L'Algérie engage une politique de coopération

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Imparablement, la hausse des températures semble inscrite dans la logique des changements climatiques qui sont en train de s'opérer à l'échelle planétaire.

Par Amar Naït Messaoud

La présente saison estivale illustre encore davantage cette tendance lourde, particulièrement dans certains pays d’Europe et en Amérique. En effet, les incendies qui ont affecté les forêts suédoises à la fin du mois de juillet dernier n’ont jamais été observés dans l’histoire de ce pays. Le matériel végétal n’a jamais eu à subir un tel taux de siccité (perte d’eau) résultant de la sécheresse sévissant même sur la partie la plus septentrionale de la planète. La Californie, même habituée à vivre des incendies en été, n’avait pas connu, auparavant, des dégâts entrainant la mort de personnes et l’évacuation de plusieurs milliers de foyers. Quant à la Grèce, elle fait partie du périmètre de feu de la Méditerranée habitué aux incendies, sauf que, pour cette fois-ci, en plus des pertes du couvert végétal, de la faune et de plusieurs maisons et biens, on y a enregistré la mort d’une centaine de personnes. Le thermomètre est en train d’enregistrer des records jamais atteints en France, en Espagne, en Italie et dans beaucoup d’autres contrées. Autrement dit, le réchauffement climatique, qui était, à un certain moment, une hypothèse de travail, puis un phénomène latent se confirmant cycliquement avec la fonte de certains glaciers et la montée du niveau des mers, est devenu aujourd’hui une donnée scientifique avec laquelle il faudra compter. Pays méditerranéen, avec 80 % du territoire enfoncé dans le désert saharien, l’Algérie a pris conscience du phénomène de la désertification, bien avant que l’on commence à parler des changements climatiques. La cause étant l’appartenance de la majorité de son territoire au désert du Sahara, et le constat de l’avancée du phénomène de désertification, surtout au niveau des Hauts Plateaux en direction des monts du Tell. C’est un processus relativement ancien, lié à l’étage bioclimatique semi-aride ou aride du grand couloir steppique (avec une pluviométrie annuelle variant entre 200 et 300 mm/an), mais lié également au système économique en vigueur sur ces espaces, à savoir un élevage ovin extensif qui a mis à rude épreuve le couvert végétal steppique, réduit à la portion congrue. À la suite de quoi, tout un processus de dégradation des sols, de la réduction du couvert végétal, de la diminution drastique de la biodiversité, du dérèglement du régime des eaux et d’autres dommages collatéraux, s’enclenche en acquérant une dimension et un rythme alarmants. Au nord du pays, principalement entre la côte et l’Atlas tellien, où se concentrent les 4,1 millions d’hectares de forêts, les incendies, les défrichements, les constructions illicites, menacent ce faible couvert végétal, source de biodiversité, de séquestration de carbone, de production économique (bois, liège, plantes aromatiques et médicinales…). C’est pourquoi, les défis que devrait relever l’Algérie dans un proche avenir, consistent à préserver, par tous les moyens de sensibilisation, de coercition et de développement, ce couvert forestier, et, au-delà travailler à son extension. Bien des efforts ont été déjà fournis dans ce sens depuis l’Indépendance. Néanmoins, notre pays a encore du pain sur la planche

Établir une résilience efficace

Face aux changements climatiques qui affectent certains pays du Sud sans qu’ils aient pu bénéficier de l’industrie susceptible de générer de tels chamboulements, devant le développement anarchique peu soucieux des impératifs de l’aménagement du territoire, et dans un contexte d’un analphabétisme qui frappe presque sept millions d’Algériens, le processus de désertification, qui affecte des milliers d’hectares de terres fertiles par année, rencontre devant lui très peu d’obstacles. Contrairement à une idée répandue, la désertification ne se limite pas à l’avancée des sables du désert. La désertification se manifeste également, et dans une large proportion, par la stérilisation in situ de terres qui étaient auparavant fertiles et arables. Cette stérilisation est matérialisée par plusieurs phénomènes, à savoir, entre autres, la perte partielle ou définitive de la couverture végétale, l’érosion hydrique et/ou éolienne, les pertes des valeurs agrologiques du sol (éléments organiques et minéraux). Par ricochets, les effets induits par un tel processus de dégradation du sol sont à constater dans la dégradation graduelle du climat local (raréfaction de l’oxygène, diminution de la pluviométrie annuelle, perturbations du mode des précipitations, épuisement des sources, des aquifères et des puits,…). La semaine dernière, au cours des travaux d’élaboration du Plan national contre la sécheresse, le directeur général des forêts, Ali Mahmoudi, a déclaré que «l’Algérie fait partie des vingt pays africains retenus pour l’élaboration d’un plan national contre la sécheresse pour la période 2018-2019, à l’initiative des Nations unies.» Cette initiative entre dans le cadre de la mise en œuvre des décisions approuvées lors de la COP13, tenue à Ordos en Chine, en septembre 2017, de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. Le secrétariat de la Convention a désigné l’expert algérien Safar Zitoune, pour l’élaboration du plan national contre la sécheresse. Il s’agit, selon le DG des forêts, d’ «aboutir à un système fiable et fonctionnel pour faire face au problème de sécheresse et se préparer à une résilience efficace». Le plan contre la sécheresse sera prêt pour le mois de décembre 2018 et validé par le gouvernement en janvier 2018. S’agissant du financement, l’Algérie a, selon Ali Mahmoudi, déjà présenté un certain nombre de projets dans le cadre du Fonds vert pour le climat, relevant des Nations Unies et spécialement réservé à la prise en charge des projets de lutte contre la désertification et la sécheresse et au financement des mesures d’atténuation des émissions de carbone. Le DG des forêts a expliqué que notre pays a fourni un dossier, actuellement sur le bureau de la FAO, pour le cofinancement de la réhabilitation et l’extension du Barrage vert par le Fonds vert pour climat. Cette opération dont devrait bénéficier le Barrage vert a été précédée par une étude élaborée par le Bureau national des études de développement rural (Bneder), exposée devant le ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche dans un séminaire organisé à Boussaâda en 2016.

Réhabilitation et extension du Barrage vert

Sur les collines et les monts qui parsèment ces espaces steppiques dégradés, les pouvoirs publics avaient, dès le milieu des années 1970, conçu une ceinture forestière sous le nom de Barrage vert, allant de l’ancienne wilaya d’El Bayadh à Bir El Ater (Tébessa). Les réalisations ont été confiées aux éléments de l’Armée nationale populaire, sous la conduite technique de l’administration des forêts. Dans les wilayas concernées, on a créé des groupements de travaux forestiers (GTF) et des sous-groupements, dirigés par des officiers appelés du contingent, généralement des techniciens et ingénieurs de métier. Sur les 1200 kms de longueur et les 15 à 20 kms de largeur de l’ouvrage, les travaux étaient basés essentiellement sur des reboisements de collines et de montagnes dénudées, ayant généralement servi d’assiettes de parcours auparavant. Les plantations ont été faites avec une espèce quasi unique, le pin d’Alep, espèce réputée être résistante à la sécheresse. De même, pour accéder à certains sites, des pistes ont été ouvertes et aménagées, parfois en plein versant de montagne. L’armée avait créé ses propres pépinières à partir desquelles elle s’approvisionnait en plants. Malgré le caractère volontariste, patriote et fortement engagé de l’entreprise, des erreurs techniques et de gestion ont été commises. L’ouvrage sera confié, à la fin des années 1980, à des entreprises publiques, les Offices régionaux de développement forestier (ORDF). Au bout de quelques années, le cadre général du Barrage vert, en tant programme spécifique, a été abandonné; les travaux qui vont relayer et prolonger l’ouvrage sont inscrits dans les plans annuels sectoriels. Ce n’est qu’au milieu des années 2000, et face à la menace de désertification qui va s’accentuer et gagner les territoires du nord après les grands incendies, qu’un début de réflexion a surgi à propos de l’éventualité de reprendre le Barrage vert et de le prolonger. En 2012, une étude a été lancée par la direction générale des forêts et confiée au (Bneder), consistant à fixer une méthodologie de réhabilitation et d’extension du Barrage vert. La première phase menée en 2013 a porté sur la délimitation de l’espace traité et à l’établissement du diagnostic global des réalisations (taux de réussite des plantations, raisons de l’échec de certains ouvrages…). Indubitablement, l’un des facteurs essentiels de l’échec des reboisements demeure le pacage. L’évidence est que l’on travaille sur des zones pastorales à régime extensif. Donc, l’intervention destructrice du mouton dans les nouvelles plantations, y compris des plantations pastorales destinées à alimenter dans un avenir immédiat ces mêmes cheptels, ne peut pas surprendre outre mesure. C’est le contraire qui aurait été sans doute anormal. C’est que toutes les mesures n’ont pas été prises pour sauvegarder ces investissements publics (plantations), particulièrement en matière de gardiennage. Pire, la relation établie avec les populations pastorales n’ont pas bénéficié des nouvelles méthodes de l’approche participative qui appellent à intégrer complètement les ménages dans la protection de leur propre environnement, à les sensibiliser aux conditions de la pérennité du patrimoine fourrager. Les interventions actuelles de l’État dans ces espaces, à travers la nouvelle politique dite de Renouveau rural, à travers les projets de proximité de développement rural intégré, montrent clairement les lacunes des anciennes méthodes autoritaires et unilatérales qui étaient à mille lieues d’établir des passerelles de coordination et de concertation avec les populations rurales.

Sensibilisation et intégration des populations

La dégradation continue des fourrages steppiques et le danger qui pèse aussi bien sur l’économie pastorale locale que sur les terres septentrionales par l’avancée du désert, étaient des thèmes pas toujours accessibles à des populations nomades ou semi-nomades des Hauts Plateaux, d’autant plus que le travail de sensibilisation n’était pas correctement pris en charge. Avec le nouveau paysage médiatique que présente l’Algérie depuis quelques années, où se bousculent chaînes de radio et de télévisions ainsi que les journaux, il est logiquement attendu une information de proximité plus proche du citoyen, des émissions de sensibilisation aux enjeux de l’économie locale et de l’environnement et un accompagnement médiatique et de vulgarisation à tout ce qui est entrepris pour réhabiliter les espaces dégradés et diversifier et moderniser les méthodes de travail. Ainsi, la ceinture oléicole de grande envergure, lancée en 2010, est supposée bénéficier d’un maximum de sensibilisation, d’autant plus que cet ouvrage, contrairement au Barrage vert, est affecté à des parcelles de particuliers qui en bénéficient gracieusement. C’est à la fois un investissement économique et un moyen de lutte contre la désertification. Cependant, en tant qu’arbre fruitier, l’olivier est appelé à recevoir des soins culturaux et des traitements spécifiques pour en faire un investissement générateur de revenus et d’emploi. De même, et l’exemple de certaines régions des Hauts Plateaux sont là pour le prouver, le déficit d’accompagnement en industrie agroalimentaire, principalement les huileries, risque de relativiser ou même de remettre en cause cet investissement. Les futurs projets devant porter sur la réhabilitation et d’extension du Barrage vert, vont se joindre aux avancées de la ceinture oléicole pratiquement sur les mêmes latitudes géographiques. L’efficacité d’une telle vision de la lutte contre la désertification suppose également l’impérative nécessité de la modernisation technique et managériale des agents de l’administration en charge de ces projets. Les conservations des forêts au niveau des wilayas mènent actuellement un travail titanesque en matière de développement rural en général. Leur mission originelle, à savoir la protection, la gestion et l’extension du patrimoine forestier s’en ressent quelque peu, et ce, en raison du manque d’effectifs, de la caducité de la loi portant régime général des forêts datant de 1984 et du besoin pressant de réhabilitation du statut social de leurs agents. La lutte contre la désertification se présente indubitablement aujourd’hui comme une vision globale intégrant une démarche technique/écologique, des objectifs économiques et sociaux et une ambition de promouvoir le développement humain.

A. N. M.

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