L’Aïd, combien ça coûte ?

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Après un mois de Ramadhan chargé en dépenses, les familles algériennes se retrouvent encore une fois confrontées aux nombreux débours de l’Aïd El-Fitr.

Chose qui n’est pas facile pour celles d’entre elles qui ne disposent pas de gros moyens. À l’instar de toutes les autres régions du pays, l’Aïd cette année intervient à Tizi-Ouzou dans un contexte économique pour le moins difficile, marqué par la crise, dont les répercussions sont déjà ressenties par les familles, qui ont vu leur pouvoir d’achat nettement baisser. Pour l’Aïd, comme c’est le cas d’ailleurs pour toutes les autres occasions, les parents se démènent pour voir le sourire de leurs enfants, en leur achetant de nouveaux habits. C’est devenu presque une obligation, pour ne pas dire une tradition, à laquelle nul n’échappe, peu importe la situation. Rentrer dans le moule et faire comme tout le monde est le combat de tous les parents, malgré les difficultés. Seulement, combien coûteront aux parents ces nouveaux vêtements pour les enfants ? Pour le savoir, nous avons suivi une famille à travers les différentes boutiques de la ville. Le papa est un fonctionnaire à l’APC, un attaché d’administration, son revenu ne dépasse pas 28 000 DA. La maman, quant à elle, travaille comme commerciale pour 30 000 DA. Leurs enfants, Saïd, Nalia et Karim, âgés respectivement de 8, 5 et 4 ans, sont très enthousiastes à l’idée d’avoir des habits neufs. Sur la route du CHU, un magasin a attiré l’attention du père : «Les prix sont affichés sur la vitrine avec la mention promotion ! Ça à l’air intéressant», dira-t-il. A l’intérieur, un monde fou, «il est même difficile de parcourir les différents rayons pour choisir», a fait remarquer la maman. «Des pulls à 800, 1 200 et 2 400 DA, des pantalons à 1 000 ou 2 700DA, des casquettes à 700DA, des robes à 1800, 2600 et 3200DA», lisait la mère à haute voix. La famille s’est mise d’accord pour commencer par les achats du plus petit. «Normalement, je dois acheter à Karim au moins deux tenues, il grandit vite et la rentrée est pour bientôt aussi», dira la maman. «Ce pull lui ira bien, en plus il ne coûte pas trop cher, 1 800DA, et c’est du coton». Le père repéra un short : «On lui prend ça si tu veux, c’est à 2 800DA mais c’est beau». Juste à côté, un couple en pleine discussion : «Attention, il ne faut pas dépasser les 15 000DA». Le père nous explique que c’est le budget consacré aux achats de l’Aïd pour leurs deux enfants : «On ne peut se permettre des dépenser plus après la saignée du Ramadhan. L’essentiel c’est qu’ils aient de nouvelles tenues. Nous allons opter pour des vêtements légers, c’est l’été et ça nous revient moins cher (…)».

«Pas assez cher mon fils !» ?

En revenant vers la première famille, la maman avait pris une casquette pour son petit. «C’est une nécessité en ces temps de chaleur», dit-elle avant d’ajouter : «Mais ce n’est pas normal qu’une simple casquette coûte 900DA. On lui rajoute juste des sandalettes et pour la rentrée on verra après». «Nalia veut une robe de princesse, je n’en vois pas ici, allons de l’autre côté», «oh, ça coûte cher !», «3500DA, 3800DA, 4500DA». La petite avait déjà fait son choix : «Je veux celle-ci», dira-t-elle. «On ne peut pas ne pas lui offrir cette robe, cela fait quelques temps qu’elle la demande, depuis qu’elle a vu sa cousine la porter, mais on lui prend celle à 3 500DA. Je lui rajoute des ballerines et c’est bon», dit la maman. Pour le plus grand, Saïd, c’est une autre paire de manches. Le garçon de 8 ans est exigeant et rien ne semble lui plaire. Son père tente de le presser : «J’espère que tu as repéré quelque chose». Le fils répond : «Oui, j’ai vu un beau pantalon, de l’autre côté». Le père, soulagé : «On demande ta taille et on le prend». Le pantalon en question coûte 4 200DA, mais le père ne discute même pas. «Il reste à prendre un t-shirt et si tu veux une casquette et on ira dans le magasin d’en bas pour acheter les chaussures», se contentera-t-il de dire. Après beaucoup d’hésitation, le choix du garçon s’est porté sur un T-shirt à 2 800DA et une casquette à 1 100DA. C’est l’heure de passer à la caisse. L’adition se monte à 17 100DA, en attendant les autres achats. Descendant vers La Tour, la famille rentre dans un magasin de chaussures pour enfants, il y en a pour tous les goûts visiblement. À peine arrivé, Saïd, l’aîné, repère une paire de baskets : «J’ai trouvé ce que je veux», lance-t-il à ses parents. La paire coûte 3800DA, le père se réjouit que son fils n’ait pas opté pour une paire plus chère. La maman, visiblement fatiguée, avait entre temps pris une paire de ballerines qui irait bien avec la robe de sa fille. «J’ai trouvé une paire à 2 200DA, c’est la moins chère, j’ai aussi trouvé des sandalettes à 1 800DA pour Karim», dit-elle pas peu fière. «On passe à la caisse et on s’en va», ajoutera-t-elle. Une autre facture à 7 800DA. Un total de près de 25 000DA pour cette famille. Ceci dit, les dépenses de l’Aïd, pour cette famille et les autres, ne se limitent pas bien évidemment aux habits des enfants. L’on apprend de la famille que nous accompagnons que «pas moins 10 000DA, si ce n’est plus, ont été consacrés aux autres dépenses», a affirmé le papa. Ce qui fera un total de 35 000 DA. Juste une moyenne pour les frais de l’Aïd, un chiffre qui varie d’une famille à une autre, selon le pouvoir d’achat de chacune. La situation est pesante et parfois irritante pour ces parents que nous avons accompagnés, dont le revenu mensuel n’atteint pas cette somme. Il va de soi que l’Aïd ne sera pas le même pour tout le monde. Les dépenses pèseront lourd sur l’ambiance, cette année encore.

Kamela Haddoum.

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