-il

La terrible bactérie «xyllela fastudiosa» qui sévit dans les vergers oléicoles en Italie depuis 2013 et qui a été détectée en Corse en juillet dernier, demeure une menace permanente et non négligeable en Algérie. Pour l’expert, c’est une menace de plus. «Il faut d’abord éviter d’importer cette bactérie d’Europe à travers les outils d’entretien d’occasion (sécateurs, scies, matériel aratoire, filets de récoltes,…) par le biais des touristes ou importateurs. Mais déjà le verticiliose et la remontée des sels ont décimé des centaines de vergers en l’absence d’observatoires qui doivent alerter les instituts techniques concernés», constate l’expert en ajoutant que certaines souches de la bactérie xyllela fastudiosa sont responsables de maladies mortelles ou potentiellement mortelles pour l’olivier. L’Algérie, membre pourtant du Conseil oléicole international depuis 1963, n’a pas pu redynamiser sa filière, et pour M. Moussouni : «l’Algérie n’a aucune place dans ce conseil, ni pour l’huile d’olive ni pour les autres produits en dehors du pétrole. L’Algérie est membre de ce conseil depuis sa création, mais elle ne profite de rien par rapport à cette position. Personnellement, je ne vois pas l’utilité de cette présence».

Ahmed Issaâd

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