La “cité” de la détresse

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La commune de Réghaïa a toujours ses bidonvilles qui l’enlaidissent en dépit des plans spéciaux de construction de logements dont elle a bénéficié à l’instar d’autres municipalité voisines.Le chiffre est terrible : plus de 2 000 familles sont encore installées au bidonville de Haï El Kerrouche situé sur la route de Boudouaou. A une distance de 10 mètres, ces dizaines de gourbis coincés entre la voie ferrée et la route nationale ressemblent à des tombes. Branchement anarchique de l’électricité, pas l’ombre d’une ruelle digne de ce nom. Pour y mener une petite enquête sur la vie des résidents, il faudrait résister à l’odeur nauséabonde des égouts à ciel ouvert, des fosses d’aisance creusées à l’entrée des baraques sans le moindre respect des normes.Provenant de ces masures collées les unes aux autres, les eaux usées sont déversées à Oued Djakane qui traverse un quartier à Réghaïa. Il n y a pratiquement aucun moyen de préserver l’hygiène des lieux. “D’ailleurs on n’est même pas concerné par le ramassage des ordures, se plaignent des résidents, interrogés.“Y a que quoi devenir fou”, répète l’un d’entre-eux, précisant qu’il a perdu l’espoir d’être relogé. Certains sont là depuis plus de trente ans. D’autres chefs de familles ont débarqué par groupes de cinquante, dit-on, durant les deux dernières décennies. Exode rural vers cette commune jouxtant la zone industrielle, donc conséquence d’une mauvaise politique agricole ayant contraint de nombreux campagnards à quitter leur terre ? Déficit en matière de construction immobilière notamment à l’intérieur du pays ? Insécurité ? Ou les trois causes à la fois ?Les souffrance sont là.Il faudrait les vivre pour les décrire. On évoque ces promesses de relogement réitérées lors des différentes échéances électorales, mais jamais concrétisées, puis l’on signale les problèmes vécus au quotidien. L’eau qu’on leur ramène dans des camions-citernes est selon eux non potable “la plupart d’entre eux souffrent de calculs rénaux à cause de la mauvaise qualité de cette eau.” Autres maladies : asthme à cause de l’humidité et le trachome qui atteint particulièrement les gosses jouant autour des flaques d’eau puantes ou dans des terrains vagues poussiéreux et bourbeux.Nos interlocuteurs déplorent l’inexistence d’une cellule de proximité pour veiller sur l’état de santé de leur progéniture et recueillir les doléances des familles infortunées.“La nuit, on a peur des morsures de gros rats et ça grouille de cafards”, se plaint une maman avant de s’éclipser. Une vieille veuve nous fait entrer dans son gourbi. Vingt mètres carrés de parpaing entourés de plaques de fer et d’acier.Le plafond est mince. Elle dit en substance qu’elle a pourri ici bien avant qu’elle prenne de l’âge. Son fils, plutôt son bras droit pour reprendre son expression, a une petit famille de trois enfants, pas d’espace où mettre les lits. Il n’y a que des matelas au milieu d’un fatras d’ustensiles de cuisine. Une telle misère est, de toute évidence, partagée par les autres “habitants de ce bidonville. A cause de l’inexistence de conditions adéquates d’épanouissement “nos enfants ne parviennent jamais à un niveau universitaire”. Un constat qui sape leur moral, d’autant plus qu’aucun responsable, à leur dire, ne leur rend visite. Un projet de 80 logements a été réalisé en l’an 2000 juste en face de ce bidonville. Ils seront squattés trois ans plus tard par de nombreux chefs de familles.Alors que les bidonvilliers du coin souhaitaient qu’ils soient distribués selon l’ordre de priorité établi depuis belle lurette par les services de l’APC.

Salim Haddou

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