“Ils veulent assassiner l’œuvre de Matoub”

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Malika Matoub a révélé hier que ce sont les Editions Izem avec un clan de l’ONDA (Office national des droits d’auteurs) qui sont derrière le refus de l’établissement d’une autorisation pour la sortie en Algérie du double album de Lounès Matoub, intitulé l’Adieu. Mais la sœur du Rebelle ne veut pas croire qu’un simple groupuscule pourrait, à lui seul, faire obstruction à l’œuvre d’un artiste de la stature de Lounès. Elle laisse entendre que la décision est réellement politique et le groupe cité ne serait que l’arbre cachant la forêt.

Entourée de sa mère et de Nourredine Medrouk, porte-parole de la Fondation, Malika Matoub a rappelé que l’album devait sortir en septembre juste après la France le 9 du même mois. L’oratrice rappelle que deux mois après la parution des albums en France, l’ONDA refuse toujours de délivrer l’autorisation, à moins que la famille accepte d’amputer le produit artistique de six chansons, objet de l’opposition émise par les Editions Izem. Malika Matoub s’étonne que les six titres ciblés aient pour point commun la même thématique.

Il s’agit de chansons sur le terrorisme : Asirem, Kenza, Tighri n’Taggalt, Taakemt n’tegrawla, Ayahviv iw. « Il s’agit tous de titres liés à la décennie noire du terrorisme », indique l’intervenante qui ne veut pas croire à une pure coïncidence. Ce qui conforte sa thèse, ce sont les déclarations d’un responsable de l’ONDA qui lui a affirmé textuellement : « A l’ONDA, ça nous dépasse. Il faut qu’il y est une décision politique ». Entre temps, la contrefaçon est mise en œuvre pour tout ce qui concerne l’œuvre de Matoub, ajoute Malika, qui cite les quatre wilayas de Tizi Ouzou, Bgayet, Alger et Bouira où le piratage des CD de Lounès bat son plein. Malika Matoub rappelle que l’album posthume de Matoub, intitulé Lettre ouverte… a été édité par Izem sans l’existence d’un quelconque contrat. « Ni Lounès, ni ses ayants-droit n’ont signé un contrat avec cet éditeur », précise-elle. A l’ONDA, on est plutôt évasif quand Malika Matoub interroge si cet organisme a délivré une autorisation pour la sortie de ce produit. Au sujet de l’album objet du litige, Malika Matoub souligne que la famille a interpellé le tribunal et saisi les ministères concernés mais, en retour, elle n’a reçu que de bonnes paroles. Puis, il n’y a plus rien. Aucune mesure n’est prise. Hier encore, l’ONDA a envoyé, par fax, une ultime réponse négative.

Malika Matoub affirme que la famille a décidé de marquer le cinquantenaire de la naissance de Lounès avec la sortie de ce live, après que toutes les activités commémoratives initialement prévues eurent été annulées suite au désengagement de l’Etat de les prendre en charge, avec notamment un méga-concert à la Coupole d’Alger et un colloque sur la vie et l’œuvre de Matoub à l’université de Tizi Ouzou. « Ses fans ont le droit de savoir ce qu’il y avait dans la tête de Lounès ce 17 janvier 1998 », déclare l’oratrice qui dénonce la politique de deux poids deux mesures, exercée par l’ONDA qui n’a pas levé le doigt quand il s’est agi de la sortie, sans autorisation, de Lettre ouverte… juste après l’assassinat de son frère. La mère de Matoub est intervenue pour faire part des humiliations dont elle ne cesse d’être victime de la part du gérant des Editions Izem, qui lui a affirmé à maintes reprises que : « Matoub est mort, il est fini, ses cassettes ne marchent plus, laisse-nous tranquilles… ». La mère de Matoub a affirmé que le frère du gérant de cette boîte lui a même manqué de respect en s’en prenant à sa bru, la veuve de Lounès.

Ce qui est étrange, selon Malika Matoub, c’est qu’il n’existe aucune trace écrite de l’opposition des Editions Izem concernant les six chansons, sujettes à polémique. En France, la sortie du double CD n’a posé aucun problème, indique-t-elle, en réponse à un journaliste. Le produit est sorti chez Créon Music sans aucun problème le 9 septembre 2006. Malika Matoub se demande pourquoi ces lois sont appliquées sur Matoub et pas sur ses détracteurs. Sur le marché, on trouve des compilations de Matoub ne répondant à aucune légalité sans que les gens qui sont derrière ne soit inquiétés.

L’hommage rendu à Matoub au Zénith en 2004 a été produit par Izem sans aucune autorisation, il se vend publiquement, déplore la conférencière. Un autre journaliste demande « si la famille Matoub ne compte pas mener des actions communes avec d’autres artistes célèbres de la Kabylie ayant été également victimes des agissements de cet éditeur ». Malika Matoub répond qu’elle est en contact avec ces artistes et cette piste n’est pas exclue. Les artistes en question sont, entre autres, Mohamed Fellag, Hacène Ahrès, Takfarinas…

Le double album bloqué devait sortir chez les Editions Belda et Universal. Lors d’une réunion tenue avant-hier au siège de l’ONDA, un responsable de cet organisme a affirmé à Malika Matoub que le directeur général de l’ONDA reçoit des pressions au sujet de la sortie du double album du Rebelle. On a répliqué à Malika Matoub : « Allez-y voir plus haut ! », rapporte la concernée. Malika Matoub estime que cet album dérange beaucoup car les vingt et une chansons résument la situation et l’histoire de vingt ans en Kabylie. « La chanson kabyle a besoin d’un nouveau souffle comme ce double album. Il permettra à de jeunes chanteurs à texte de s’en inspirer. Ils pourront donner des idées à la jeune génération de chanteurs, qui ont besoin de repères », enchaîne l’oratrice, rappelant que Matoub a accepté pour la première fois de se faire enregistrer et filmer sur scène le 17 janvier 1998, soit à la veille de son assassinat.

Aomar Mohellebi

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