Nouvelles perspectives pour la lutte contre la désertification

Partager

La lutte contre la désertification sur le flanc sud de la wilaya de Bouira prend une importance majeure dans le contexte des changements climatiques et dans la perspective des impératifs de l'aménagement du territoire.

Par Amar N’Aït Messaoud

Lors de la célébration (le 17 juin dernier) de la Journée mondiale de la lutte contre la désertification, la conservation des forêts de la wilaya a tenu à mettre en exergue les efforts consentis par l’État à travers une multitude de programmes qui se sont étalés sur près de quatre décennies, tendant à juguler le phénomène de la perte du couvert végétal, de la réduction de la biodiversité et de l’exode rural. La wilaya de Bouira présente la particularité géographique et écologique de se trouver enserrée dans deux latitudes aux caractéristiques antipodes l’une de l’autre. Au nord, elle commence avec la chaîne du Djurdjura, sous un bioclimat humide, avec une pluviométrie de 1 200 à 1 400 mm par an, ayant permis l’installation d’une riche végétation et d’une faune abondante, au point que les scientifiques et les pouvoirs publics y ont délimité une zone particulière, protégée et faisant partie du patrimoine mondial de la biodiversité: il s’agit du Parc national du Djurdjura, que la wilaya de Bouira partage avec la wilaya de Tizi-Ouzou. À une quarantaine de kilomètres au sud, la wilaya de Bouira plonge dans le couloir steppique du pays, faite de végétation clairsemée et rabougrie de terres dégradées, évoluant sous un régime pluviométrie des plus parcimonieux, n’excédant pas 250 mm de pluie par an. C’est dans cette zone, comprenant les communes de Dirah, Hadjra Zerga, Taguedite, Maâmora et Ridane, que les priorités de la lutte contre la désertification ont été identifiées et intégrées dans les programmes du gouvernement, faisant jonction avec le reste du couloir des Hauts Plateaux du centre du pays: M’Sila, Médéa et Djelfa. La Journée mondiale de la lutte contre la désertification, célébrée le 17 juin, a été une occasion de revenir sur les grands défis écologiques, environnementaux, économiques et sociaux que constitue la lutte contre l’avancée du désert. Une avancée qui n’a rien avoir avec l’idée communément admise au sein de l’opinion, comme quoi ce serait le sable du Sahara qui avance vers le nord. Ce genre de phénomène est observable dans d’autres zones, particulièrement dans le Sahara du nord. Mais dans le cas des Hauts Plateaux, il s’agit principalement de la dégradation des sols in situ; dégradation caractérisée par la perte de cohésion texturale et structurale, le lessivage de la matière organique et des minéraux, d’où une diminution drastique de la fertilité. Il faut dire que les sols situés dans ce couloir du sud de la wilaya sont fragilisés d’abord par le déficit de pluviométrie, ce qui donne une végétation pauvre et xérique, adaptée à la sécheresse.

Les capacités physiques poussées dans leurs «derniers retranchements»

L’action anthropique, dans l’effort fait par l’homme tendant à établir une stratégie de survie, a été d’une telle ampleur- avec le surpâturage ovin mené en extensif et l’exploitation inadaptée du sol pour une céréaliculture de très faible rendement-, que le paysage écologique s’en trouvera perturbée, voire gravement appauvri. D’où une diminution progressive de l’offre fourragère, une érosion intense sur les versants des collines et des montagnes, une raréfaction des ressources hydriques, phénomènes qui ont conduit à une baisse drastique des revenus des ménages et à un fort taux d’exode rural, aggravé par la décennie de l’insécurité des années 1990. Les programmes mobilisés par les pouvoirs publics visant la restauration des sols, la lutte contre les phénomènes érosifs et le soutien aux ménages ruraux (via les actions de mobilisation de l’eau par les ouvrages de la petite hydraulique, l’installation de vergers arboricoles, les plantations fourragères, l’initiation à l’apiculture et à l’aviculture, le désenclavement par l’aménagement et l’ouverture de réseaux de pistes…), ont été prolongés par les programmes d’habitat rural, d’électrification et de raccordement au gaz de ville de plusieurs localités. Les actions agro-forestières conduites par la conservation des forêts ont servi de base et de déclic qui ont appelé d’autres programmes pilotés par d’autres organismes. Il en est ainsi de la ceinture verte oléicole, officiellement lancée en 2010 à Zeboudja, localité de la commune de Dirah située sur une hamada steppique, par le HCDS (Haut commissariat au développement de la steppe). L’administration des forêts y a initié des plantations d’oliviers chez la famille Boubekeur depuis 2001/2002. Elle a prolongé des plantations par le projet d’emploi rural n°2 (entre 2005 et 2010), cofinancé par la Banque mondiale et les projets de proximités de développement rural intégrés (PPDRI), initiés à partir de 2009.

Une «révolution verte» en marche

C’est ainsi qu’une dynamique verte a été enclenchée sur un territoire, allant de Touta à Zeboudja, naguère désertique et… déserté. En plus de la ceinture oléicole proprement dite, d’une superficie de 250 hectares (900 ha à l’échelle des dix communes du sud de la wilaya), des bassins d’accumulation d’eau, des captages de sources et des pistes y ont été réalisés. À cela s’ajoute les modules de ruches qui ont été distribués aux ménages ruraux de la région. Un autre point du territoire de la commune de Dirah ne manque pas d’originalité. Il s’agit de l’actuel village de Biyara, qui n’a jamais existé en tant que tel auparavant. Les programmes de lutte contre la désertification et de développement rural menés par le conservation des forêts de la wilaya de Bouira sur ce site, auxquels s’ajoute le programme d’habitat rural, ont permis de créer un village de près de 600 habitants au pied du versant sud de Djebel Dirah. Ici, les efforts de développement ont dépassé même la notion de «retour des populations» tant mis en avant par les pouvoirs publics au cours de ces dernières années, puisqu’il s’agit de la création d’un nouveau point de fixation de la population, rendu possible par les différents programmes de développement qui y ont été mis en place. L’un des derniers projets que mène actuellement l’administration des forêts dans cette localité, consiste en l’aménagement de pistes rurales améliorées, sur une longueur de 2,5 km. Le projet est en voie d’achèvement. Un des points focaux les plus illustratifs des efforts de lutte contre la désertification sur le flanc sud de la wilaya de Bouira, c’est, à n’en pas douter, la retenue collinaire de Lalouah, construite sur l’Oued El Malah, dans la commune de Dirah. D’une capacité de 210 000 m3, cet ouvrage qui reçoit les eaux des monts Serdoune et Benabdallah, a été réalisé par l’administration des forêts et réceptionné le mois de mai dernier. Dans une zone aride comme l’est cette partie de la wilaya, ce réservoir d’eau constitue une réalisation majeure, à même d’installer un microclimat, de faire bénéficier les agriculteurs d’une offre de diversification des produits (arboriculture irriguée, maraichage) pouvant toucher les deux commune de Dirah et Hadjra Zerga. Le plan d’eau constituera également une zone d’habitat pour les oiseaux d’eau qui ne manqueront pas de s’y installer, à l’image des plans d’eau des retenues des communes de Maâmora et Ridane. Depuis le début de l’année en cours, le barrage vert, réalisé dans cette région au début des années 1980, fait l’objet d’un intérêt particulier de la part de la direction générale des forêts. Une étude portant sur sa réhabilitation et son extension est déjà réalisée par le bureau national des études de développement rural (BNEDER). L’Algérie cherche, pour un tel projet, un cofinancement auprès du Fonds vert pour le climat (FVC), mécanisme financier multilatéral de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Une délégation de l’organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a visité la wilaya de Bouira en mars dernier, afin de faire le diagnostic de la zone du barrage vert et des réalisations qui y sont déjà accomplies.

A. N. M.

Partager