Timizar Loghbar : le calvaire à 3 km de Tizi

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Dix heures, à bord de la Clio qui nous emmène au village Timizar Loghbar, le Président du Comité Outarab Hamid, tente de résumer une situation lamentable dont souffre, depuis des lustres, les villageois. «Le village n’est qu’à quelques encablures du chef-lieu de la wilaya, mais le manque des commodités les plus élémentaires donne l’air aux visiteurs qu’elle est située aux confins du Djurdjura», clame-t-il. Situé à trois kilomètres, à l’Est du chef-lieu de la wilaya, sur la route de Ouaguenoune, juste après le pont de Bougie, ce village, composé de plusieurs hameaux et bourgs, semble être délaissé par les autorités locales, eu égard aux réclamations, maintes fois soulevées, des citoyens. Les huit mille âmes qui y vivent affrontent quotidiennement les sempiternels problèmes d’eau d’électricité et d’assainissement. «Pour résoudre les problèmes des cinq villages, il faut toujours appeler à la solidarité citoyenne.»Au chef-lieu du village, Ait Amar Salah, un autre membre du village nous attend avec impatience. Ce quinquagénaire aux cheveux blancs est l’un des éléments les plus actifs qui n’ont jamais cessé de se battre pour arracher quelques projets. Cet employé de la commune connaît au bout des doigts, tous les coins et recoins de ces bourgades. Les démêlés avec les différents exécutifs communaux qui se sont succédés à la gestion des affaires de la cité, à Tizi ouzou, il en connaît quelque chose.«Vous savez, normalement, il n’est pas nécessaire de rédiger une plate-forme de revendications, l’actuel maire est originaire de ce village. Il connaît bien notre calvaire», lâche-t-il, avant d’ajouter : «C’est lui en personne qui a rédigé la plate-forme des revendications du village, lorsqu’il était président du comité,en 1990».«La dernière fois que je l’ai rencontré, je lui ai remis le document qu’il a signé de ses propres mains lorsqu’il était dans notre camp», ironise Salah.Nous nous dirigeons vers le haut du village à bord du même véhicule. Sur le chemin les membres du comité de village nous montrent la maison du maire sise aux abords d’une route tortueuse. «Cette route n’a jamais été retapée, mais il y a des endroits inaccessibles», affirment nos guides. Soucieux de l’avenir de leurs enfants, notre première halte est une vieille école construite durant les années soixante. A l’école : des sanitaires aménagé en bureau de directeurBâtie juste après l’indépendance sur une superficie de 800 m2, le bloc pédagogique de l’école primaire Keddache, composé de huit locaux, occupe la quasi-totalité de la superficie ; les potaches, qui dépasse la centaine, s’entassent et se bousculent à chaque récréation pour jouer, et pourtant ce n’est pas l’espace qu manque au village s’il y avait une volonté politique.Avant de se lancer dans sa plaidoirie, le directeur M. Zitouni, a eu l’amabilité de signaler que nous sommes à l’intérieur d’une toilette aménagée pour servir d’administration. Une pièce de 16 m2, pouvant contenir à peine deux personnes.L’odeur nauséabonde des eaux usées, mélangée à celle dégagée du mobilier vétuste coupe la respiration, rendant l’atmosphère irrespirable. «Ne vous inquiétez pas,nous avons l’habitude», l’école est à l’image du village», renchérit –il.«L’APC, nous a donné un bon de commande pour doter l’école d’un nouveau mobilier, mais malheureusement nous n’avons rien trouvé au parc communal.»Au départ, une cantine a été inscrite au profit de cette école. Faute d’assiette, elle a été transférée. Dans ces insuffisances, le directeur a proposé le réaménagement d’une classe pour rassasier les ventres des chérubins d’autant plus qu’une préscolaire est assurée pour une quinzaine d’enfants. Mais le danger qui guette tout le monde dans ce lieu de savoir est le risque d’effondrement. Les dégâts du dernier séisme sont toujours perceptibles. Bien que les différentes délégations de contrôle aient écarté tout danger, le directeur ne cache pas sa crainte de revivre un cauchemar. «Je ne sais pas comment un mur éventré peut – tenir des tonnes de bétons», s’interroge-t-il.L’odeur nauséabonde est partout, elle nous a suivi même dans les classes où les conduites d’évacuations usées ont été absurdement installées à l’intérieur. «Je suis obligé d’ouvrir la fenêtre même en hiver», clame une institutrice. Même les logements d’astreintes ne sont pas épargnés par le séisme qui a lézardé tous les murs. «L’étanchéité est dans un état dégradé», dira une enseignante. Les enseignants réclament une clôture pour leur sécurité, «il y a eu plusieurs vols, heureusement que nous n’étions pas là. Sinon ça aurait été au prix de notre vie», enchaîne-t-elle.

«De l’eau SVP»A l’instar des autres villages de la Kabylie, Timizar Leghbar souffre de la pénurie d’eau notamment pour les habitations situées dans la partie haute, à proximité du cimetière Thakaroucht. Le même lieu qui abrite depuis longtemps le château d’eau datant de l’ère coloniale.En 90, les habitants ont attiré l’attention des autorités sur le risque de contamination des eaux, par la décomposition des corps humains et ont proposé son déplacement au lieudit «Tighilt Inazdhan». «Le choix de ce lieu n’était pas fortuit, puisque des constructions à usage d’habitations commençaient à y être réalisées, notamment avec le désenclavement des lots situés en aval», et d’ajouter : «vous voyez toute cette partie est occupée.»En 2004, les autorités ont concrétisé partiellement la revendication des citoyens, en réalisant le nouveau château d’eau, mais sans supprimer l’ancien. «La méthode retenue pour l’adduction de l’eau est inefficace, puisque les foyers de Thakarouchth, et de Thaddart bbwadda ne sont toujours pas alimentés». En effet, le nouveau château alimente d’abord l’ancien lequel à son tour devrait alimenter les foyers,mais le faible débit fait que l’eau n’arrive que rarement aux robinets ou par intermittence.En plus du problème de l’eau, le hameau dénommé «Taddart bbwadda» situé aux abords de la route de wilaya est complètement enclavé. Les petites pistes sont inaccessibles. L’éclatement du réseau d’assainissement et son obstruction en sont les principales raisosn. Les égouts qui coulent à flots dans tous les sens aggravent davantage l’état des pistes sinueuses, et polluent l’atmosphère. Salah raconte que la Protection civile n’a pas pu évacuer un malade, sur un brancard, en raison de l’inaccessibilité de la piste vers ce hameau.Le projet du bétonnage de la piste de ce bourg a été retenu auparavant. Elle a été estimée à 400 millions de centimes. «L’idée n’a jamais été mise en pratique», soupire Salah. «Sur les six milliards du budget primaire de l’APC de Tizi Ouzou, nous n’avons reçu que 32 millions de centimes destinés à l’extension des réseaux d’AEP», indique-t-il. Nous empruntons ensuite un autre chemin tortueux pour rejoindre le village de Tazmalt. L’inexistence des caniveaux a complètement dégradé la route, où même les véhicules trouvent toutes les peines du monde pur y accéder. «Cette route a été détériorée par les poids lourds transportant du sable», souligne-t-il. Une décharge publique à proximité d’une écoleLe fait le plus déplorable au cœur du village «Tazmalt», est la présence d’un monticule de détritus à proximité du portail principal de l’école «Hamiche». En sus des odeurs à couper le souffle, la décharge est une véritable menace pour l’hygiène. Le comble du malheur est qu’une unité sanitaire, symbolisant «la santé et l’hygiène», se trouve sur l’autre rive de la route. «Nous avons toujours réclamé la construction de niches et le ramassage des ordures, mais comme d’habitude rien que des promesses», clame Salah. Avant de quitter ces lieux, Salah a tenu à faire un tour d’horizon des besoins des populations. Il en trace un tableau noir, mais croyant ferme «que rien ne se donne, mais tout s’arrache», Il nous donne un autre rendez-vous, entreprendra des actions musclées pour attirer l’attention des pouvoirs publics.

M. Aït Frawsen

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