La colère des travailleurs s’accentue

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Depuis la journée de protestation organisée le 4 février dernier, la colère et la crise sont toujours d’actualité à la briqueterie de Freha située à une vingtaine de kilomètres à l’Est du chef-lieu de Tizi Ouzou. Une semaine après, nous retournons sur les lieux. Il est 9h, plusieurs dizaines de travailleurs sont rassemblés devant l’entrée principale. La section syndicale UGTA qui a organisé les protestations a déposé un préavis de grève. Mais immédiatement refusant l’expiration du délai du préavis, le collectif des travailleurs a repris le mouvement de protestation. La colère des travailleurs s’est focalisé sur le directeur de cette entreprise, contre lequel un réquisitoire sévère a été dressé. D’ailleurs depuis samedi dernier les travailleurs ont radicalisé leur mouvement, le directeur a été refoulé et depuis, on lui interdit l’accès de l’usine. Cette radicalisation fait suite au refus du directeur de dialoguer avec les travailleurs et qui aurait engagé des actions disciplinaires contre eux suite à la journée de protestations. “Le directeur général a choisi le pourrissement par des agissements irresponsables en engageant des actions disciplinaires et des intimidations et mettant en congé d’office une partie des travailleurs à la place d’une ouverture de dialogue serein et responsable”, peut-on lire dans la déclaration de ce collectif des travailleurs. Le comportement du directeur est qualifié de “répressif et provocateur”. La situation dont laquelle s’est retrouvée l’entreprise depuis l’arrivée de ce directeur en août 2005 est qualifiée de grave et accuse celui-ci de “dictateur et de liquidateur”. Pour cela, à travers cette déclaration, les travailleurs en colère affichent leur détermination à “faire barrage au bradage planifié et faire échec à la fermeture programmée de l’entreprise”, peut-on toujours lire dans cette déclaration. Dès notre arrivée, les travailleurs nous entourent et chacun à sa façon tente d’exprimer sa colère en nous relatant les problèmes rencontrés mais surtout ils expriment leur profonde inquiétude au sujet des lendemains incertains qui planent sur leur firme.Les travailleurs parlent “de la réduction de 50% dans la production”, “de la réduction des effectifs d’équipes de travail”, “de gaspillage de matières premières et de refus d’achat de pièces détachées”, sont entre autres les propos qu’on peut retenir dans le brouhaha des travailleurs. “Nous sommes sans salaire depuis trois mois. Pis encore, on nous impose des mesures de travail draconiennes et injustes et dès qu’on s’est opposé on tente de nous infliger des sanctions et des décisions de licenciement”, nous dit l’un d’eux. Et à un autre d’enchaîner : “Ce directeur, c’est lui qui a liquidé l’ERHTO et maintenant on a fait appel à lui pour liquider la notre et le coût de revient de sa prise en charge globale revient à 300 000 DA par mois à l’entreprise”, dénonce-t-il. Les employés demandent aussi la dissolution du comité de participation contre lequel, un retrait de confiance a été fait. Un sexagénaire, visage abattu s’est rapproché de nous et nous a déclaré : “On nous met devant le fait accompli, soit le chômage ou le départ volontaire. Je suis illettré, je suis terrorisé et je ne sais pas quoi faire”, déclare-t-il. Selon ces travailleurs dans le plan de redressement, “les responsables prévoient une réduction de l’effectif de 127 à 223 employés et tous les moyens sont bons pour le faire”, dénoncent-ils. Et d’ajouter : “Pour déstabiliser le mouvement de protestations, l’on a attribué d’office des titres de congés à une quarantaine de travailleurs. L’on a procédé à la réfection de la cheminée, alors que ce n’est pas le moment et pire, l’on a fait appel à des étrangers, alors que nous avons nos propres techniciens”, disent-ils.Pour eux, ce plan de redressement est un “plan de fermeture et de liquidation de cette briqueterie alors qu’elle constitue une mine d’or qui peut réussir et s’épanouir”, nous a-t-on déclaré.En l’absence du directeur après qu’il est été empêché d’accéder à l’entreprise, nous avons sollicité le représentant du comité de participation qui a bien voulu nous recevoir. La discussion avec lui a duré plusieurs heures. Le président du comité de participation s’est attardé sur une infinité de détails, pour tenter d’expliquer la situation, mais aussi, il a voulu nous relater l’historique des déboires de cette firme depuis 2000 et ce, avant de répondre aux accusations portées contre lui par les travailleurs en colère. Selon lui, la situation actuelle est la conséquence directe de l’ancienne équipe dirigeante depuis 2000 à juin 2005.Pour lui, les 2/3 requis par la loi pour sa destitution ne sont pas réunis. “S’ils veulent mon départ il n’ont qu’à réunir les 2/3 et je partirai”, déclare-t-il.Selon lui, le plan de redressement est le troisième du genre qui enclenché depuis 2002.“Depuis 2002, on paye les travailleurs avec l’argent du matériel vendu aux enchères et avec les dettes des fournisseurs”, dénonce-t-il et d’ajouter : “A son arrivée, le directeur a trouvé une dette de 4 milliards de centimes et une entreprise vidée de ses investisseurs”.Le responsable reconnaît tout de même que les travailleurs n’ont jamais été réuni par le directeur, mais selon lui des contacts infructueux ont eu lieu entre le directeur et la section syndicale.Pour lui, “la cheminée de l’entreprise est obstruée. Elle date de 2001. Sa réparation durant cette période intervient après la rupture du gaz qui a eu lieu”, dit-il. Le responsable reconnaît aussi que “les nouvelles conditions de travail par équipe sont durs et les travailleurs ne peuvent pas supporter ces réductions d’effectif”. Il reconnaît aussi la célérité avec laquelle certains documents ont été établis. Selon lui, le responsable n’a pas l’intention de licencier les travailleurs.Selon lui, un plan de redressement s’impose “soit on accepte des sacrifices, soit c’est la mort à petit feu de l’entreprise”. Il déclare par ailleurs que seulement 64 travailleurs sont en grève. Les travailleurs de leur côté affirment le contraire. “Pour preuve, vous avez bien constater que l’entreprise est totalement paralysée”, nous déclarent-ils.Une certitude tout de même, l’entreprise connait une grande crise, la production qu’elle assure est très demandée sur le marché du bâtiment en plein essor, la firme est réellement une mine d’or, son redressement et sa relance restent très possibles à condition que les pouvoirs publics viennent à son secours et que les deux parties en conflit tentent de voir les choses autrement.

M. H.

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