Baignades en… eaux troubles

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C’ est vrai que ces derniers ne se déplacent pas hors wilaya d’Alger pour pouvoir profiter de quelques jours de détente et de loisirs, mais cela ne veut nullement dire qu’ils ne vont pas passer leurs vacances. Ils se contentent d’aller vers des sites touristiques et les plages côtières de la wilaya d’Alger. Passer l’été sur une magnifique plage au sable fin, admirant les flots bleus, tel est le vœu de chaque amoureux de la mer après une longue année de labeur. Mais reste à connaître l’état des lieux de nos plages qui sont laissées à l’abandon. Pour les plus soucieux de leur sécurité et de leur hygiène, les vacances d’été sont toujours précédées par une longue recherche d’une destination qui corresponde à leurs aspirations. Une destination qui soit à l’abri de l’insécurité et de la pollution. Effectivement, après la tenue de plusieurs campagne de sensibilisation et de nettoyage, les Algériens déplorent toujours l’incivisme qui caractérise nos plages durant ces dernières années. Déchets domestiques, sacs en plastique, bouteilles en verre et en plastique, canettes de soda, de bière, emballages vides, tel est le nouveau décor qu’offrent quelques plages, en cette saison aux estivants. Laisser nos plages sans nettoyage et hygiène ne fera qu’aggraver le phénomène de l’insécurité dans ces enfroits. Sans omettre de dire que les eaux usées qui se déversent directement en mer donnent une image choquante à nos plages.

En l’absence de sécurité et de surveillance, ces plages sont fréquentées par des enfants qui ignorent le danger qui les guette. Les autorités ont essayé de prendre en charge ce fléau à travers plusieurs campagne et opération de sensibilisation, dont l’opération les « Eboueurs de la mer ». Vu l’état de quelques plages, cette opération demeure une nécessité. L’objectif principal de cette initiative, qui en est à sa sixième édition, revêt également une importance particulière dans la sensibilisation des estivants, mouvement associatif et autorités locales quant à la nécessité de préserver la propreté de l’environnement. Elle invite les citoyens de tous âges à contribuer à cette action pour un « lendemain vert ». En plus de l’hygiène et de la propreté de nos plages, les estivants cherchent également à être à l’abri de l’insécurité.

Pour garantir la sécurité des estivants, un programme de sécurité appelé Plan Delphine a été ainsi mis en place par les services de la Gendarmerie nationale. De même que la direction générale de la Sûreté nationale a installé le Plan Azur. Sans oublier les efforts considérables déployés par les éléments de la Protection civile pour protéger la vie des estivants. A noter qu’en dépit de tous ces moyens humains et matériels déployés par les autorités, quelques plages de la capitale enregistrent des incidents relevant de la délinquance à l’encontre de paisibles familles et couples.

La sécurité intensifiée sur les plages de la capitale

En prévision de la saison estivale, et afin d’assurer la sécurité de milliers de vacanciers qui se jettent déjà sur les différentes plages de la capitale, les services de la Gendarmerie nationale ont mis en place le Plan Delphine dont la mission consiste à sécuriser 241 plages au niveau national. Le Plan Delphine 2009 devra mobiliser, en ce début de saison estivale, quelque 500 éléments de la Gendarmerie nationale, répartis sur 21 plages autorisées à la baignade relevant de la compétence du groupement de la wilaya d’Alger. Effectivement, les gendarmes en véhicules, hélicoptères, motocycles et d’autres équipes cynotechniques sont déjà en place, a fait savoir le responsable du groupement de la Gendarmerie nationale d’Alger. Pour cette année, le nombre de gendarmes est revu à la hausse en prévision de la forte affluence de vacanciers sur le littoral algérois. Il y a lieu de rappeler que le chef d’état-major du groupement d’Alger, Houasse Béjaoui, avait procédé au mois de juin à la présentation de la compagnie de Gendarmerie nationale de Réghaïa et des grandes lignes de ce plan, lancé le 1er juin. Les objectifs tracés par le Plan Delphine sont notamment la sécurité routière, la sécurité des personnes et des biens, la lutte contre la petite et moyenne criminalités, le contrôle des conditions d’hygiène… Selon le chef d’état-major du groupement d’Alger, le littoral algérois verra la mobilisation de quelque 500 gendarmes qui auront la mission d’assurer, via leurs patrouilles motorisées et pédestres, l’ordre public et la quiétude des estivants. A signaler que les 21 plages autorisées à la baignade et relevant de sa compétence seront surveillées H/24 par les brigades balnéaires. Pour ce qui est du dispositif sécuritaire destiné à l’élaboration du Plan Delphine, le chef d’état-major, M. Béjaoui avait indiqué que 38 brigades territoriales, dont 5 de sécurité routière, relevant des compagnies de Dar El-Beida, Rouïba, Zéralda et Chéraga, sont impliquées dans ce plan, afin d’assurer la sécurité totale des estivants. Des opérations coup-de-poing seront programmées au fur et à mesure, et ce selon la situation sécuritaire qui prévaut au niveau des plages. Six escadrons d’intervention seront aussi mobilisés pour le renforcement du Plan Delphine.

Des plages infréquentables et d’autres manquant de commodités

“Nous avons ainsi sillonné certaines plages pour nous rendre compte de la réalité : certaines plages sont infréquentables à cause de la pollution, d’autres sont caractérisées par des manques. Pour ce qui est de la sécurité, les plages de Réghaïa-plage, El-Kadous et Tarfaya sont totalement sécurisées. Des patrouilles assurent, tous les jours, la surveillance des lieux et des gens qui les fréquentent”, a assuré le commandant Reda Boukhenfouf, lors de la mise en place du Plan Delphine. A la plage de Bab El-Oued fréquentée par de nombreuses familles algéroises, l’absence des sanitaires et de douches fait toujours défaut. Ajouter à cela, nos plages manquent aussi d’espaces de loisirs et de jeux. Non loin de là, la piscine El Kettani très fréquentée par les enfants, accueille près de 600 personnes par jour. A l’ouest d’Alger, plus précisément à la plage ColonelAbbès,àDouaouda Tipaza, l’absence de sanitaires et de douches est également à déplorer. Une situation qui demeure insupportable et inadmissible pour les habitués de cette plage. « C’est un constat amer, déplore Rafik, un habitant de Douaouda, et un habitué de cette plage. Je n’ai jamais vu de plage qui ne dispose pas de sanitaires, cela malheureusement ne se passe que chez nous ; c’est vraiment scandaleux. » Et d’enchaîner : « Le littoral algérois mérite un peu plus d’attention de la part des autorités et de de citoyens qui, eux aussi, participent indirectement à la pollution de nos plages ». Les mêmes lacunes malheureusement sont enregistrées à la plage Azur Plage. Là, les estivants déplorent l’absence des cabinets sanitaires et de douches en cette période estivale. Les familles que nous avons rencontrées sur les lieux nous ont exprimé leur mécontentement quant à la situation déplorable et l’image regrettable que donne cette plage. « C’est dommage qu’une aussi superbe plage soit exposée à ce genre d’embarras ; c’est même inadmissible et inacceptable qu’une plage ne dispose ni de sanitaires ni de douches ».

Alors que certaines plages manquent de commodités, d’autres, par contre, sont exposées à la pollution.

Diverses formes de pollution

Nous quittons Azur Plage pour Raïs Hamidou, où nous sillonnons les deux plages de cette commune : la Nautique et la Rascasse. Ces deux plages qu’un escalier sépare de la mythique Franco (la Pointe) sont interdites à la baignade. Ces dernières, faut-il le rappeler, sont fermées sur décision de la commission de l’environnement de la wilaya d’Alger pour cause de pollution (eaux usée et déchets de la cimenterie de la Pointe). Juste à l’entrée de ces deux plages, deux grandes pancartes annoncent déjà la couleur : « Plage interdite à la baignade. Plage polluée ». Mais cette interdiction n’a pas empêché des milliers d’estivants de les investir et des nuées d’enfants du quartier, et même ceux alentour, de se rafraîchir dans ses eaux boueuses pour échapper aux grandes chaleurs.

Il est 15 heures en ce mercredi de juin. Il fait très chaud, c’est l’été. Mais ce qui n’est pas normal, c’est cette marée humaine qui a investi la Nautique et la Rascasse, alors qu’elles sont interdites à la baignade. « Je sais bien que cette plage est polluée mais je ne peux pas aller ailleurs, même si cela a des effets néfastes sur ma santé », nous dira Omar, qui fréquente cet endroit depuis son enfance. Un autre habitué accompagné de ses deux enfants dira que « ces plages sont à deux pas de chez nous, et c’est les vacances, ce n’est pas la pollution qui me retiendra et m’empêchera de passer la période de repos à la mer ». Il explique : « Cela fait des années que je fréquente la Nautique et la Rascasse, et rien de mal ne m’est arrivé ». Nous rejoignons la plage la Fayette, à El Hammamet où le même constat est malheureusement enregistré. Cette plage est interdite à la baignade pour cause de pollution. Des rejets de l’hôpital de Baïnem s’y déversent directement. Cette catastrophe écologique ne risque pas de toucher seulement les estivants mais aussi les habitants de ce quartier. Rappelons toutefois que des associations n’ont pas omis à maintes reprises de tirer la sonnette d’alarme quant au danger qui guettent les nombreuses familles habitant cet endroit. A signaler également que le citoyen participe indirectement à la pollution des plages. Comme ce fut le cas à la plage le Belvédère où les habitants des lieux ont carrément fermé l’accès à cette petite baie par des monts de détritus et ordures. Une situation qui devra sans doute susciter une prise de conscience des habitants de ce quartier sur les effets néfastes que cela peut provoquer sur la faune et la flore. Selon des scientifiques, la baignade en eaux polluées représente des risques pour la santé liés à la présence de micro-organismes pathogènes, comme les coliformes fécaux dans l’eau. Avaler de l’eau contaminée constitue la principale voie d’exposition à ces micro-organismes. Ces derniers peuvent aussi pénétrer dans l’organisme par les oreilles, les yeux, le nez ou une écorchure de la peau.

Des eaux de baignade régulièrement contrôlées

Avant d’arrêter la liste des plages qui sont autorisées à accueillir des milliers d’estivants et celles interdites à la baignade, la wilaya fait procéder à des analyses des eaux de baignade au niveau de l’Institut Pasteur pour les prélèvements effectués par l’APPL et l’établissement chargé de l’hygiène urbaine (Hurbal) pour ceux acheminés par les bureaux communaux d’hygiène.

Pour la saison estivale 2009, le wali d’Alger a instauré un arrêté le 28 mai dernier portant la liste des plages autorisées à la baignade ainsi que celles interdites pour cause de pollution ou de travaux. Il compte environ 83 plages dont 54 sont autorisées à la baignade, durant la saison estivale 2009.La nouveauté cette année, c’est l’ouverture de 6 plages à la baignade alors qu’elles étaient interdites à la baignade l’année dernière. 29 plages demeurent toujours interdites à la baignade, dont 15 sont polluées, 6 classées dangereuses à cause de leurs rochers à fleur d’eau, 5 souffrent de l’absence d’accès et 3 font l’objet de divers travaux. Les plages interdites à la baignade, faut-il le rappeler, sont l’Îlot à Aïn Bénian, La Fayette et Campino et le Belvédère à El Hammamet, les deux plages Nautique et Rascasse à Raïs Hamidou, Deux Champs de tir à Zéralda, El Bahdja, Chameaux et l’Olivier à Bologhine, Kaâ Essour à La Casbah, les Sablettes à Belouizdad, Piquet Blanc à Hussein Dey, Lido à Mohammadia, Stamboul à Bordj El Kiffan et Coco Plage à Bordj El Bahri.

Des plages encore exploitées

Pour ne pas laisser les estivants à la merci des jeunes plagistes, le wali d’Alger a décidé cette année de ne pas accorder de droit d’exploitation des plages au niveau de la capitale durant cette saison estivale. L’instruction de la wilaya d’Alger consiste en l’interdiction de toute concession de plages. Ainsi, toute forme d’appropriation des espaces est interdite. Idem, pour ce qui a un rapport avec la location de matériel de plages (chaises, parasols, transat…) mais cela à condition de respecter les règles retenues dans ce cadre. Des règles qui consistent à ne pas provoquer des désagréments au public et de ne pas monopoliser l’espace. Mais ces règles sont-elles respectées sur le terrain ?

Assurément non, puisque les jeunes plagistes continuent à imposer leurs propres lois. Notre virée à la plage Palm Beach, devenue la destination prisée de citoyens venus de l’intérieur du pays, confirme ce constat. Ces jeunes plagistes appelés « des squatteurs de plages » proposent des parasols à 200 DA et des chaises et tables à 600 DA. Alors que le citoyen cherche un moment de détente et de plaisir, il se voit ainsi dans l’obligation de payer les frais de ce moment-là. « Ces squatteurs de plage usent de tous les moyens pour profiter de notre argent, on dirait que la plage leur appartient », dira Nadia, accompagnée de ses trois enfants. « Ils prétendent qu’ils nous offrent des services et ils nous assurent la sécurité et le confort, alors qu’en réalité ils profitent de notre argent », a-t-elle déploré. Rencontré lors de notre visite à Palm Beach, Mahdi, un jeune de trente ans venu de Tizi-Ouzou passer ses vacances à Alger, nous dira que « si ces jeunes plagistes ne respectent pas la réglementation, c’est à nous de réagir. Nous ne devons en aucun cas céder devant les désagréments provoqués par ces squatteurs de la mer ». De leur côté, ces jeunes plagistes affirment qu’il ne font qu’offrir le confort aux estivants en mettant tous les moyens qu’il faut à leurs dispositions. « Tous ces jeunes plagistes sont des chômeurs, comme moi d’ailleurs, ce travail qu’on fait est le seul gain de notre vie en cette période estivale », a expliqué un jeune plagiste qui a préféré garder l’anonymat. « En plus, nous ne faisons pas de mal, nous ne faisons qu’assurer la sécurité aux estivants », a-t-il ajouté.

Partageant son avis, Achour, un jeune plagiste, a assuré que « nous ne provoquons pas des désagréments aux estivants, bien au contraire, nous faisons tout pour les satisfaire en gardant les plages propres car c’est nous qui nettoyons les déchets qu’ils laissent derrières eux». «Je demande aux estivants qui considèrent les plages comme des décharges à apprendre à laisser nos plage propres, pour l’intérêt de tout le monde » enchaîne-t-il.

Lemya Ouchenir

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