«Un lobby empêche le démarrage de l’EPIC»

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Le vice-président de l’APC de Béjaïa, M. Rachid Mansouri, chargé de la gestion des déchets, des espaces verts et de la protection de l’environnement, traite, dans cet entretien, du pourquoi de l’amoncellement des ordures dans les quartiers de la ville, de la relance des entreprises privées de collectes, des causes qui ont empêché le lancement de l’EPIC de wilaya de collecte et de traitement des déchets et de la remise en service prochaine du CET de Sidi Boudrahem.

La Dépêche de Kabylie : Depuis quelque temps, certains quartiers de la ville de Béjaïa croulent littéralement sous les ordures. Est-ce qu’il y a un espoir pour que ça change ?

Rachid Mansouri : Oui, bien sûr. Ça va changer dans les tous prochains jours. Si Béjaïa croule aujourd’hui sous les ordures, c’est parce qu’en 2017, il y avait des entreprises privées qui faisaient de la collecte des déchets de la commune, par confiance, sans aucun contrat écrit ou un semblant de papier entre elles et la commune. Les membres de l’ancienne APC leur donnaient des assurances quant à leur paiement. Cet état de fait, nous l’avons constaté dès notre installation en janvier dernier. Certaines entreprises n’avaient aucun papier qui les liait à la commune. Impossible de retrouver les traces de leur travail. On ne sait pas comment l’ancienne APC procédait pour régulariser leurs prestations. On a trouvé certains marchés qui faisaient l’objet d’opposition de la part de certaines entreprises concurrentes. C’est de cette situation dont nous avons hérité. Certaines entreprises nous ont quittés dès qu’elles ont appris que nous préparons à lancer un EPIC (Établissement public à caractère industriel et commercial) pour la collecte des ordures, alors que d’autres, qui travaillaient sans papier avec l’APC, nous ont saisis par écrit pour nous dire qu’elles ne travailleraient plus avec nous puisqu’il va y avoir création d’un Epic. Et c’est ce qui a contribué à l’amoncellement des ordures dans les quartiers.

D’accord, mais quelle est la solution? Quand et comment ça va changer ?

Il y a bien sûr une solution. Il y a ce qu’on appelle des marchés à commandes d’une année renouvelables quatre fois, signés en 2017. Ces marchés viennent d’être approuvés par la commission des marchés. Il y a cinq au total, dont deux sont déjà mis en exécution. Le premier prendra en charge le secteur d’Ihadaden Ouadda et d’Ihadaden Oufella avec plusieurs sous-secteurs, et le second est confié à une entreprise qui prendra en charge Taghzouyt 1 et Taghzouyt 2, Tala Merkha, cité Djama, Roussel et Ibouhatmen et ses environs. Ce sont d’anciennes entreprises à qui on a renouvelé les contrats. Il y a aussi trois autres marchés sur lesquels la commission des marchés a statué. Il s’agit du marché pour Sidi Ahmed en général qui est confié à une entreprise, le marché pour la cité Smina en général aussi et le troisième marché qui prendra en charge la cité de Sidi Ali Labhar. Il y a aussi une sixième entreprise qui va arriver et qui fera la collecte des déchets dans les quartiers de Taklaït, Laâzib Oumaamar et la cité Adrar. À cela s’ajoutent les camions de la régie communale qui font actuellement la collecte à Sidi Ahmed, Smina et Sidi Ali Labhar. On va les déplacer sur d’autres secteurs désertés par les entreprises privées. On a, aussi, engagé des entreprises de jeunes pour le balayage et le désherbage des rues.

Dans certains endroits de la ville comme le marché de l’Edimco ou Tala Ouriane, les ordures se sont accumulées pour former de véritables montagnes…

En effet, depuis une semaine ou deux, les amoncellements d’ordures ont doublé, voire triplé de volume. Rien qu’avant-hier, nous avons enlevé toutes les ordures du marché de l’Edimco, pas moins de sept camions au total. Et bizarrement, en fin de journée, la montagne d’ordures est revenue comme si nous n’avions rien fait. Et bien sûr, ce ne sont pas les déchets des riverains. On a découvert que les communes limitrophes comme Tala Hamza et Oued Ghir, entre autres, qui n’ont pas de décharge communale et qui ne peuvent décharger à Boulimat parce qu’elles n’ont pas d’autorisation, viennent déverser leurs cargaisons d’ordures au marché de l’Edimco et ailleurs dans la ville de Béjaïa. Mais on va bien remédier à cette situation.

Qu’en est-il de l’EPIC que tout le monde attend et que vous avez annoncé en grande pompe à votre arrivée à l’APC au mois de janvier ?

L’Epic, c’est la solution à tous les problèmes des déchets. Il y a une flotte importante de camions qui attendent d’entrer en action. Il y a de petits camions pour les petites ruelles, il y a de gros tonnages de 8 m3 pour les grands axes. Avec l’Epic, il y aura l’après collecte, c’est-à-dire le tri sélectif. L’Epic a prévu des bacs de différentes couleurs pour la sélection en amont des déchets. La deuxième chose importante qu’apportera l’Epic, c’est le balayage et le lavage des rues. L’Epic est doté de 240 balayeuses avec bacs chariots. Béjaïa-Net, c’est le nom de l’Epic. Après le balayage et le lavage des rues, des trottoirs et des placettes, l’Epic s’attaquera aux espaces verts.

Mais qu’est-ce qui empêche le démarrage de l’Epic ?

Je l’ai dit au départ, il y a un lobby puissant à Béjaïa qui empêche le démarrage de l’Epic. Parce que l’Epic n’arrange pas les intérêts de certains. Je l’ai dit, j’ai reçu des écrits des entreprises privées qui me disent clairement que s’il y a installation de l’Epic, elles se retireraient. Maintenant, si l’Epic ne démarre pas, c’est qu’il y a des entraves voulues et créées par certains. Je dis et le répète, le nœud du problème se trouve entre les mains d’une seule personne, celles de la trésorerie communale de Béjaïa qui refuse de verser l’argent (les 70 milliards de cts) à l’Epic sous prétexte que le dossier n’a pas été envoyé dans les délais impartis, alors que le projet est inscrit, M. le wali, qui est président de la commission des marchés, a approuvé le marché, l’ODS (ordre de service) a été fait, le contrôleur financier a validé le marché…

Tout ce beau monde est bloqué par une personne ?

Oui, la trésorerie communale. Elle refuse de verser à l’Epic la somme de 70 milliards de cts pour que l’entreprise démarre. N’oublions pas que nous sommes presque au début de la saison estivale, avec l’arrivée de la chaleur et le flux des touristes et qu’il est facile d’imaginer les risques de maladies que les tas d’ordures peuvent provoquer.

Est-ce que cette trésorerie a donné les raisons de son refus ?

Les raisons qu’elle a données ne sont pas vraiment convaincantes. Parce que les 70 milliards ont été votés dans le budget de 2017. L’approbation a été faite en 2017, l’argent est dans le budget de 2017 et non pas dans le budget de 2018. On lui a même présenté l’annexe 37 où figurent les 70 milliards de cts. La trésorerie refuse d’appliquer les textes. Mais Béjaïa doit avoir son Epic comme Sétif, Annaba ou Alger. Elle a acquis tout le matériel roulant nécessaire et ce dernier est immobilisé au lieu d’être rentabilisé.

Le CET (Centre d’enfouissement technique) de Sidi Boudrahem, fermé à la suite de la protestation des riverains pour cause de l’écoulement de lixiviat, est-ce qu’il sera remis en service ou est-il définitivement enterré ?

Concernant le CET de Sidi Boudrahem, il y a une entreprise qui doit être installée pour mettre en place la station de traitement de lixiviat, parce que la première exigence des habitants de la commune de Oued Ghir, qui ont protesté contre le CET, était justement l’écoulement de lixiviat. Ils avaient raison parce que le CET a été ouvert par anticipation alors que l’on devait commencer par mettre en place le matériel adéquat, pour éviter l’écoulement de cette matière. On a acquis cette station de traitement avec tous les équipements qui vont avec pour que ce CET soit aux normes et ne soit plus nocifs aux riverains. Par ailleurs, avec l’Epic, il y aura le tri des déchets de sorte que seuls les déchets ménagers seront enfouis et recouverts de terre végétale. Tous les liquides seront transformés en eau claire, presque potable et sans odeur. J’informe les habitants de Oued Ghir que le CET ne sera plus celui qui a laissé des cauchemars et je les invite à venir constater le fonctionnement ultramoderne du CET.

Entretien réalisé par B. Mouhoub

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