L’accusé condamné à mort

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Il est devant un barrage de contrôle des services de sécurité. Il est 4h du matin. Avant de s’extraire de son siège, des hommes en bleu, les mains crispées sur les kalachnikovs, parviennent à sa hauteur. Nul besoin donc de leur conter sa mésaventure. Les policiers en faction au barrage découvrent à bord de la 309 un cadavre. Dans plusieurs endroits du corps, un liquide chaud coule toujours. C’est le corps de Rafik G. Ils constatent que la poitrine, le visage et les jambes sont lacérés. L’alerte est immédiatement donnée et une ambulance arrive quelques minutes plus tard sur les lieux pour transporter le corps de Rafik G. à l’hôpital. Hafidh T., quant à lui, porte des ecchymoses et du sang coule sur sa poitrine. Que s’est-il passé ?

Les faits

Boulimat 25 janvier 2008. Il est 2h du matin passées de quelques minutes. Hafidh T. et Rafik G. s’enivrent à la bière dans un bar. Au rythme de la musique raï, la soirée bat son plein. D’autres jeunes trinquent dans une ambiance gaie. C’est la rencontre de trois dérives : alcool, argent et prostitution. Hafidh T. ne peut s’empêcher de partager ces moments de folie avec une belle fille. Il joue le jeu et parvient à ses fins. Quelques minutes plus tard, un jeune client à moitié ivre s’approche de sa chasse gardée pour lui faire la cour. Hafidh T. pique une colère et ordonne à son concurrent d’abandonner la partie, en vain. Du coup, les esprits s’échauffent et les deux jeunes en viennent aux mains. D’autres jeunes, trois au total, bondissent de leurs coins et la piste de danse se transforme subitement en un champ de bataille. Les videurs du bar interviennent et mettent dehors Hafidh T. et son compagnon de fortune Rafik G. Les autres jeunes, Larbi Ch., Laid Ch. et Sofiane Y. sont toujours dans le bar. Dehors, les deux jeunes complotent pour donner la réplique à leurs agresseurs. Ils décident donc d’attendre dehors. Près de vingt minutes s’écoulent avant que les trois agresseurs flanqués de leurs copines d’une nuit n’apparaissent sur les marches du perron de l’établissement. C’est le déchaînement de l’horreur. Arrivés à la hauteur de Hafidh T. et Rafik G., une deuxième bagarre éclate. Les deux infortunés seront à nouveau roués de coups. Hafidh T. regagne à pas de course sa voiture garée à une vingtaine de mètres de l’arène de combat et s’arme d’un levier. Rafik G., quant à lui, réduit à l’impuissance, essaye de toutes ses forces de se protéger de la grêle de coups de poing et autres coups de pied. Son compagnon arrive avec son levier et tente de persuader les trois agresseurs de lâcher prise en brandissant son objet de ferraille et par là extraire son ami de ce tourbillon. Il parvient à les faire reculer et à abandonner la partie. Entre-temps, l’une des accompagnatrices des trois agresseurs, Nawel, 22 ans, quitte les lieux en vitesse, car elle est chargée d’aller chercher du renfort. Au moment de leur fuite, Hafidh et Rafik seront pourchassés par les trois agresseurs à coups de pierres et autres bouteilles en verre. La voiture de Hafidh sera partiellement endommagée et le pare-brise arrière brisé. Il essaie de mettre le moteur en marche, la voiture ne veut pas démarrer. Nawel, parvient, haletante, au bungalow où se trouvent Djahid A/K. et Abdenour Kh. et leur débite de bout en bout la tragique histoire. Djahid et Abdenour enfilent leurs par-dessus et quittent les lieux. Avant de sortir, Abdenour s’arme d’un couteau. Ils ne mettront que quelques minutes pour rejoindre leurs amis. Hafidh parvient enfin à faire démarrer sa voiture. Au bout d’un trajet d’une centaine de mètres plus loin, il immobilise la voiture. Que cherche-t-il ? Une nouvelle bagarre ? A ce moment-là, Djahid A/K. se saisit du couteau de Abdenour et se dirige vers la voiture. Rafik G. descend du véhicule et vient à sa rencontre. Mais cela sera malheureusement fatale ! Djahid brandit son couteau et le larde de coups. Cinq au total ! Un coup au niveau de la cuisse lui sera mortel. Une artère sera sectionnée provoquant un syndrome hémorragique. Un liquide chaud coule sur tout son corps. Hafidh s’extrait enfin de son siège et vient éloigner Djahid du corps ensanglanté de son compagnon en le menaçant à l’aide de son levier. Il le réembarque et démarre en trombe oubliant la crevaison de l’une des roues de sa voiture. Son compagnon agonise, mais il est toujours en vie. L’horloge tourne en sa défaveur puisqu’il rendra l’âme moins de vingt minutes plus tard dans la voiture.

Djahid et ses complices, de leur côté, regagnent hâtivement le bungalow.

Là, Naïma, 19 ans, se chargera de laver le survêtement maculé de sang de son compagnon Djahid. Djahid, quant à lui, se débarrasse de l’arme du crime en la jetant dans la mer.

Le verdict

Samedi 2 mais 2009. 13h30. Grosse ambiance aux assises de Béjaïa. Plus une place de libre sur les bancs de la grande salle à la boiserie patinée et l’on se bouscule encore à la porte.

Les gardes ont du mal à contenir la foule, tout le monde veut assister au procès. Dans le box des accusés de la cour criminelle, cinq personnes. Djahid A/K. poursuivi pour homicide volontaire, Abdenour Kh. pour complicité de meurtre, Larbi Ch. Laid Ch. et Sofiane Y. pour coups et blessures avec arme blanche et destruction des biens d’autrui. L’audience débute à 14h. Djahid A/K est appelé à la barre pour répondre de ses actes.  » J’étais avec Abdenour au bungalow lorsque l’une des filles arrive pour nous alerter que nos amis se bagarrent dehors.

Quand je suis arrivé, j’ai essayé de les raisonner. J’étais ivre. Par la suite, mon ami Abdenour m’a remis un couteau et je me suis dirigé vers la voiture. Là j’ai asséné deux coups de couteau à la personne qui se tenait devant moi  » raconte-t-il. Arborant des photos de la victime prises par les enquêteurs, le juge lui rappelle :  » Vous l’avez frappé au niveau du cou et ailleurs » avant de l’inviter ensuite à bien regarder :  » Approche, voilà ; une, deux…  » Un murmure parcourt la salle d’audience. La mère de la victime essuie furtivement ses larmes. Au même moment où les souvenirs se pressent et se bousculent dans la tête de l’accusé, les avocats de la partie civile l’assaillent de questions. Il baisse la tête pour cacher son désarroi. Avant l’audience de ce samedi et devant le juge d’instruction l’accusé déclare :  » J’ai évité son coup et j’ai pu par la suite le surprendre en lui assénant plusieurs coups. « Au terme de son réquisitoire, le représentant du ministère public requiert la peine capitale à l’encontre de Djahid A/K., 20 ans de prison ferme contre son complice Abdenour Kh. et 5 ans de prison ferme plus une amende de 200 000 DA contre les trois autres inculpés.

Il est 20h 30. Le jury se retire pour délibérer. 21h 40, le président de l’audience rend public son verdict.  » Djahid A/K., vous êtes condamné à mort pour homocide volontaire, Abdenour Kh., vous êtes condamné à vingt ans de prison ferme pour complicité de meurtre, Larbi Ch., Laid Ch., Sofiane Y., vous êtes condamné chacun à une année de prison ferme plus une amende de 50 000 DA. Vous avez huit jours pour vous pourvoir en cassation. La séance est levée.  » L’assistance s’agite. Djahid A/K. tombe en sanglots.

Dalil S.

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