Les villageois bloquent la RN5

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Les villageois de Thameur ont barricadé la RN5, hier matin, pour protester contre leurs conditions de vie qu’ils jugent «déplorables» et même dangereuses lors des rudes conditions climatiques, comme lors des dernières averses qui se sont abattues sur la région.

Ils étaient plus d’une cinquantaine de contestataires à investir le bitume, en bloquant la chaussée à l’aide de pneus et autres objets hétéroclites et ce devant les éléments de la gendarmerie qui avaient été dépêchés sur les lieux pour tenter d’apaiser la situation. Des jeunes en furie ne voulaient rien entendre et il aurait fallu l’intervention de personnes sages pour tenter un semblant de dialogue. «Nous voulons voir le chef de daïra et le maire immédiatement pour qu’ils constatent de visu l’état dans lequel nous et nos familles vivons. Nous nous sommes déplacés plus de cinq fois à Bouira pour tenter de les voir et de discuter avec eux, mais personne n’a cru bon de nous recevoir. Aujourd’hui, c’est à eux de se déplacer sinon, nous, nous ne lèverons pas le camp et la RN5 demeurera fermée à la circulation autant de jours qu’il le faudra», tempête Ali, un jeune père de famille. Les gendarmes, en voyant la colère qui s’est emparée des jeunes, ont immédiatement saisi leur hiérarchie et ont fait savoir aux protestataires que les responsables, le maire de Bouira ainsi que le chef de daïra en l’occurrence, allaient venir mais qu’il serait souhaitable de surseoir à cette action de fermeture de route. Les villageois, ne voulant rien entendre, la circulation a été déviée de manière anarchique à travers champs, non sans créer un bouchon immense dans les deux sens.

Les gourbis

de la colère

A l’origine de cette colère, les habitants de Thameur, village socialiste érigé en 1973 en pleine révolution agraire, disent vivre dans des conditions des plus pitoyables. A proximité de ce village, un immense bidonville s’étend sur plusieurs hectares de terre agricoles. «Nous sommes venus nous installer ici en 1973 et avions à l’époque des terres à cultiver. Aujourd’hui, les maisons que nous habitons sont devenues exiguës et nos enfants en âge de fonder des foyers ont été obligés d’ériger des bicoques à proximité pour pouvoir y vivre. Regardez comment l’Etat nous a ignoré en n’éradiquant pas l’habitat précaire et en ne nous fournissant pas les commodités inhérentes à un minimum de bien être pour vivre dignement», déclarera Abdelkader, un quinquagénaire dont deux de ses enfants ont construit quatre pièces en parpaings bruts. Pour les habitants de ce bidonville géant, plusieurs contraintes et non des moindres sont leurs lots quotidien. «Lors des dernières pluies, toutes les eaux usées sont remontées dans nos demeures, il y a même eu le cas d’une électrocution car le niveau d’eau était monté au-dessus d’une prise électrique. Nous l’avons échappé de justesse», s’indignera Ali qui nous désignera du doigt des fils électriques pendouillant anarchiquement entre chaque demeure. Des rétrocessions électriques anarchiques et n’impliquant nullement les services de la SDC. Entre les ruelles en terre battue et ces taudis, d’immenses cloaques d’eaux usées d’où s’échappent des relents malodorants. Il s’agirait de réceptacles de tout-à-l’égout n’ayant pas été raccordés au réseau d’assainissement. «Ici les moustiques sont légion et on se demande par quel miracle personne n’a contracté de leishmaniose ou d’autres zoonoses», s’interroge notre accompagnateur. Par ailleurs, en plus de cette situation assez délicate, d’autres manifestants présents sur place se disent inquiets par la tournure de récents évènements. «L’insécurité se fait de plus en plus ressentir dans notre localité. Récemment encore, un jeune homme a été agressé à proximité de chez lui, c’est un policier qui n’était pas de service ce jour-là et qui a été délesté de ses biens. D’autres vols et cambriolages ponctuent le quotidien des habitants de Thameur et nous demandons à ce qu’un commissariat ou du moins un poste de police soit installé dans ce village», dira un retraité. Il faut dire que les gendarmes effectuent régulièrement des rondes dans cette localité et ce de l’aveu même de l’un d’eux rencontré hier matin sur les lieux. Mais cette présence des forces de l’ordre ne semble pas inquiéter outre mesure les malfaiteurs sévissant dans cette bourgade. D’autres voix se sont élevées également pour faire part du taux de chômage caractérisant ce village socialiste. «Nous demandons du travail. Nous ne sommes pas fainéants. Nous voulons vivre dans la dignité et même ça, nos responsables ne l’ont pas compris. Nous en avons marre de végéter à longueur de journée», s’insurge un jeune manœuvre. Aux alentours de midi, aucun des responsables concernés n’avait daigné se rendre sur les lieux de la protesta, situation qui a accrue davantage la grogne des villageois qui voyaient en cette absence, un signe de «négligence et d’abandon». La RN5 demeurait toujours fermer à la circulation à l’heure où nous mettons sous presse.

Hafidh B.

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