Une vie, un combat

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Militant de la première heure de la cause amazigh, Mohamed Haroun dans l’état civil, Massin dans la vie, a vu le jour le 13 avril 1949 au village kabyle Tifrit, à 3 kilomètres de la ville d’Akbou. Orphelin dès sa tendre enfance suite à la mort de son père, officier de l’ALN, connu sous le nom de guerre de sergent Tahar, tombé au champ d’honneur en 1958. Haroun entre à l’école tard, à l’âge de 11 ans, dans un camp militaire français. Il rejoint ensuite le centre d’enfants de chouhada d’El-Eulma.Elève doué, il fera trois classes en une seule année scolaire. En 1967, il s’inscrit au CNET de Sidi Aïch pour préparer un CAP d’ajusteur. Il obtient un bac technique au lycée technique de Dellys. Haroun commence à faire parler de lui, tout particulièrement à la fac. En parallèle à ses études en sciences exactes à la Faculté centrale d’Alger et d’astronomie à l’Observatoire de Bouzaréah, il faisait des recherches sur Tamazight et il était en contact avec Mouloud Mammeri, alors directeur du CRAPE à Alger. En outre, Massin était un artiste-peintre.Avec d’autres militants de la cause berbère, il participe à la création de la première revue en tamazight, Ittij. Ses prises de positions courageuses en faveur de notre langue et identité ont fait de lui une cible privilégiée dans le collimateur de la SM.Lui et ses compagnons, dans leur lutte implacable pour la reconnaissance du peuple berbère, passent à la vitesse supérieure en créant l’OFB (Organisation des forces berbères). En parallèle, ils éditaient la revue politique Atmaten (les frères) et distribuaient des tracts pour éveiller le peuple sur la cause identitaire et contre l’injustice. Son arrestation le 5 janvier 1976, suite à la fameuse “affaire des poseurs de bombes”, le met au-devant de la scène. “J’ai été arrêté au restaurant universitaire vers 20 h par la Sécurité militaire. Mis dans une voiture banalisée jusqu’à hauteur de la RTA, là, j’ai été conduit dans un fourgon blindé et complètement dans le noir en un lieu que j’ignore jusqu’à maintenant où j’ai subit un interrogatoire musclé pour ne pas dire que j’ai été torturé”, raconte-t-il. Le fils de Tifrit passe 11 longues années à la sinistre prison de Lambèse (Tazoult) où il a subi toutes sortes de torture et l’isolement, on a même voulu le faire passer pour un malade mental. “J’ai lutté contre la folie. Je ne me suis sorti de cet enfer que grâce à mon esprit de lutteur, de combattant”, dit-il. Vers la fin de 1976, sa mère est morte dans un accident de la circulation sur sa route pour lui rendre visite à Lambèse et il n’a même pas eu le droit d’assister à son enterrement. Après 11 ans et demi de pire calvaire, Haroun sera libéré le 5 juillet 1987 à l’occasion du 25e anniversaire de l’indépendance. Un accueil grandiose lui a été réservé par les siens.Enfin, il n’est guère aisé de cerner, en quelques lignes, la vie de ce grand et dévoué militant de la cause amazighe qui a vécu sans emploi et sans ressources. Il s’est éteint le 22 mai 1996 des suites d’une tumeur laissant derrière lui une veuve et deux filles. Haroun a vécu comme un homme digne qui a refusé toute compromission.

K. Kh.

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